27/03/2021

GARDE CIVILE, BONJOUR !

La police municipale recouvre deux réalités différentes : le pouvoir de police municipale des maires (articles L2212-1 et L2212-2 du code général des collectivités territoriales - CGCT) et le service de police municipale qu’un maire peut mettre en place dans sa commune (dont les missions et l'organisation sont régies par les dispositions du titre Ier du livre V du code de la sécurité intérieure - CSI). Cette dichotomie peut être source de confusion.

En avril 1998, le ministère de l'Intérieur recensait 3030 communes dotées d'une police municipale, employant 13 098 agents. Les polices municipales alignent aujourd’hui quelque 24 000 fonctionnaires employés par 4 555 communes ou EPCI (établissements publics de coopération intercommunale à fonds propres tels que les communautés de communes).¹ Elles représentent désormais la troisième force de sécurité du pays. Mais force est de constater que depuis leur renaissance dans les années 1980, les polices municipales n’ont toujours pas d’identité propre. Comme le notait déjà Le Canard enchaîné en 1999, « les polices municipales sont tiraillées d’un côté par l’Intérieur, qui rêve d’en faire des flics subalternes, et de l’autre par des maires qui en font des agents électoraux ».²

Les agents de la police municipale portent tous les mêmes uniformes lorsqu'ils interviennent sur la voie publique. Cependant, leur tenue, leur carte professionnelle et leurs véhicules sont différents des autres forces de police de manière à n'entraîner aucune confusion avec la police et la gendarmerie nationales (article D511-3 et suivants du CSI). Or, la dénomination même de « police municipale » engendre l’amalgame dans l’esprit des concitoyens, d’autant qu’il y a un recentrage judiciaire de leur métier, suivant le modèle de la police d’Etat : « avec les années et les mutations de la profession, elles [les polices municipales] se recentrent incontestablement sur la répression », soulignait déjà la sociologue Virginie Malochet en 2007.³ En effet, depuis la loi éponyme du 15 avril 1999, il n’y a pas eu une année sans qu’un texte législatif n’accroisse leurs pouvoirs.

Ces vingt dernières années, l’Etat a également multiplié les possibilités de créer des polices municipales communes à plusieurs localités (article L512-1 et suivants du CSI), d’autant que les policiers municipaux ne lui coûtent rien. Ce développement de polices pluri ou intercommunales rend la désignation de « police municipale » inappropriée.

L’article L2211-1 du CGCT spécifie que « le maire concourt à la politique de prévention de la délinquance » et l’article L511-1 définit les missions des agents de police municipale autour de la préservation du bon ordre, de la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Préserver, donc garder. Dès lors, pourquoi ne pas baptiser « gardes civiles » les polices municipales ?

Ce titre présente l’avantage de recentrer les fonctionnaires concernés sur les fondements de leur profession, à savoir : la proximité. Il favoriserait aussi l’intégration des gardes champêtres au sein d’une filière commune « la garde civile », avec apport de leurs compétences spécifiques.

L’appellation de garde civile n’est nullement infâmante, encore moins obsolète comme le démontre l’exemple espagnol.4 Mieux, elle a une connotation plus positive que celle de police municipale, qui induit l’idée d’une structure aux ordres du maire (ce qui est vrai au vu du CGCT et du CSI) et non d’un organisme communal au service de la population qui, pourtant, finance celui-ci au travers des impôts locaux.

Pourtant, les thuriféraires des polices municipales s’opposent à cette réforme. Ces partisans d’une ligne dure vouée à la répression ont érigé en totem le mot « police ». Ces contempteurs défendent d’ailleurs bec et ongles LEUR police, oubliant (sciemment ?) que la vocation première de cette dernière est de répondre aux besoins de la communauté locale et non servir des intérêts politiques particuliers5 ; l’article 12 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 spécifie que la force publique est « instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Dans cette perspective, adieu police municipale, bonjour garde civile !

 

¹ Police municipale : effectifs par commune

https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/police-municipale-ef...

² « Et urne de plus », Les dossiers du Canard enchaîné n°71, Que fait la police ? Voir à l’intérieur,  avril 1999, page 74.

³ Virginie Malochet, Les policiers municipaux, PUF, 2007, page 43.

4 En Espagne, la garde civile, forte d'environ 75.000 hommes, exerce les mêmes compétences que la police nationale, mais seulement dans les parties du territoire où la police n'est pas compétente, c'est-à-dire en milieu rural, ainsi que sur les eaux territoriales. La garde civile est un corps militaire, mais il est placé sous la double autorité du ministère de l'Intérieur et de celui de la Défense.

5 Dans un article intitulé « Elle est pas belle ma police municipale ? », le journaliste Stéphane Menu concluait en ces termes : « Aujourd’hui, embaucher des policiers municipaux est une bonne chose pour l’image d’un maire, sans oublier le déploiement des caméras de vidéosurveillance. À l’approche des municipales, le mouvement n’est pas près de ralentir… »  (La Lettre du cadre territorial n°470 du 15 septembre 2013, page 19).

22/03/2021

CHERCHEZ L’ERREUR…

« Rencontrons-nous, discutons, convergeons », lançait en novembre 2018 le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, à l’endroit des « gilets jaunes » (dépêche AFP du 27 novembre 2018).¹ Comment ne pas être d’accord avec cet appel du député communiste du Nord, d’autant que ce mouvement social inédit a été victime d’une répression policière d’une violence inouïe au XXIe siècle ? À cette occasion, les policiers municipaux ont été appelés en renfort.² Des agents municipaux munis de casques et de boucliers, brandissant matraques et LBD (lanceurs de balles de défense). Une image d’autant plus surprenante que le maintien de l’ordre est pourtant interdit aux polices municipales comme le rappelle la circulaire du 20 juillet 2011 (NOR IOCD1119121C). Or, que soutient aujourd’hui Fabien Roussel, épigone du maire Alain Bocquet et conseiller municipal de la majorité communiste ? La création d’une police municipale à Saint-Amand-les-Eaux³ ! Du côté du peuple à Paris, du côté de la matraque à Saint-Amand, cherchez l’erreur…

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¹ « Fabien Roussel (PCF) aux "gilets jaunes" : "Rencontrons-nous, convergeons" », 27 novembre 2018.

https://www.lepoint.fr/politique/fabien-roussel-pcf-aux-gilets-jaunes-rencontrons-nous-convergeons-27-11-2018-2274654_20.php

² Julie Clair-Robelet, « Gilets jaunes : les policiers municipaux appelés en renfort », La Gazette des communes, 10 décembre 2018.

https://www.lagazettedescommunes.com/596539/gilets-jaunes-les-policiers-municipaux-appeles-en-renfort/

³ Sébastien Chédozeau, « La dernière digue a cédé : Saint-Amand aura sa police municipale début 2022 », La Voix du Nord, 19 févier 2021.

https://www.lavoixdunord.fr/940455/article/2021-02-19/la-derniere-digue-cede-saint-amand-aura-sa-police-municipale-debut-2022

Nicolas Foissel, « Saint-Amand : D’ici un an, la commune aura sa police municipale », L’Observatoire du Valenciennois, 5 mars 2021.

https://www.lobservateur.fr/valenciennois/autour-de-valenciennes/2021/03/05/saint-amand-dici-un-an-la-commune-aura-sa-police-municipale/

CONTRÔLE SOCIAL

Ces vingt dernières années, l’Etat a multiplié les possibilités de créer des polices municipales communes à plusieurs localités (article L512-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure), d’autant que les policiers municipaux ne lui coûtent rien. Quatre villes du Valenciennois, Anzin, Beuvrages, Petite-Forêt et Raismes, ont ainsi mis en commun leurs agents afin de créer une police pluricommunale.¹ Cette mutualisation présente des avantages : coût moindre pour les budgets communaux, amplitude horaire plus large et effectifs plus importants sur le terrain, d’où une « force de frappe efficace » (dixit Philippe Gouget, chef de cette police intercommunale). Mais elle présente aussi des inconvénients moins avouables : avantages financiers et/ou matériels à consentir pour recruter et retenir ces fonctionnaires territoriaux car le métier est en tension, dilution de l’autorité des maires, moindre connaissance du territoire par les agents, distanciation de la population et fin de la police de proximité tant vantée par les thuriféraires des polices municipales. La volonté des édiles de doter leurs agents de pistolets à impulsions électriques (une arme de poing plus communément appelée « Taser », assimilée à « une forme de torture » par l’ONU² fin 2007 et régulièrement dénoncée par Amnesty International et la Ligue des Droits de l’Homme) n’est pas anodine, bien au contraire ! Elle démontre qu’ils assignent à leurs policiers municipaux un rôle de « flics shérifs » polarisés sur le contrôle social et non plus le raffermissement du lien social. Choix étrange pour des municipalités classées à gauche.

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¹ Murielle Tison-Navez, « Sécurité. Une police commune pour Raismes, Anzin, Beuvrages et Petite-Forêt », La Voix du Nord, 8 janvier 2019.

https://www.lavoixdunord.fr/517826/article/2019-01-08/une...

Pauline Bayart, Police pluricommunale. 20 agents mobilisés pour 4 communes (Anzin, Raismes, Beuvrages, Petite-Forêt), L’Observateur du Valenciennois, 16 mars 2021.

https://www.lobservateur.fr/valenciennois/autour-de-valen...

² L’ONU qualifie l’utilisation du Taser de « forme de torture », Le Nouvel Observateur, 23 novembre 2007.

https://www.nouvelobs.com/monde/20071123.OBS6515/l-onu-qu...