25/09/2012
UN CHOC DE CIVILISATION ?
Avec une surenchère de titres alarmistes, les médias se focalisent sur les protestations à travers le monde contre un film islamophobe, « L'innocence des Musulmans » (apparemment financé par des fondamentalistes chrétiens américains). Des cortèges de centaines, voire de milliers de personnes manifestent, en effet, leur colère en Tunisie, en Libye, au Soudan, en Indonésie, en Egypte, au Liban… mais aussi en Belgique ou dans notre pays ; à Paris, une manifestation (illégale) devant l’ambassade américaine de 200 à 250 personnes a donné lieu à quelques violences et conduit à 152 interpellations. Est-ce là une démonstration du choc des civilisations prédit par Samuel Huntington ? Or, au-delà du choc des images, peut-on réellement considérer que ces islamistes représentent l’ensemble de la communauté musulmane évaluée à 1,6 milliards d’individus dans le monde (chiffre à comparer aux 2,2 milliards de chrétiens) ? [1] La centaine de salafistes à Paris incarne-t-elle vraiment les musulmans de France dont on estime le nombre à cinq ou six millions (dix selon l’extrême droite) avec un tiers de pratiquants, soit deux millions ? [2] Finalement, cette agitation symbolise davantage le choc des intégrismes en butte à la mondialisation ; comme toujours, les extrémismes se nourrissent entre eux.
[1] Philippe Madelin, « 1,57 milliards de musulmans dans le monde : un chiffre à comprendre » in Dans le secret des faits, 10 octobre 2009.
[2] Thomas Vampouille, « France : comment est évalué le nombre de musulmans » in Le Figaro, 7 avril 2011.
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08/09/2012
PORTRAIT DU NOUVEAU NUMÉRO 2 DE LA PN : DAVID SKULI
Âgé de 56 ans, le nouveau directeur de cabinet du DGPN est un ch’timi !
Fils de mineur, il s’oriente vers la police après son baccalauréat. Il commence sa carrière comme inspecteur de police et fait aussitôt preuve d’une grande curiosité intellectuelle, qui, alliée à de nombreux stages de formation (comme stagiaire ou formateur), lui a permis de gravir les échelons ; la police nationale était alors encore un ascenseur social.
Il a ensuite passé le concours de commissaire de police (34ème de sa promotion) pour être nommé à Armentières, puis à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Nord comme chef de la gestion opérationnelle, poste qu’il occupa quelques années.
Il a beaucoup voyagé, tant dans l’Hexagone qu’à l’étranger, multipliant les contacts avec ses collègues de Belgique, d'Allemagne, de Suisse, d'Angleterre, du Danemark, du Québec... [1] D’ailleurs, il est polyglotte (il doit parler cinq ou six langues) et a été en poste à l'étranger (Athènes pour les JO et Madrid).
C'est un sportif émérite, capable notamment de courir… le triathlon. En est-il toujours capable aujourd’hui ?, s’interrogent ceux qui l’ont côtoyé par le passé.
« Rien ne lui fait peur », enchérissent d’anciens subordonnés.
Il s'agit visiblement d'un très gros travailleur. Un fou de travail à tel point qu'on peut sans doute dire qu'il s'agit d'une addiction pour lui ; il serait du genre à dormir deux trois heures par nuit… quand il dort. Il est d’ailleurs très exigeant avec lui-même… et avec les autres.
Son caractère exigeant est vraisemblablement difficile à vivre pour ses proches collaborateurs à qui il ne fait pas de cadeau, surtout s’ils ont le même grade que lui ; C'est sans doute ce qui a occasionné sa perte dans le 93.
Néanmoins, d’après les différents témoignages recueillis, c’est quelqu'un avec qui l’on peut discuter si on a des arguments sérieux pour défendre son point de vue et si on sait de quoi on parle.
Enfin, il connait bien la maison poulaga et sait encore mieux jauger les rapports de force. « Il est sans aucun doute d'une intelligence supérieure », selon l’un de ses collègues.
Je ne dirai pas qu’il est a-politique (mes infos sont évasives, hésitantes, parfois contradictoires à ce propos) mais j’aboutis à cette conclusion : c'est avant tout ses qualités professionnelles qui l'ont amené là où il est aujourd’hui. En outre, il ne semble pas appartenir à une quelconque loge de la franc-maçonnerie ; au vu de son cursus, je doute qu’il en ait eu le temps mais je peux me tromper faute d’informations fiables dans ce domaine. Dans le cas contraire, il est alors sûrement en « sommeil ».
Résumé de sa carrière : après le Nord, il a été en poste à Châteauroux comme directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de l’Indre, puis DDSP en Corse du Sud à Ajaccio et DDSP de l’Aude à Carcassonne, ensuite attaché de sécurité intérieure en Grèce dans le cadre des Jeux olympiques d’Athènes, suivi d’une affectation comme DDSP dans le Loiret en 2004 (où les policiers locaux conservent un bon souvenir de lui), puis en Seine-Saint-Denis de 2006 à 2008, « sans doute le policier le plus exposé de France » selon le journaliste Luc Bronner du Monde (le principal intéressé reconnaissant à cette époque que « Sur ces affaires [de violences urbaines], la pression politique et médiatique est énorme ») [2], ensuite directeur de la délégation régionale de discipline de l'IGPN – Inspection générale de la police nationale, la police des polices – à Marseille et, enfin, de 2010 à 2012, attaché de sécurité intérieure à l’ambassade de France à Madrid [3] avant de monter à la DG au mois d’août 2012.
David Skuli est Chevalier national de l'Ordre du Mérite et médaillé d'honneur de la police nationale.
[1] Il participe, par exemple, en octobre 2009, à la conférence Francopol à Ottawa au Canada où il s’exprime sur l’importance de la confiance de la population dans la police, la confiance de la police dans la population et, plus globalement, la confiance dans l’État, garant des droits et libertés. À la lumière de son expérience en Seine-Saint-Denis, il évoque une société devenue hétérogène : « Qui n’a entendu parler ici ou là de classes composées d’élèves de 20 ou 30 nationalités différentes, ou de cages d’immeubles qui sont de véritables tours de Babel ? » avant d’exposer les « stratégies de rapprochement » développées en France pour se rapprocher de la population intégrant différentes communautés.
http://www.francopol.org/archives/activites-anterieurs/2009/13-10-09/doc/rapport-conference.pdf
[2] Le 25 juillet 2007, devant la Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan, présidée par Didier Migaud, le député socialiste Gérard Bapt interpella Frédéric Péchenard, alors DGPN, à son sujet en ces termes : « Enfin, on peut légitimement s’offusquer des propos récemment tenus dans le magazine La Tribune du commissaire par Monsieur David Skuli, directeur départemental de la sécurité publique de la Seine-Saint-Denis, qui semble assimiler le travail de la police, faisant appel à des hélicoptères et autres drones, à des missions de guerre fort éloignées d’une police de proximité. »
[3] À ce sujet, David Skuli a écrit l’an dernier, conjointement avec son adjoint, le lieutenant-colonel Christophe Perret, que « la France dispose en Espagne d’un Service de sécurité intérieur (SSI) sans égal. Composé de trois militaires de la gendarmerie et dix fonctionnaires de police, dirigé par un contrôleur général de police, secondé par un lieutenant-colonel de gendarmerie, le SSI est implanté dans les directions dédiées à la lutte contre le terrorisme [surtout la lutte contre l’organisation terroriste basque ETA (Euskadi Ta Askatasuna, Pays basque et liberté)], le crime organisé et l’immigration irrégulière. »
David Skuli et Christophe Perret, « La coopération de sécurité avec l’Espagne » in Revue de la gendarmerie nationale n°241 de décembre 2011.pages 13 à 19.
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27/08/2012
NICE : ZONE DE SÉCURITÉ… PRIVÉE 1-2
« La sécurité privée empiète de plus en plus sur la police en Europe », écrivait la journaliste Isabelle Mandraud dans l’édition du Monde du 16 décembre 2008, suite à l’ouverture, la veille, du premier sommet européen de la sécurité privée…au ministère de l'Intérieur - tout un symbole. Dans la préface d'un livre blanc rédigé pour l'occasion, Nicolas Sarkozy, alors chef de l'Etat, exhortait d’ailleurs à « coproduire des solutions public-privé de sécurité ». Défait le 6 mai dernier, Nicolas Sarkozy n’est plus président de la République mais ses fidèles poursuivent son œuvre au travers d’une association Les amis de Nicolas Sarkozy. [1]
Tous rêvent au retour de leur messie dans le jeu politique. [2] En attendant ce jour béni, ces dévots mènent une active guérilla contre son successeur socialiste accusé de tous les maux alors qu’il n’est au pouvoir que depuis cent jours. Ainsi, selon Christian Estrosi, député-maire de Nice, l’augmentation des vols avec violence dans sa cité est le « fruit de la politique irresponsable des socialistes ». [3] Comme le souligne pertinemment Thierry de Cabarrus, « Le pire, c'est que le maire de Nice n'en est pas à un paradoxe près. Car c'est juste après avoir développé avec force détails son action dans le domaine de la sécurité (par exemple la télésurveillance dans les quartiers "à nulle autre pareille") qu'il reconnaît la hausse de la délinquance à Nice. » [4] Versant délibérément dans l’outrance, Christian Estrosi dénonce ensuite le « clientélisme du gouvernement socialiste » pour l’attribution des quinze premières zones de sécurité prioritaires (ZSP) et annonce sa décision unilatérale de classer – sans aucune concertation – cinq quartiers de Nice en ZSP en ayant recours à des vigiles. La journaliste Mathilde Munos l’interroge alors sur le bien-fondé de son projet : « Vous allez financer des sociétés privées. Pourquoi ne pas renforcer la police municipale plutôt ? » La réponse du député-maire de Nice est surprenante, pour ne pas dire déconcertante : « Parce que dans la répartition des tâches entre l’Etat et la commune, l’Etat a décrété que ces zones urbaines sensibles étaient sous la compétence de l’Etat et la police municipale n’est pas habilitée de par la loi en matière d’ordre public à intervenir. Ce qui est une très bonne chose, je suis pour un Etat régalien. » N’est-ce pas là le comble du cynisme : s’ériger en défenseur d’un Etat régalien pour justifier le recours à des vigiles afin d’assurer la sécurité publique ? Le même affirmait pourtant dix ans auparavant que « l’État régalien est devenu un État régulateur, orientation confirmée par le colloque de Villepinte fin 1997, les contrats locaux de sécurité intégrant les services de sécurité privée parmi les interlocuteurs du partenariat pour la sécurité. » [5] Néanmoins, lors de son interview à France Info, il souligne la satisfaction de la population du premier quartier concerné par son initiative, citant notamment le témoignage abrupt d’un boulanger, Mohamed Id Moussa : « On appelle la police, elle ne vient pas ! » [6] Cependant, Christian Estrosi se garde bien de rapporter la suite de la réaction de cet habitant des Moulins et ne réalise visiblement pas que cette assertion sonne comme un désaveu cinglant de sa politique sécuritaire, notamment sa police municipale qu’il a pourtant portée au pinacle. [7]
Face à tant de mauvaise foi, quelques précisions s’imposent.
Christian Estrosi dénonce aujourd’hui une supposée incompétence de la gauche en matière de sécurité comme il fustigeait le bilan de celle-ci… en 2002 pour défendre « une politique de rupture en matière de lutte contre l'insécurité » :
Trop longtemps, en effet, le précédent Gouvernement [celui de Lionel Jospin] a hésité entre une justification sociale de la délinquance et la mise en œuvre de mesures timides de lutte contre l'insécurité. Ce débat idéologique, nourri par une vision selon laquelle il serait plus opportun de s'attaquer aux causes de la délinquance qu'à ses manifestations, a conduit à une croissance extrêmement forte du nombre de crimes et délits sur le territoire national. Dans ce contexte, pour tous ceux qui s'étaient résignés à voir dans l'insécurité une fatalité, il était devenu inutile et inefficace de prendre en compte tant le traitement des victimes que la répression de la délinquance.
Ces temps sont heureusement révolus : l'heure n'est plus à la recherche d'une explication sociale de la délinquance mais à celle de l'action. En matière de sécurité, en effet, les actes comptent davantage que les paroles. Sous l'impulsion du ministre de l'intérieur [Nicolas Sarkozy], une politique résolue de rétablissement de l'autorité de l'État et du droit de chaque citoyen à vivre en paix a été engagée. [8]
Dix ans plus tard, pour mesurer le succès de l’entreprise, citons la récurrence des violences urbaines avec un point d’orgue à l’occasion des émeutes de l’automne 2005 (à ce jour, aucun pays n’a connu un tel phénomène de violence, touchant un si grand nombre de communes, sur une telle durée) [9] ou la dégradation de l’image de la police, conséquence du délitement des relations de celle-ci avec la population (résultat de la politique du chiffre prônée pendant une décennie ?). [10]
Nice ne figurant pas dans la liste des quinze premières ZSP (zones de sécurité prioritaires), « Le sang de Christian Estrosi n’a alors fait qu’un tour » selon Nice-Matin et l’élu azuréen dénonce une « décision technocratique, reposant sur une méthode clientéliste qui consiste à servir ses amis socialistes ». Las, ce dénigrement n’est nullement justifié puisque contraire à la réalité. Des villes dirigées par la droite telles que Vauvert, Méru, Marseille, Mantes-la-Jolie ou Corbeil-Essonnes sont ainsi incluses dans le nouveau dispositif alors que des localités socialistes comme Toulouse, pourtant symbolique, en sont exclues au grand dam de l’opposition UMP locale. [11] Cette évidence n’empêche évidemment pas les critiques puisqu’« il y a des malheureux suite à ces choix. Parmi eux, ceux qui n’en sont pas et demandent à faire partie de cette liste. Et ceux qui sont dans les ZSP et qui s’en plaignent ». [12] Comme le souligne Le Figaro, « la grogne monte chez les laissés-pour-compte » et Christian Estrosi sonne la charge contre ce « saupoudrage ». Or, la circulaire du 30 juillet 2012 relative à la mise en œuvre des ZSP spécifie au contraire que « Pour éviter une dispersion des ressources, ces actions devront être concentrées sur un nombre restreint d’objectifs, clairement identifiés » (page 2). En outre,comment aurait réagi l’actuelle opposition si l’expérience des zones de sécurité prioritaires avait été étendue d’emblée à l’ensemble du territoire national et exclusivement définie depuis Paris ? La circulaire ministérielle précise en page 6 que les quinze premières zones de sécurité prioritaires « ont été prédéfinies, exceptionnellement au niveau central, en fonction de critères objectifs de gravité déterminé par la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale. Il appartient maintenant aux préfets concernés de procéder, en lien étroit avec les procureurs de la République et les acteurs locaux, aux ajustements nécessaires en termes de périmètres, d’objectifs et d’indicateurs.
Au-delà de ces 15 premières zones, je souhaite que vous ayez un rôle déterminant dans la définition des suivantes [dans son allocution du 31 juillet face aux préfets, Manuel Valls précise qu’"Entre 50 et 60 ZSP doivent être déployées, en l’espace d’un an, à compter de septembre [et] s’appuieront sur l’expérience acquise lors de cette première phase qui doit être engagée dès la rentrée"].
Cette phase de définition devra être menée au plus près du terrain, dans le souci permanent de prendre en compte les problématiques locales d’insécurité se posant avec le plus d’acuité. »
Source : Le Figaro.
Mais l’édile niçois persiste et se scandalise : « M. Valls a choisi comme sites hautement prioritaires Méru, Vauvert, Saint-Gilles, Lunel, Mauguio, des villages qui figurent bel et bien aux côtés de véritables zones sensibles comme les Tarterêts ou le Val Fourré ». [13] On peut effectivement s’étonner, voire contester la pertinence des sites retenus. La circulaire susvisée indique, toutefois, que « De façon générale, la cartographie des ZSP ne saurait se calquer sur le zonage actuel de la politique de la ville, qui comprend environ 750 quartiers prioritaires. Bien évidemment, il n’y a aucun obstacle à ce que le ressort d’une ZSP coïncide avec celui d’une ZUS ou d’un quartier CUCS ; pour autant, les critères de la politique de la ville ne doivent pas constituer le seul argument décisif pour la création d’une ZSP » (page 6). Le Figaro est encore plus explicite : « À l'occasion de cette première sélection, Beauvau a voulu établir un échantillon représentatif des diverses formes de délinquance existant en France. Cela va de la cité sensible de banlieue tombée sous la coupe de bandes au secteur rural confronté aux cambriolages. » Il poursuit en ces termes :
Méru, Vauvert, Saint-Gilles, Lunel, Mauguio… Autant de villes qui ne font guère parler d'elles dans la rubrique faits divers. Pourtant ces bourgades figurent bel et bien aujourd'hui parmi les quinze zones de sécurité prioritaires au côté des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, et du Val-Fourré de Mantes-la-Jolie. Bien qu'épargnés par une délinquance explosive, ces lieux qui se situent en milieu rural ou périurbain, comme Méru (Oise), sont aujourd'hui considérés comme des zones sensibles. Ces coins tranquilles il y a encore plusieurs années sont en effet devenus des secteurs minés par une certaine forme d'insécurité. Avec, au premier chef, l'augmentation constante des cambriolages. Les résidences principales qui se développent dans ces communes (52 lotissements à Saint-Gilles, dans le Gard, près de Nîmes), en raison des loyers trop élevés dans les villes voisines importantes, ont rendu ces secteurs attrayants pour le voleur. Derrière la porte à fracturer, il y a dorénavant de la richesse à subtiliser… « Si on ajoute à ces cambriolages des petits trafics de drogue locaux, on obtient un phénomène symptomatique de ce qui se passe en zone gendarmerie », indique un spécialiste qui, à propos de Méru, précise : « Cette ville connaît un phénomène de cité. On y relève incivilités, trafics de drogue, économie souterraine et cambriolages. » [14]
Doit-on conclure que Christian Estrosi ne lit plus le quotidien de Serge Dassault ? Ce dernier fait pourtant largement écho à ses lamentations : « À Nice, ce sont les quartiers des Moulins ou de l'Ariane, régulièrement cités à la chronique des violences urbaines, qui se voient privés d'un coup de pouce sécuritaire de la part de l'Intérieur. Et la police municipale niçoise, pourtant très offensive, ne peut rien faire. La ville a signé, sous Sarkozy, une "convention de coordination" avec le préfet, qui prévoit que la police nationale a la charge exclusive de ces secteurs exposés. » C’est la reconnaissance que Nice est une ville clivée en plusieurs territoires : « le centre-ville et les quartiers résidentiels pour la municipale, et les quartiers réputés plus difficiles pour la nationale. » À Nice comme ailleurs, « La prolifération des polices municipales pose de vraies questions d’égalité des citoyens devant la sécurité ». [15]
Cet aveu d’abandon est d’autant plus pathétique qu’il émane du président de la commission consultative des polices municipales. Or, en tant que maire, il ne peut ignorer qu’il « concourt par son pouvoir de police à l'exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance » (article L132-1 du Code de la sécurité intérieure) et « anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre » (article L132-4), présidant le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. De même, les buts de la police municipale, énoncés à l’article L.511-1 du Code précité, ne sont-ils pas le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ? Les agents de police municipale n’exercent-ils pas leurs fonctions sur le territoire communal dans les conditions prévues aux articles 21 et 73 du Code de procédure pénale ? Le décret n°2012-2 du 2 janvier 2012 relatif aux conventions types de coordination en matière de police municipale ne spécifie-t-il pas que « La police municipale et les forces de sécurité de l'Etat ont vocation, dans le respect de leurs compétences respectives, à intervenir sur la totalité du territoire de la commune » ? [16] Seule restriction : « En aucun cas il ne peut être confié à la police municipale de mission de maintien de l'ordre. » Pourtant, en décembre 2010, dans leur rapport sur le rôle et le positionnement des polices municipales, les inspecteurs généraux notaient qu’« À Nice par exemple, la mission a pu constater que des casques et des boucliers étaient stockés dans le coffre de certains véhicules » (page 11). D’ailleurs, depuis le décret n°2010-544 du 26 mai 2010, les agents niçois peuvent à nouveau vous électrocuter avec un pistolet à impulsions électriques, plus connu sous le nom de Taser. Ajoutez-y le flashball, le tonfa, le gaz lacrymogène et autre gel poivre, et le policier municipal de Nice dispose de la panoplie complète du parfait policier anti-émeute ! [17]
Source : Le Point.
Pour justifier son impuissance, le député-maire rejette la faute sur autrui et fait diversion : « Puisque l'État persiste à nous refuser des effectifs supplémentaires et que mes municipaux ne peuvent aller renforcer le dispositif, je vais créer ma propre zone de sécurité prioritaire ». Oublie-t-il vraiment que la cité azuréenne a bénéficié des prévenances sécuritaires sous les deux précédents quinquennats, donc de cette partialité qu’il dénonce aujourd’hui ? Finalement, comme dit le proverbe, il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
[1] Christophe Greuet, « "Les Amis de Nicolas Sarkozy", arme secrète d’Estrosi pour conquérir l’UMP » in Le Midi Libre, 20 août 2012.
http://www.midilibre.fr/2012/08/20/les-amis-de-nicolas-sa...
[2] V.V., « Les "amis" de sarkozy rêvent de son retour » in Le JDD, 30 mai 2012.
http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Les-amis-de-Sarko...
[3] Mathilde Munos, « Christian Estrosi : favoriser un "livret d’épargne industrie" plutôt que le livret A » in France info, jeudi 23 août à 8 h 15.
[4] Thierry de Cabarrus, « UMP : la démagogie sécuritaire de Christian Estrosi, son seul moyen d’exister ? » in Le Plus du Nouvel Observateur, 23 août 2012.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/613618-ump-la-de...
[5] Rapport n°508 du 18 décembre 2002 fait par Christian Estrosi sur le projet de loi pour lasécurité intérieure, 2e partie, page 34.
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r0508.asp
[6] Coïncidence, on retrouve le même jour ces témoignages dans les colonnes du quotidien local Nice-Matin.
Lionel Paoli, « Des agents de sécurité privés aux Moulins : Vous croyez que ça va tout résoudre ? » in Nice-Matin, jeudi 23 août 2012.
[7] Laurent Opsomer, « Police municipale de Nice » in Double Neuf, 3 juin 2011.
[8] Rapport n°508 du 18 décembre 2002 fait par Christian Estrosi sur le projet de loi pour lasécurité intérieure.
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r0508.asp
[9] « Dossier : Sarkozy contre "la racaille", le bilan » in Marianne, dimanche 22 janvier 2012.
http://www.marianne2.fr/Dossier-Sarkozy-contre-la-racaille--le-bilan_a214638.html
[10] Laurent Mucchielli, « L’image de la police continue de se dégrader en France » in Vous avez dit sécurité ?, 5 juillet 2012.
http://insecurite.blog.lemonde.fr/2012/07/05/limage-de-la-police-continue-de-se-degrader-en-france/
[11] « Pour l’UMP locale, après l’affaire Merah, la ville doit faire partie des premières ZSP » in La Dépêche du Midi, 6 août 2012.
[12] Hervé Jouanneau, « Zones de sécurité prioritaires : la liste des villes retenues, la réaction des élus » in La Gazette des communes, 6 août 2012.
Ivan Valerio, « Zones de sécurité prioritaire : les villes divisées » in Le Lab, 7 août 2012.
http://lelab.europe1.fr/t/zones-de-securite-prioritaire-les-villes-divisees-4221
[13] Jean-Marc Leclerc, « Les zones de sécurité de Valls contestées » in Le Figaro, 24 août 2012.
[14] Angélique Négroni, « Zones de sécurité prioritaires : le difficile pari de Manuel Valls » in Le Figaro, 6 août 2012.
[15] « Polices municipales. Et urne de plus » in Les dossiers du Canard enchaîné n°71, Que fait la police ?, avril 1999, page 74.
[16] En tant que président de la commission consultative des polices municipales, Christian Estrosi s’était félicité dans un communiqué « de ces premières avancées », assurant que ce décret « est une première étape dans le renforcement de l'action des polices municipales ». Cette nouvelle convention de coordination vise, en effet, une coopération opérationnelle renforcée entre la police municipale de Nice, par exemple, et les forces de sécurité de l’État (article 15). D’ailleurs, l’article 11 prévoit que « Le responsable des forces de sécurité de l'Etat et le responsable de la police municipale peuvent décider que des missions pourront être effectuées en commun sous l'autorité fonctionnelle du responsable des forces de sécurité de l'Etat, ou de son représentant. Le maire en est systématiquement informé. » L’article 16 précise qu’« En conséquence, les forces de sécurité de l'Etat et la police municipale amplifient leur coopération dans les domaines [comme] la vidéoprotection par la rédaction des modalités d'interventions consécutives à la saisine des forces de sécurité intérieure par un centre de supervision urbaine et d'accès aux images [ou] la prévention des violences urbaines et de la coordination des actions en situation de crise. » Enfin, au vu de l’article 17, le maire peut « renforcer l'action de la police municipale par les moyens suivants » : brigade cynophile, brigade à cheval…
Ce décret répond aux vœux d’une poignée de shérifs, cette minorité de maires répressifs auxquels les inspecteurs généraux font allusion à plusieurs reprises. Ils évoquent ainsi ces élus qui affichent « une volonté d’accroître le domaine de compétence de leur police municipale » (page 23) ou lorsqu’ils notent qu’« À l’exception de quelques maires du Sud-Est, [les édiles] ne sont pas demandeurs d’un élargissement supplémentaire des compétences judiciaires des policiers municipaux, position exprimée aussi par les administrations centrales consultées par la mission » (page 42). D’ailleurs, est-ce un hasard s’ils précisent « que les cas de mise en œuvre des nouvelles conventions ne concerneront qu’un nombre limité de communes parmi celles qui avaient signé une convention de coordination de première génération » (page 46) ?
[17] Ségolène de Larquier, « À Nice, Christian Estrosi chouchoute ses policiers municipaux » in Le Point, 31 mai 2010.
http://www.lepoint.fr/societe/a-nice-christian-estrosi-ch...
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