22/03/2019
LE PREMIER SANG…
Le gouvernement a annoncé que les militaires de Sentinelle seront mobilisés pour l’acte XIX des "gilets jaunes", officiellement pour protéger des lieux sensibles. (1) C’est la première fois depuis la grande grève des mineurs en 1948 que l’armée est mobilisée dans le cadre du maintien de l’ordre en France métropolitaine. (2) Sous couvert de fermeté, le pouvoir exécutif dévoie sciemment la mission originelle de l’opération Sentinelle (le terrorisme) et désigne délibérément les "gilets jaunes" comme l’ennemi intérieur. (3) Les militaires (dont beaucoup de réservistes) vont remplacer les policiers et gendarmes habituellement chargés de la protection desdits bâtiments. Or, pas plus que les soldats, ces derniers ne sont pas des spécialistes du maintien de l’ordre, à la différence des CRS et des gendarmes mobiles. Le remède s’avère donc pire que le mal (le manque d’effectifs policiers). Les policiers n’en ont pas conscience, et leurs syndicats encore moins (4), mais ce recours à l’armée est un désaveu du pouvoir politique, pour ne pas dire un acte de défiance à leur égard car il symbolise leur échec face aux désordres. Cela dit, des questions demeurent : que se passera-t-il si des manifestants s’en prennent aux militaires ? S’ils sont acculés, les soldats ouvriront-ils le feu pour défendre leurs positions conformément à l’article L1321-3 du code de la Défense ? Des Français vont-ils tirer sur des Français ? Voilà qui ressusciterait de sinistres souvenirs de l’histoire nationale (Fourmies le 1er mai 1891, Alger le 26 mars 1962…). Enfin, nos gouvernants ont négligé un détail, celui que des soldats fraternisent avec les "gilets jaunes". (5)
(1) Ces lieux classés sensibles sont-ils considérés comme des zones de défense sensible (article L4123-12 du code de la Défense) ou des installations militaires (article L2338-3 du code précité) ou ont-ils un autre statut ? Les règles d’usage des armes des militaires, donc de légitime défense, varient, en effet, selon les lieux.
(2) « Quand des militaires français ont-ils participé pour la dernière fois au maintien de l'ordre dans le pays ? » in Checknews, 20 mars 2019.
https://www.liberation.fr/checknews/2019/03/20/quand-des-militaires-francais-ont-ils-participe-pour-la-derniere-fois-au-maintien-de-l-ordre-dans-le_1716364
(3) « Les Gilets jaunes seront considérés comme des "émeutiers" samedi 23, prévient Nuñez » in France-Soir, 20 mars 2019.
http://www.francesoir.fr/politique-france/les-gilets-jaunes-seront-consideres-comme-des-emeutiers-samedi-23-previent-nunez
(4) Ismaël Halissat, « Gilets jaunes. Des syndicats policiers réclament le soutien de l’armée » in Libération, 4 décembre 2018.
https://www.liberation.fr/france/2018/12/04/des-syndicats-policiers-reclament-le-soutien-de-l-armee_1695992
(5) Comme en 1907, lors du soulèvement viticole dans le Languedoc, quand les soldats du 17e régiment d’infanterie, originaires du Midi, refusèrent les ordres.
Alain Raynal, « Béziers. Les soldats du 17e, crosses en l’air » in L’Humanité, 14 août 2013.
https://www.humanite.fr/social-eco/beziers-les-soldats-du-17e-crosses-en-l-air-547254
Michèle Pedinielli, « 1907 : la mutinerie du 17e régiment » in Retronews, 12 avril 2018.
https://www.retronews.fr/politique/echo-de-presse/2018/04/12/1907-la-mutinerie-du-17e-regiment
18:22 Publié dans France, Perso, Politique, Sécurité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilets jaunes ; armée ; acte xix ; emmanuel macron ; lrem