25/09/2011
BEAUVAIS : DE L’AGRESSION AUX QUESTIONS
« Allez-y ! Foncez sur un policier ! Un flic sur un pare-brise, ça ne coûte que 2500 € ! », fulmine Frédéric Foncel, le président du Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC), à l’annonce du délibéré dans l’affaire des policiers de Beauvais renversés [1]. Jean-Louis Del Pistoia, directeur national de la communication de l’USPPM (Union syndicale professionnelle des policiers municipaux), ajoute avec aigreur : « Nous avons appris depuis peu que l'honorabilité d'un policier municipal était estimée à 500 euros, nous savons à présent qu'intenter à son intégrité physique coûte 2500 euros ! » [2]. Ces syndicalistes s’insurgent contre le jugement de la Cour d’appel d’Amiens, qui a récemment condamné « Christopher D., 22 ans, à 2 500 € d’amende, un an de suspension du permis de conduire et l’interdiction de ses droits civiques et familiaux pendant cinq ans [il avait été condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis]. Le jeune homme devra en outre verser des dommages et intérêts à chacune des trois victimes. » Le SNPM voulait une peine exemplaire. Il ne l'a pas eue, d’où sa colère.
Rappel des faits : « Ce soir du 11 septembre 2010, un groupe de jeunes joue au ballon dans le quartier Bellevue à Beauvais. Une patrouille de police municipale intervient après une plainte de riverains. Les agents demandent leurs papiers d’identité aux jeunes. Certains refusent. La situation dégénère. Et quand son cousin tient tête à un policier, Christopher s’interpose. Il prendra un coup de matraque sur l’arcade. Blessé, il monte dans la Mercedes de son beau-père, stationnée quelques mètres plus loin et fonce. Il renverse deux des agents, blessant l’un à la tête et l’autre au poignet. Il prendra la fuite avant de se rendre quelques heures plus tard. L’affaire fait alors le tour des médias nationaux. Les syndicats [de police municipale] en profitent pour relancer le débat sur l’armement des policiers municipaux. » [3]
« C’est l’uniforme qui était visé », clame aussitôt la maire de Beauvais, Caroline Cayeux [4], qui dénonce « cette violence gratuite faite aux agents dépositaires de la force publique » [5]. « Les policiers municipaux ont joué aux cow-boys », rétorquent les habitants [6]. Le jeune homme est maintenu en détention jusqu’à son jugement par le tribunal correctionnel de Beauvais le 28 septembre 2010. À l’époque, la presse annonce un choc de titans lors du procès, celui de deux ténors du barreau [7] : Me Hubert Delarue pour la défense [8], tandis que Frédéric Foncel avise les journalistes de la venue du très médiatique Me Gilbert Collard en tant d’avocat de la partie civile [9] : « On a saisi Me Collard pour la défense des victimes, via la protection fonctionnelle. Il nous fallait un ténor du barreau car c'est une affaire grave. » [10] Finalement, ce fut une benjamine, Me Marion Rambier, représentante du cabinet de Me Collard. Le truculent Marseillais, désormais président du comité de soutien de Marine Le Pen, se serait-il dégonflé ? En dépit des apparences, le dossier n’était-il pas aussi solide malgré le battage médiatique ? Vraisemblablement sinon comment expliquer la mansuétude de la Cour d’appel d’Amiens ?
LAXISME JUDICIAIRE ?
Celle-ci a-t-elle fait preuve de laxisme ? Cette interrogation est d’autant plus lancinante que la justice fait rarement preuve d’indulgence en la matière. Ainsi, au mois de septembre 2011, le tribunal correctionnel de Mulhouse a condamné un jeune homme à trois mois de prison pour avoir crevé le pneu d’une voiture de la police municipale d’Altkirch [11]. Au même moment, à Béziers, un Agathois de 21 ans écopait d’un an d’emprisonnement avec maintien en détention pour avoir foncé sur des fonctionnaires de police à qui il devra régler 1 000 € de dommages et intérêts pour leur préjudice moral, plus 1 000 € pour les frais de justice [12]. Il est vrai qu’à la différence de Beauvais, ces prévenus étaient défavorablement connus des services de police. Néanmoins, la clémence de la Cour d’appel d’Amiens n’en demeure pas moins surprenante, voire suspecte, suscitant l’ire des organisations syndicales de police municipale, l’USPPM poussant l’audace à rappeler dans son communiqué la législation en matière de coups et blessures. Nul n’est censé, en effet, ignorer la loi. Me Delarue s’est d’ailleurs emparé de cet adage lors de sa plaidoirie, assénant que « les policiers municipaux ne doivent pas méconnaître le code de procédure pénale » [13] « Le côté singulier de ce dossier, c'est que rien n'indique, ni de près ni de loin, qu'un délit était en train de se préparer », note l’homme de loi, qui conclue que l’interpellation du jeune homme a été effectuée après une demande de contrôle d’identité, donc un abus de pouvoir des agents beauvaisiens.
DU CONTRÔLE AU RECUEIL D’IDENTITÉ
Dans cette affaire, ces derniers interviennent pour des nuisances sonores, conformément aux articles L2212-2 et L2212-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), puis réclament l'identité des différents protagonistes. C’est là que le bât blesse : est-ce un relevé d’identité comme l’affirme la partie civile ou un contrôle d’identité comme le souligne la défense ? En première instance fut reconnue l’illégalité du contrôle d’identité [14]. En effet, malgré leur homonymie, un gardien de police municipale n’est pas un gardien de la paix. Un agent de police municipale (APM) est agent de police judiciaire adjoint (APJA) selon l’article 21 du Code de procédure pénale (CPP). A ce titre, il ne peut réaliser de contrôles d’identité [15]. Si l’article 78-1 du CPP spécifie que « Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d'identité […] », l’article 78-2 précise, toutefois, que seuls « Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité […] ». Les APM, cités à l’article 21-2°, sont donc exclus [16]. Dès lors, ceux-ci ne bénéficient que de l’article 78-6, qui leur permet de « relever l'identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux concernant des contraventions aux arrêtés de police du maire, des contraventions au code de la route que la loi et les règlements les autorisent à verbaliser ou des contraventions qu'ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse. » Une infraction préalable est donc impérative à son application. Il ajoute que « Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant. A défaut de cet ordre, l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa ne peut retenir le contrevenant. » Le relevé d’identité est donc clairement fixé par les textes. Cette réalité n’a pas empêché Mathieu Volant, délégué national du SNPM, de déclarer avec amertume : On n'a toujours pas obtenu une définition claire du relevé d'identité [ce qui est faux au vu des articles susvisés]. Comment peut-on travailler demain pour établir un procès verbal pour tapage sans demander l'identité ? [l’article 78-6 démontre l’inanité de cet argument] Notre statut est décidément un statut bâtard ». [17] Cela dit, en appel, la Cour d'Amiens a infirmé l’illégalité du contrôle d’identité prononcée en première instance au motif « que l’intervention des policiers municipaux ne s’analysait pas en un simple contrôle d’identité, pour lequel ils ne sont légalement habilités ; au contraire, constatant que des infractions venaient d’être commises, notamment une violation de domicile, par suite de l’escalade de la clôture [pour récupérer un ballon de football tombé dans le jardin] fermant la propriété des époux P. et des outrages à personne dépositaire de l’autorité publique, lesquels agissements susceptibles de caractériser un délit pénal, venaient d’être commis, lesdits agents de police municipale ont, dans le cadre de la flagrance, tenté d’identifier leurs auteurs, à la faveur d’un recueil d’identité ». En résumé, ce n’est pas un contrôle d’identité, ni un relevé d’identité mais un recueil d’identité, une manière astucieuse de ménager la chèvre et le chou ! En effet, si la procédure du contrôle d’identité est interdite aux agents de police municipale, celle du relevé d’identité ne peut se dérouler qu'en cas de constatation d'une infraction. En dehors de ce cas, seul un recueil d'identité peut être mis en œuvre, qui consiste à demander à la personne de décliner son identité, mais sans pouvoir exiger d’elle la présentation d’un document justifiant de celle-ci, ni, en cas de refus, faire usage de moyens coercitifs, à la différence des deux précédentes procédures [18]. L’action des agents beauvaisiens a, néanmoins, dégénéré suite au refus de jeunes gens de se soumettre à ce « recueil d’identité » et tout a dérapé avec une brusque bousculade et des coups pour aboutir à l’inacceptable, même sous le coup de l’émotion : foncer sur une personne avec une voiture.
PRÉMÉDITATION ?
Coups et blessures volontaires, clamaient les policiers municipaux. Panique et acte non prémédité, rétorquait la défense. Finalement, « Les juges ont retenu le fait que l'action de Christopher, ce 11 septembre 2010, n'était pas préméditée. […] Pour la défense, l'action des policiers municipaux était disproportionnée par rapport à la situation. Christopher, qui était inconnu de la justice, aurait agi par peur. Il aurait perdu son sang-froid. » [19]
Les chroniqueurs judiciaires soulignent que la défense s’est appuyée sur un argument qui a dû peser lourd auprès des juges : pour Me Hubert Delarue, son client « n’a pas foncé délibérément avec cette voiture sur les policiers, il ne voulait pas les blesser ou les tuer […]. Il s’est dirigé certes sur les policiers, mais aussi vers son père qui se trouvait au milieu d’eux. On ne peut imaginer qu’il ait voulu écraser son propre père ! D’ailleurs, ce dernier n’a pas été touché par la voiture uniquement parce qu’il a eu le réflexe de se jeter contre une camionnette ! Cet homme a d’ailleurs évité qu’une femme policière soit également renversée par la voiture, puisqu’il l’a tirée en arrière », explique l’avocat amiénois, qui conclue : « Au départ, c’est une histoire de gamins qui jouaient au ballon. Christopher a reçu un coup de tonfa sur la tête, il était en sang, il a paniqué ». [20] Ainsi n’y a-t-il eu, ce soir là, à aucun moment d’intention homicide.
UNE DOCTRINE D’EMPLOI
Au-delà du fait divers, ce procès a relancé le débat sur les fonctions et les compétences des agents municipaux. Déjà, Hervé Malassis, employé municipal d’Evreux et référent national FO de la police municipale, avait affirmé, lors de sa visite aux fonctionnaires blessés en septembre 2010, que « les policiers municipaux sont désormais confrontés aux mêmes risques que les autres forces de l’ordre. » [21] Un an après, le SNPM tient le même discours :
Une méconnaissance du statut de policier municipal, voilà ce qui ressort finalement de ce procès, selon [le président du SNPM]. Le même jour, Frédéric Foncel était justement reçu au ministère de l’Intérieur pour réclamer « une doctrine d’emploi ». « Il faut que nos missions soient clairement définies aux yeux des maires. On intervient de la même manière que les nationaux sans en avoir les moyens. » [22] Le débat sur l’armement et la reconnaissance du métier est de nouveau relancé. [23]
En la matière, ce sont les missions qui déterminent actuellement l’armement et non l’inverse [24]. D’ailleurs, la police municipale de Beauvais n’est nullement désarmée :
À Beauvais, les 50 agents sont déjà bien dotés « C’est à l’appréciation de chaque collectivité. Le maire en fait la demande et le préfet autorise. On a la chance d’avoir un maire qui nous écoute. » Les policiers ont un équipement personnel constitué d’un gilet par balle, une bombe lacrymogène, un tonfa et pour la brigade de nuit, un flash ball. L’an dernier, à travers la commission d’hygiène et de sécurité, la police municipale de Beauvais a obtenu des films protecteurs sur les vitres de leurs véhicules pour éviter les éclats de verre, ainsi qu’un casque et un bouclier de protection. [25]
Lanceur de balles de défense (LBD) de type Flash-Ball, casque, bouclier… donc du matériel de maintien de l’ordre alors que celui-ci est interdit aux polices municipales comme le rappelle une circulaire ministérielle en date du 20 juillet dernier. Autre lieu, autres mœurs : « Le maire de Franconville, dans le Val-d’Oise, veut pourchasser les dealers et pour cela il souhaite que sa police soit équipée de Flash-Ball. Cette volonté affichée d’empiéter sur le domaine de la police nationale amène à s’interroger sur les missions de la police municipale et sur son armement. » [26]
Si l’utilité sociale des polices municipales est indéniable (là où elles existent, soit dans moins de 10 % des communes), les conditions d’emploi des APM interpellent ! La sécurité n’est pas l’alpha et l’oméga des polices municipales, au contraire ! Comme le démontrent les articles L2212-2 et L2212-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), c’est l’une des missions des polices municipales et non LA MISSION de ces dernières. Il est donc erroné de se focaliser uniquement sur celle-ci tout en négligeant le large panel des compétences municipales ; « La grande diversité des polices municipales découle des choix réalisés localement par les élus et s’oppose ainsi à une refonte statutaire nationale », dixit l’Inspection générale de l’administration (page 35). Par conséquent, il est urgent de rappeler non seulement les bases de la profession mais aussi et surtout de définir un mode d’emploi [27] tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution.
J’ai souvent lu ou entendu qu’un gardien de police municipale ne doit pas apparaître comme la pâle copie d’un gardien de la paix, que ce n’est pas un policier au rabais ou qu’il faut élever les polices municipales au rang de troisième force de l’ordre en France, agissant localement aux côtés des douanes, de la police et de la gendarmerie nationales. Ce sont d’ailleurs des revendications récurrentes de la part de ces fonctionnaires territoriaux. Après tout, pourquoi pas ? Mais alors quel est l’intérêt pour les policiers municipaux de plagier délibérément la police nationale, de se référer continuellement à cette dernière, de revendiquer obstinément un alignement sur celle-ci, de ne voir que par elle et à travers elle pour, au final, apparaître comme une force supplétive de la police nationale, pis un succédané à son désengagement [28] ? Ces fonctionnaires territoriaux ne devraient-ils pas, au contraire, cultiver leur particularité faite de proximité et de diversité afin de se constituer une identité propre, surtout que leurs effectifs stagnent ces dernières années en raison de la crise financière qui frappe les collectivités ? Ces agents municipaux auraient tort de renier la prévention, fibre originelle de leur métier, pour une répression aveugle et de se couper ainsi de la population, perdant par la même occasion ce qui fait aujourd’hui leur légitimité, voire leur raison d’être, à savoir la proximité tant vantée, pour ne pas dire revendiquée, puisque plus rien ne les différencierait alors des forces étatiques. C’est d’ailleurs la conclusion unanime de ceux qui se sont penchés sur la réalité et l’avenir des polices municipales : le préfet feu Jean Ambroggiani, l’Inspection générale de l’administration (IGA), Virginie Malochet…
[1] Pauline Conradsson, « Policiers renversés : peine allégée pour le conducteur » in Le Parisien, 8 septembre 2011.
[2] USPPM, « Lamentable… » in Le Post.fr, 8 septembre 2011.
http://www.lepost.fr/article/2011/09/08/2585206_lamentabl...
[3] Pauline Conradsson, « Policiers renversés : peine allégée pour le conducteur » in Le Parisien, 8 septembre 2011.
[4] Membre de l’UMP, Caroline Cayeux a été élue présidente déléguée de la Fédération des maires des villes moyennes (20 000 à 100 000 habitants) en juin 2011. Fin 2010, la maire de Beauvais, proche de François Fillon, fut pressentie un temps pour intégrer son gouvernement lors du remaniement imposé par le départ d’Eric Woerth, ministre du Travail et maire de Chantilly, affaibli par l’affaire Bettencourt. Las pour l’édile, la rumeur ne s’est pas concrétisée.
[5] « Police municipale : un statut dérogatoire » in Le Courrier picard, mercredi 15 septembre 2011.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[6] « Un jeune renverse deux policiers municipaux » in Le Parisien, 13 septembre 2010.
http://www.leparisien.fr/oise-60/un-jeune-renverse-deux-policiers-municipaux-13-09-2010-1065503.php
[7] Khalid Garaa, « Beauvais : Christopher jugé ce mardi après-midi » in L’Observateur de Beauvais, 28 septembre 2010.
http://www.lobservateurdebeauvais.fr/28092010Beauvais--Christopher-juge-ce-mardi-apres-midi,6097.media?a=3620
[8] Florence Aubenas, « Marqué Outreau » in Libération, 17 février 2006.
http://www.liberation.fr/portrait/010139253-marque-outreau
[9] Khalid Garaa, « Beauvais : Me Collard assurera la défense de deux des policiers blessés. » in L’Observateur de Beauvais, 15 septembre 2010.
[10] « Les syndicats mettent la pression sur les élus pour obtenir des armes » in Le Courrier picard, mercredi 15 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Didier-Ils-voulaient-juste-tuer-du-flic/Les-syndicats-mettent-la-pression-sur-les-elus-pour-obtenir-des-armes
[11] « Pneu crevé, peine gonflée » in Les Dernières Nouvelles d’Alsace, mardi 6 septembre 2011.
http://sitemap.dna.fr/articles/201109/06/pneu-creve-peine...
[12] Annick Koscielniak, « Béziers. Un an ferme pour avoir foncé sur les fonctionnaires de police » in Le Midi libre, 6 septembre 2011.
[13] Mélanie Carnot et Gabriel Thierry, « BEAUVAIS Agression des policiers : 18 mois ferme requis » in Le Courrier picard, mercredi 29 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[14] Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Policier municipal : "un statut bâtard" » in Le Courrier picard, jeudi 30 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[15] Une astuce permet de contourner légalement cet obstacle juridique dans un cas précis, celui d’un contrôle routier. Les articles L.130-4 et R.130-2 du Code de la route permettent, en effet, aux agents de police municipale (APM) de constater par procès verbal l’ensemble des contraventions à l'exception de celles prévues aux articles R.121-1 à R.121-5, R.221-18, R.222-2, R.222-3, R.234-1, R.314-2, R.411-32, R.412-17, R.412-51, R.412-52, R.413-15. Or, en s’appuyant sur l’article R.233-1 du Code de la route, les APM peuvent ni plus ni moins procéder à un contrôle d’identité ; les informations inscrites sur le permis de conduire ne révèlent-elles pas notre identité ? Ainsi, ces fonctionnaires territoriaux ne sont-ils plus entravés par l’impératif d’une infraction préalable*, condition obligatoire au relevé d’identité. C’est une manière de contourner très habilement l’article 78-6 du Code de procédure pénale. Par contre, au vu des articles 78-2-2 à 78-2-4, les APM ne peuvent pas procéder à la visite des véhicules contrôlés.
* Voir la question n°43491 de Jean-Claude Perez, député socialiste de l’Aude, en 2004.
http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-43491QE.htm
[16] Le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositions relatives aux polices municipales dans la Loppsi 2 : les articles 91 et 92. Le premier prévoyait d’accorder le statut d’APJ (agent de police judiciaire) aux directeurs de police municipale, disposition que le Conseil a jugée contraire à l’article 66 de la Constitution, selon lequel la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. Le second autorisait les APM à participer à des contrôles d’identité, effectués sous l’autorité d’un OPJ (officier de police judiciaire). Selon les Sages, les policiers municipaux relevant des autorités communales ne peuvent être mis à disposition des OPJ. Par contre, ils ont validé l’article 93, qui stipule que les APM peuvent effectuer des contrôles d’alcoolémie dans le cadre de contrôles routiers à l’initiative d’un OPJ de la police ou gendarmerie nationales.
[17] Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Policier municipal : "un statut bâtard" » in Le Courrier picard, jeudi 30 septembre 2010.
[18] Question n°76155 d’Alain Bocquet, député communiste du Nord, du 18 octobre 2005 (12ème législature).
http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-76155QE.htm
[19] Gautier Lecardonnel, « Beauvais. Une simple amende pour avoir foncé sur les policiers » in Le Courrier Picard, jeudi 8 septembre 2011.
[20] Gautier Lecardonnel et Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Violences contre des policiers municipaux : "Il n’a pas voulu les blesser" » in Le Courrier picard, vendredi 9 septembre 2011.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[21] F.D., « BEAUVAIS Un délégué syndical FO au chevet des policiers blessés » in Le Courrier picard, vendredi 17 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[22] Laurent Opsomer, « Polices municipales : mythes et réalités » in Double Neuf, 2 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/02/polices-municipales-mythes-et-realites.html
[23] Gautier Lecardonnel et Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Violences contre des policiers municipaux : "Il n’a pas voulu les blesser" » in Le Courrier picard, vendredi 9 septembre 2011.
[24] Laurent Opsomer, « Faut-il armer les polices municipales ? » in Double Neuf, 16 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/16/faut-il-armer-les-polices-municipales.html
[25] F.D., « BEAUVAIS Un délégué syndical FO au chevet des policiers blessés » in Le Courrier picard, vendredi 17 septembre 2010.
[26] Georges Moréas, « L’essor de la police municipale » in Police et cetera, 17 juin 2009.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/06/17/lessor-de-la-police-municipale/
[27] Georges Moréas, « Police municipale : à quand un mode d’emploi ? » in Police et cetera, 30 novembre 2009.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/11/30/police-municipale-a-quand-un-mode-demploi/
[28] APVF, « Etude sur les polices municipales des petites villes de France : Quelle police municipale pour demain ? », 26 janvier 2011.
http://www.apvf.asso.fr/files/notes-techniques/Resultats-questionnaire-police-municipale.pdf
Selon l’Association des petites villes de France (APVF), « les résultats démontrent une forte corrélation entre la réduction des effectifs de sécurité de l’Etat et le recrutement des policiers municipaux. Il s’agit là d’un nouvel exemple de transfert de charges insidieux de l’Etat vers les communes, alors même que les attentes de la population en matière de sécurité n’ont pas diminué. Dans ces conditions, l’APVF appelle une nouvelle fois l’Etat à ne pas se défausser de ses compétences régaliennes sur les collectivités en matière de sécurité. Elle demande à l’Etat de mieux assurer l’intégralité des missions que la loi lui confie dans ce domaine. La "coproduction" souhaitable et nécessaire en matière de lutte contre la délinquance et l’insécurité ne doit pas aboutir à la confusion des moyens sur le terrain. »
19:10 Publié dans Autres, Perso, Sécurité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : agression, agent de police municipale, policier municipal, police municipale, frédéric foncel, beauvais, oise, snpm, snpm-cftc, syndicat national des policiers municipaux, jean-louis del pistoia, usppm, union syndicale professionnelle des policiers municipaux, voiture, automobile, amiens, justice, caroline cayeux, avocat, gilbert collard, hubert delarue, fo, force ouvrière, missions, compétences, abus de pouvoir, bavure, marion rambier, hervé malassis, mathieu volant, contrôle d’identité, relevé d’identité, contrôle routier, code de la route, code de procédure pénale, doctrine d’emploi, armement
16/09/2011
POLICES MUNICIPALES : ASVP VERSUS APM
« Elles sont deux. Pas sœurs jumelles, même si on aurait presque tendance à le croire vu leur uniforme. Bleu foncé. Que certains, pas forcément très observateurs, ont déjà pris pour celui des pompiers. », écrit Sandrine Ordan dans les colonnes de Corse-Matin [1]. C'est pourtant bien Police municipale qui est inscrit sur leur polo. » (sic) « C'est un domaine qui m'a toujours attirée de près ou de loin », confie Angélique. Marie-Noëlle renchérit, avouant avoir toujours rêvé d'être flic. La journaliste achève son panégyrique des deux dernières recrues de la police municipale de Corte, en concluant « Après une trentaine de minutes d'entretien, leur métier de policier municipal ne semble plus si repoussant finalement. » (re-sic)
Source : Corse Matin, photo de José Martinetti.
Las, les agents si chaleureusement présentés ne sont nullement des policiers municipaux mais, comme il est brodé sur leur polo et leur casquette, des ASVP ou Agents de surveillance de la voie publique.
En 2009, dans son étude relative aux polices municipales, le préfet Jean Ambroggiani (décédé à l’âge de 63 ans, le 31 décembre 2010 des suites d’une longue maladie) évaluait ceux-ci à près de 3 000 [2]. L'effectif national de ces personnels est désormais estimé, selon le dernier recensement effectué par le ministère de l'Intérieur au premier semestre 2011, à 5 500 [3], preuve qu’un nombre croissant de communes ont recours à l’embauche de ces personnels, titulaires ou contractuels, souvent en complément mais aussi, parfois, en lieu et place de gardes champêtres ou de gardiens de police municipale comme à Castelsarrasin dans le Tarn-et-Garonne [4], Haillicourt dans le Pas-de-Calais [5] ou Vire dans le Calvados [6].
COMPÉTENCES DES ASVP
Les ASVP sont reconnus par l'article 15 du Code de procédure pénale (CPP) comme « agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire ». Toutefois, le préfet Ambroggiani avait noté à leur propos : « Les agents de surveillance de la voie publique, de plus en plus nombreux (environ 3 000) et qui représentent une souplesse d’emploi pour les maires en raison de leur coût plus faible que celui des policiers municipaux, sont souvent utilisés illégalement à d’autres tâches que celles relatives au relevé des infractions au stationnement, par exemple, en surveillance de la voie publique ou en règlement de la circulation. […] Ces personnels assermentés après agrément du procureur, pour la plupart agents techniques ou adjoints administratifs titulaires, 20 % d’entre eux étant recrutés sur des contrats à durée déterminée, présentent néanmoins un intérêt par le renfort qu’ils apportent aux polices municipales et la flexibilité qu’ils offrent à leurs employeurs » (page 20). Pourtant, le champ de compétence des ASVP, bien qu’agréés par le procureur de la République et assermentés, est circonscrit à la seule constatation des infractions aux règles de stationnement conformément aux articles L.130-4 et R.130-4 du Code de la route, à l’exception des infractions en matière d’arrêt ou de stationnement dangereux, gênant ou abusif (article R.417-9 du Code susmentionné). En outre, ils ne sont pas habilités à régler la circulation puisque les ASVP sont exclus de l’article R130-10 du Code précité. Néanmoins, en sus du ticket d’horodateur manquant, ils peuvent sanctionner le défaut d’apposition du certificat d’assurance (article R211-21-5 du Code des assurances). Ils sont aussi compétents, en application de l’article L.1312-1 du Code de la santé, pour constater par procès-verbaux les contraventions aux dispositions des règlements sanitaires relatives à la propreté des voies et espaces publics. Enfin, en cas de flagrant délit, ils peuvent, comme tout citoyen en application de l’article 73 du Code de procédure pénale, appréhender le malfaiteur et le présenter immédiatement à un Officier de police judiciaire (OPJ). Mais comme le rappelle à bon escient une circulaire ministérielle [7] en date du 15 février 2005, en aucun cas, les ASVP ne peuvent être armés. Leur confier des missions de sécurité publique est donc illégal. Pourtant certaines localités s’obstinent dans cette voie ! Pourquoi ? D’abord, parce que cet agent, recruté sans condition de diplôme ou d’obtention d’un concours, peu ou pas formé [8] (il n’a pas l’obligation de formation initiale pour exercer sur la voie publique), présente l'avantage d'être rapidement disponible et assermenté, même si ses attributions sont, en principe, extrêmement limitées. La récente réponse ministérielle à la question du député-maire de Saint-Amand-les-Eaux, Alain Bocquet, remarque « que des agents de la commune, appartenant à tout cadre d'emplois, adjoint technique par exemple, de même que des agents non titulaires, peuvent se voir confier cette tâche par le maire, sous réserve de l'agrément et de l'assermentation. » Ensuite, comme l’a souligné le préfet Ambroggiani, un ASVP coûte moins cher qu’un policier municipal ou un garde champêtre aux compétences bien plus larges. Enfin, cet agent est plus docile que ces derniers, voire corvéable à merci (rondes de nuit, astreintes, îlotage pédestre…) puisque les ASVP n’appartiennent en réalité à aucun cadre d’emplois spécifique. D’ailleurs, les syndicats de police municipale dénoncent régulièrement les conditions d’emploi de ces agents [9], ainsi que les nominations de complaisance à ces postes, qualifiant parfois même ces précaires parmi les précaires de nervis du maire.
Finalement, « Leurs fonctions, assez limitées, […] ne sauraient se confondre avec celles exercées par les policiers municipaux, qui relèvent de cadres d'emplois spécifiques. » [10] Conclusion : si les ASVP et APM (agents de police municipale) travaillent ensemble, les premiers sous l'autorité des seconds, il n'en demeure pas moins vrai qu'ils n'ont nullement les mêmes compétences tout comme les policiers municipaux n'ont pas les mêmes prérogatives que les gardiens de la paix ou les gendarmes (ils ont même moins de pouvoirs que les gardes champêtres !).
AVENIR DES ASVP
« Les ASVP : l’avenir des polices municipales ? », s’interrogeait La Lettre d’information des professionnels de la sûreté, police fin 2010, constatant que « Moins chers, pas armés, les ASVP voient leurs effectifs s'envoler » [11]alors que les effectifs de gardiens de police municipale stagne ces dernières années (aux alentours de 18 000 agents). Outre la crise financière qui impacte le budget des collectivités territoriales, le recours de plus en plus important aux ASVP peut s’expliquer de différentes manières :
- À cause de la forte concurrence entre les localités, les ASVP servent à pallier les difficultés de recrutement de policiers municipaux ;
- Ils permettent aussi de mettre du bleu dans le paysage communal à moindre frais ;
- Ces personnels servent également de variable d'ajustement en matière de gestion des personnels de la police municipale ;
- Enfin, en raison de leur souplesse d’emploi, ces agents permettent aux édiles de contourner les contraintes et les exigences croissantes des policiers municipaux [12], qui rêvent de reconnaissance professionnelle et revendiquent un alignement sur la police nationale au nom d’une égalité des risques (sic).
Pour enrayer ce phénomène, FO Police municipale propose de « n’autoriser d’ouverture de poste d’ASVP à condition que la commune dispose de zones bleues ou de stationnement payant. »
Quid de la motivation des principaux intéressés ? « Pourquoi alors choisir de s’exposer à une telle hostilité ? », questionnait l’an dernier La Gazette des communes. « Par goût du changement, par envie d’un métier au contact du public ou par nécessité de conserver un emploi dans la ville où l’on est installé. [Cependant], la motivation première demeure l’entrée dans la police municipale. […] Nombre d’agents apprécient la diversité de leurs missions, qui brise la routine d’une tâche souvent ingrate. […] Mais cette diversité est controversée car, en l’absence de cadre d’emplois, ils sont sollicités pour des tâches qui excèdent leur fonction, en raison d’une interprétation large du pouvoir de délégation du maire. » [13]Ces dérives sont régulièrement dénoncées par toutes les organisations syndicales. Ainsi, en juin 2008, la Confédération générale du travail interpelle le préfet d’Île-de-France à ce sujet : « depuis des années, des A.S.V.P. sont employés par des collectivités territoriales, aux fins de remplacer des gardiens de Police Municipale, en prenant des risques considérables », précisant que « dans certaines communes d’Île-de-France, des A.S.V.P. sont utilisés pour faire de la surveillance générale de voie publique dans des véhicules sérigraphiés "Police Municipale", du gardiennage de lieux de culte, du contrôle routier, du contrôle radar, etc… En outre, des A.S.V.P. dans leurs communes respectives, sont seuls sur la voie publique et sont exploités pour dissimuler le manque cruel d’effectif. [Enfin], des A.S.V.P. portent la tenue de police municipale, des armes et des menottes durant leur service. Ces faits sont totalement inacceptables ! », tonne la CGT. Une exception francilienne ? Que nenni ! Dans un courrier adressé à Pascal Joly, Directeur de Cabinet du ministre de l’Intérieur, et daté du 30 novembre 2009, Force ouvrière dénonce, suite à une enquête sur tout le territoire national, « que des ASVP ont des missions de circulation, de convoi de fonds, de surveillance de bâtiments communaux, de mise en fourrière… et ce, malgré la circulaire INT/D/05/00024 du 15 février 2005 du Ministère de l’Intérieur rappelant le cadre légal des missions des agents communaux autres que les policiers municipaux appelés à exercer des missions de police municipale. » Fin 2010, les inspecteurs généraux évoquèrent ces dérives dans leur rapport sur le rôle et le positionnement des polices municipales (pages 11 et 26), soulignant à leur tour « l’importance des contractuels ASVP par rapport aux effectifs des policiers titulaires et la doctrine d’emploi de ces ASVP » ; ils insistent sur la nécessité de « clarification de la situation des agents de surveillance de la voie publique et des agents temporaires des polices municipales de façon à mieux les distinguer des policiers municipaux eux-mêmes ».
Si elles exaspèrent les syndicats de police municipale, ces dérives ne sont apparemment pas ressenties comme telles par les principaux intéressés. D’ailleurs, leur résorption n’est nullement la priorité de ces derniers comme en témoigne La Gazette des communes :
Sur le terrain, c’est surtout l’absence de carrière qui se fait cruellement ressentir. […] Car actuellement, les agents, rémunérés au Smic, ne doivent la progression de leur salaire qu’à l’ancienneté. Surtout, l’ensemble des ASVP revendique une formation en bonne et due forme. "Le métier n’est pas compliqué en lui-même, mais il faut maîtriser la façon de s’adresser aux usagers, ainsi que la rédaction des procès-verbaux et des rapports écrits. Une courte formation à la prise de fonction est nécessaire", reconnaît Sabrina Tichit, ASVP à Montpellier […]. La formation s’avère également nécessaire en termes de carrière : "Je forme les agents à leur prise de poste, mais ce n’est pas forcément suffisant, car certains n’ont aucun diplôme, ce qui les expose à un plan de carrière inexistant : difficile de présenter le concours de policier municipal sans diplôme de niveau V au préalable. Je pousse donc ceux qui sont dans ce cas vers la validation des acquis de l’expérience", complète David Désirée, chef de PM à Maisons-Laffitte (Yvelines).[14]
C’est dans cette perspective que Jean-Michel Weiss, secrétaire national de la FA-FPT (Fédération autonome de la Fonction publique territoriale), se prononce pour l’institution d’un concours interne permettant à ces agents de pouvoir évoluer vers des postes de policiers municipaux. Son confrère, Yves Kottelat, secrétaire fédéral de FO (Force ouvrière), maintient sa proposition de création d’un cadre d’emplois d’Adjoints de surveillance de la voie publique [15] ; il justifie sa position en ces termes : « Cette revendication est fondée sur d’une part, la nécessité d’harmoniser les cadres d’emplois des agents auxquels il est confié des missions relatives aux pouvoirs de police du maire, d’autre part de proposer à ces agents une reconnaissance professionnelle par une tenue, une formation et un cadre légal de missions. » Mais cette question divise agents et syndicats :
"C’est une mission, nul besoin [de cette création] qui risque d’enfermer les titulaires dans des tâches ingrates, usantes et peu reconnues", avance Jean-Michel Weiss, chargé de la PM au sein de la FA-FPT. Philippe Aoustin, responsable national de la CGT-PM, est loin de partager l’analyse : "Nous souhaitons l’élaboration d’un cadre d’emplois. Si cela n’est pas possible, il faut que ces agents soient rattachés à la filière technique et qu’ils disposent d’une fiche de poste détaillée, ainsi que d’une tenue unifiée. Nous voulons aussi l’arrêt des recrutements". Seule revendication unanime : l’organisation d’un examen professionnel interne pour l’accès à la PM et non un concours. [16]
Cette revendication statutaire est, néanmoins, soutenue par Patrick Balkany, député-maire UMP de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Ce fervent défenseur des polices municipales [17] a récemment évoqué le projet du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SA-FPT) concernant la filière sécurité :
Élaboré par le SAFPT au mois d'avril 2010, ce projet prend en compte l'évolution du statut des gardiens de la paix qui, en raison des changements intervenus dans leur concours de recrutement, se trouvent désormais en catégorie B. Considérant que de nombreux textes de la fonction publique d'État sont transposables vers la fonction publique territoriale, le SAFPT juge légitime que les agents de la police municipale bénéficient également d'un reclassement. Ainsi, alors que la filière sécurité est actuellement composée de quatre cadres d'emplois, le SAFPT propose de refondre ces derniers en deux cadres d'emplois, soit un en catégorie B et un en catégorie A, la catégorie C restant libre pour accueillir les ASVP. […] Ces évolutions se traduiraient par ailleurs par des modifications du régime indemnitaire qui permettraient de combler en partie l'écart de rémunérations existant entre les policiers municipaux et les policiers nationaux. [18]
Le ministère du Budget a opposé une fin de non-recevoir à ce projet de refonte de la filière sécurité, arguant les avancées du « protocole signé en 2006 [19] par le ministre délégué aux collectivités territoriales [Brice Hortefeux] et trois organisations syndicales représentatives [FA-FPT, FO et UNAPM-CFE-CGC], suivi de la publication de décrets statutaires le 17 novembre 2006 ». Mieux, il soutient que « L'effort en faveur des policiers municipaux, ces dernières années, est donc sensible et la professionnalisation de la filière a considérablement progressé », assurant que « Les cadres d'emplois rénovés offrent des possibilités de carrières ouvertes et adaptées aux besoins des collectivités. » Enfin, conclue le gouvernement, « Il importe de préserver l'identité de ces agents, qui, comme vient de le rappeler le Conseil constitutionnel, demeurent des agents communaux. »
[1] Sandrine Ordan, « Police municipale : deux recrues féminines plaines de caractère » in Corse-Matin, mardi 13 septembre 2011.
[3] Question n°102371 de M. Alain Bocquet (Gauche démocrate et républicaine – Nord)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-102371QE.htm
[4] C.S., « Surveillant pour le maire, policier pour l'opposition » in La Dépêche du Midi, 8 mars 2006.
[5] Agnès Mercier, « Un agent de surveillance sur le terrain dès demain » in La Voix du Nord, 30 avril 2009.
[6] « Pourquoi n’y a-t-il pas de police municipale à Vire ? » in Ouest-France, 5 octobre 2009.
[7] Circulaire du ministère de l’Intérieur NOR INT D05 00024 C du 15 février 2005.
circulaire ASVP et assistants temporaires de PM.pdf
[8] Le CNFPT propose, néanmoins, des formations à destination de ces personnels.
Exemple : formations proposées par l’Interrégion Grand Ouest en 2010 pour la filière Police.
[9] USPPM, « La Police Municipale et les ASVP » in Le Post.fr, 2 août 2011.
http://www.lepost.fr/article/2011/08/02/2561019_la-police-municipale-et-les-asvp.html
SNPM-CFTC, « Quand les médias assimilent les ASVP aux Policiers Municipaux », 12 mai 2011.
SIPM-FPIP, « ASVP employé n’importe comment : 1 blessé à Deauville », 29 avril 2011.
FPIP, « ASVP : "policiers" à pas chers… », 11 novembre 2008.
http://www.fpip-police.com/Pages/20060920%20MARRE/20081111%20auto%20plus%20asvp1.pdf
[10] Question n°102371 de M. Alain Bocquet (Gauche démocrate et républicaine – Nord)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-102371QE.htm
[11] « Les ASVP : l’avenir des polices municipales ? » in La Lettre d’information des professionnels de la sûreté, police n°146, 14 novembre 2010.
http://www.metier-securite.fr/PAR_TPL_IDENTIFIANT/53707/TPL_CODE/TPL_ACTURES_FICHE/120-actualite.htm
[12] Philippe Madelin, « De drôles de jaunes : les ASVP briseurs de grève ? » in Dans le secret des faits, 27 décembre 2009.
http://phmadelin.wordpress.com/2009/12/27/de-drole-de-jaunes-les-asvp-briseurs-de-greve/
[13] S. Marseille, « Agents de surveillance de la voie publique en quête de statut » in La Gazette des communes, 21 septembre 2010.
[14] S. Marseille, « Agents de surveillance de la voie publique en quête de statut » in La Gazette des communes, 21 septembre 2010.
[15] Cette idée de création d'un cadre d'emplois spécifique des agents de surveillance au sein de la filière sécurité dans la fonction publique territoriale a déjà été soulevée en 2003 par Brigitte Le Brethon, alors députée UMP du Calvados, et réitérée cinq ans plus tard par Xavier Breton, député UMP de l’Ain.
Question n°20131 de Mme Brigitte Le Brethon (Union pour un Mouvement Populaire – Calvados)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-20131QE.htm
Question n°26844 de M. Xavier Breton (Union pour un Mouvement Populaire – Ain).
http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-26844QE.htm
[16] S. Marseille, « Agents de surveillance de la voie publique en quête de statut » in La Gazette des communes, 21 septembre 2010.
[17] Laurent Opsomer, « Brève histoire de la police » in Double Neuf, 17 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/17/breve-histoire-de-la-police.html
[18] Question n°103121 de M. Patrick Balkany (Union pour un Mouvement Populaire, Hauts-de-Seine)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-103121QE.htm
[19] Question n°7775 de M. Jean-Christophe Lagarde (Nouveau Centre – Seine-Saint-Denis)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-7775QE.htm
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22/08/2011
VIOLENCES URBAINES : UNE (AUTO)CENSURE MÉDIATIQUE ?
Suite aux émeutes de 2005, le chef d’escadron Talarico écrivit dans une étude [1] que « Le rôle des média dans ces déchaînements de violence s’avère aussi très important. En France, la presse a, en établissant des cartes des violences commises et en effectuant une surenchère informationnelle, poussé à la compétition entre quartiers. Elle porte donc une lourde responsabilité dans la propagation des violences. Après quelques jours, certains média en ont pris conscience. Ainsi, des chaînes de télévision ont décidé de ne plus communiquer de bilan par quartier et de limiter la diffusion des scènes de violence. Il s’agit, maintenant, pour le gouvernement, de profiter de cette prise de conscience des média pour établir avec eux une charte de bonne conduite en cas d’événements graves. Cela existe au Royaume-Uni. On a pu le constater lors des attentats à Londres de juillet 2005 : la presse n’a pas montré de corps de victimes et a tout de suite voulu montrer que la vie reprenait un cours normal sans céder à la psychose terroriste. Il faut entretenir le débat sur le rôle des média afin de les amener à prendre toutes leurs responsabilités si de nouveaux drames devaient survenir. » Or, des événements récents amènent à s’interroger à ce sujet : y a-t-il eu censure à propos de violences urbaines survenues en France au même moment que les émeutes anglaises ? En effet, si la presse nationale a abondamment commenté les troubles qui ont secoué l’Angleterre, Londres en particulier, pendant quelques jours au cours de ce mois d’août (contre quelques semaines en France fin 2005), elle a été étonnement silencieuse lors de situations similaires dans l’Hexagone. Pourtant, comme le rapporte Le Courrier picard dans son édition du 11 août 2011, Amiens a connu simultanément un déchaînement de violences. Le journaliste du quotidien picard, Bakhti Zouad, constate ainsi que « De nouvelles violences urbaines ont éclaté dans les quartiers nord d’Amiens mardi soir [9 août]. Elles se sont poursuivies tard dans la nuit obligeant les forces de l’ordre à quadriller la zone pendant plusieurs heures. » [2] Il décrit les événements en ces termes : « Les premiers heurts débutent vers 19 heures. Des policiers sont pris à partie par des groupes de jeunes et essuient de nombreux jets de projectiles. Un des fonctionnaires est alors blessé. Les véhicules des policiers sont également visés. Ils répliquent à l’aide de flash-ball et de gaz lacrymogène. Sur la place du Colvert un véhicule est incendié près d’un poteau à 21h10. Un acte peut-être volontairement destiné à détruire la caméra de surveillance installée au sommet. Elle ne résistera d’ailleurs pas à la chaleur du sinistre. Une heure plus tôt, c’est un scooter qui est brûlé rue Balzac en même temps qu’une autre voiture au pied d’une des deux tours. » Il précise en outre que « Les forces de l’ordre voient arriver rapidement des renforts des départements voisins (Oise, Pas-de-Calais, Seine-Maritime). » Preuve, s’il en fallait une, de l’insuffisance des effectifs policiers sur la métropole amiénoise comme ailleurs [3], conséquence funeste de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) impulsée par Nicolas Sarkozy en juin 2007. Le déploiement de forces n’en demeure pas moins imposant : « Le ballet est incessant. Prêts à déverser leurs occupants au moindre incident, les fourgons [de CRS] se croisent, ils sont même par moment cul à cul. L'un des véhicules traîne une remorque de matériel, quelques instants plus tard nous voilà doublés par un véhicule plus imposant, presqu'un fourgon blindé... Il est 20 heures, le ton est donné, les policiers sont équipés comme des "Robocops". Une démonstration de force alors qu'ici ou là les habitants vaquent à leur occupation. » [4] Faut-il voir dans cette démonstration de force une nervosité politique craignant que l’incendie britannique ne se propage sur le continent en pleine torpeur estivale ? [5] « Voilà pour le visible, être vus est d'ailleurs le but. », remarquent les journalistes locaux tout en observant que « Cela n'a pas vidé les lieux. Au contraire. Fort de 25000 habitants, il y a plus de vie ici que partout ailleurs dans la ville. Il fait beau alors quitter les tours de béton est un luxe qu'on ne se refuse pas. De nouveau des familles traversent les lieux. Pour beaucoup, la présence policière, même pesante, rassure. » Ils concluent leur immersion dans le quartier nord sur ces quelques mots, constat sans complaisance en forme de sentence lapidaire : « Un autre monde, une autre ville. »
Capture d’écran : France 3 Picardie, « La police d’Amiens réclame des renforts », 18 août 2011.
Le calme, aussi précaire soit-il [6], est revenu mais l’alerte a été chaude. D’ailleurs, est-ce un hasard si Gilles Demailly, maire d’Amiens et président d’Amiens Métropole, a interrompu d'urgence ses vacances afin de rencontrer les habitants et le préfet ? Dans un communiqué en date du 10 août, l’élu socialiste « condamne fermement les violences sur les personnes ainsi que les violences urbaines à Amiens comme partout en France. […] En outre, le Maire d’Amiens salue le professionnalisme des agents des services publics, plus particulièrement ceux de la police municipale, de la police nationale, des sapeurs-pompiers et des personnes d’Amétis, pris régulièrement pour cibles. » [7] Un éloge mérité face à une violence endémique [8]. Il envisage d'envoyer un courrier au ministre de l'Intérieur pour réclamer plus de moyens. De son côté, Francis Lec, conseiller général (PS) d'Amiens Nord « lance un appel solennel au calme et exige de l'État, comme le demande la population, une véritable politique de la sécurité publique. » [9] Ce dernier appelait déjà à un plan Marshall pour Amiens Nord… en 2008 [10]. Cependant, vu le contexte économique et politique actuel, il est peu probable que leurs requêtes soient entendues, encore moins exaucées, d’autant qu’ils n’appartiennent pas à la majorité présidentielle et que l’on annonce déjà 12 000 suppressions de postes de policiers au niveau national pour l’an prochain ; Amiens sera forcément concernée par celles-ci alors que, selon le syndicat SGP-FO Unité police, majoritaire chez les gardiens de la paix et les adjoints de sécurité (ADS), les effectifs sont déjà singulièrement insuffisants à Amiens avec 150 policiers en tenue sur le terrain pour une circonscription de… 150 000 habitants (cf. tableau précédent). Cela dit, le mutisme des médias nationaux est particulièrement étrange, eux d’habitude si friands de ces faits divers qui effraient les bobos ; comme chantait Georges Brassens (Les oiseaux de passage), « Les bourgeois sont troublés… De voir passer les gueux ». Un silence d’autant plus incompréhensible qu’à l’automne 2010, ces mêmes médias ne s’étaient pas privés d’évoquer les émeutes qui avaient secoué la ville [11]. Par conséquent, comment expliquer cette soudaine frilosité ? Censure ou autocensure [12] ?
[1] Laurent Opsomer, « La militarisation du maintien de l’ordre, réalité ou fantasme ? » in Double Neuf, 9 juin 2011
[2] Bakhti Zouad, « Amiens. Le quartier nord s’embrase » in Le Courrier picard, 10 août 2011.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Le-quartier-Nord-s-embrase2
[3] Laurent Opsomer, « Ceci n’est pas un échec… » in Double Neuf, 1er août 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/08/01/ceci-n-est-pas-un-echec.html
[4] David Vandevoorde et Bakhti Zouad, « Amiens nord. Ambiance dans un quartier bouclé » in Le Courrier picard, 12 août 2011.
[5] Jeanne Dussueil, « Laurent Mucchielli : "Les conditions sont réunies en France pour de nouvelles émeutes" » in Challenge.fr, 11 août 2011.
[6] « Amiens. Le quartier Nord plus calme mais toujours tendu » in Le Courrier picard.fr, 16 août 2011.
[7] Émilie Thérouin, « La réaction du maire d’Amiens face aux violences urbaines qui émaillent notre ville », 10 août 2011.
[8] Thomas Delobelle, « Amiens. Quand servir l’ordre devient subir » in Le Courrier picard, jeudi 9 septembre 2010.
[9] Bakhti Zouad, « Amiens. Calme fragile au quartier Nord » in Le Courrier picard, 12 août 2011.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[10] Francis Lec, « Mon plan Marshall pour Amiens Nord en 25 mesures », 1er février 2008.
http://francislec.over-blog.com/article-16255035.html
[11] À l’époque, Amiens a eu droit à un traitement médiatique spécial. En effet, fin septembre 2010, Orléans, ville de droite, connaissait trois nuits d’émeutes dans le quartier de l’Argonne mais ces événements ne rencontraient aucun écho dans la presse nationale (seule La République du Centre avait relaté ceux-ci dans un article intitulé « Orléans : flambée de violence à l’Argonne » le 27 septembre 2010). A contrario, début octobre 2010, Amiens, ville de gauche, connaissait une flambée de violence dans le quartier nord et faisait aussitôt la Une médiatique (quelques exemples ci-après). Deux poids, deux mesures ?
« Violences à Amiens : sécurité renforcée dans le quartier nord » in Le Parisien, 10 octobre 2010.
« Nuit d’échauffourées à Amiens » in Le Figaro avec AFP, 10 octobre 2010.
« Une nuit de violences urbaines dans le quartier nord d'Amiens » in Metro France, 10 octobre 2010.
« Violences urbaines à Amiens : plusieurs heures d'affrontements avec les forces de l'ordre » in Le Post, 10 octobre 2010.
« Violences urbaines Nuit mouvementée à Amiens Nord » in L’Union, 11 octobre 2010.
http://www.lunion.presse.fr/article/faits-divers/violences-urbaines-nuit-mouvementee-a-amiens-nord
[12] Goubelle, « De la censure à l’autocensure dans les médias » in Rue89, 16 août 2007.
http://www.rue89.com/goubelle-sen-mele/de-la-censure-a-lautocensure-dans-les-medias
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