05/02/2012
SNPM : UN SÉISME SYNDICAL ?
« La loi de 2008 va rebattre les cartes entre les syndicats », écrivait sur son blog Michel Noblecourt, éditorialiste au Monde, le 14 novembre dernier. [1] La loi du 20 août 2008 sur la réforme de la représentativité syndicale bouleverse, en effet, profondément et durablement le paysage syndical puisqu’elle « définit sept critères – au lieu de cinq – qu’un syndicat doit satisfaire pour être représentatif : le "respect des valeurs républicaines"; l’indépendance; la transparence financière; l’ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel; l’audience électorale; l’influence, "caractérisée par l’activité et l’expérience"; les effectifs d’adhérents et le versement de cotisations. Ces critères sont cumulatifs, mais celui de l’audience est jugé de facto prééminent. »
« Quand le navire doit sombrer, les rats sont les premiers à le quitter. »
Fiodor Dostoïevski, Les Démons
Bien que menacée dans son existence par la réforme de la représentativité, « La CFTC veut croire en son avenir […]. Et survivre seule. » [2] Las, face à la tempête, des branches se désolidarisent déjà de la centrale chrétienne. Ainsi, le 11 décembre 2011, le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM) annonce sa désaffiliation de la CFTC et son affiliation à Force ouvrière (FO), décision entérinée le 28 du même mois lors d’une assemblée générale extraordinaire réunie à Aix-en-Provence, conformément aux vœux de son président Frédéric Foncel, qui explique cette nouvelle orientation en ces termes :
Nombre d’entre nous ont pu constater depuis un temps certain que la structure de la FNACT/CFTC devenait trop étroite et qu'elle ne répondait plus à nos attentes, vis-à-vis de toute la dynamique que vous insufflez quotidiennement sur le terrain et qui a produit les résultats dont nous nous félicitons.
A l’heure d’une remise en cause massive et inéluctable du paysage syndical du à la future représentativité, il nous fallait réagir et donner à notre syndicat la possibilité de continuer à répondre aux demandes toujours plus nombreuses ainsi que la véritable dimension que mérite le SNPM auprès des Policiers Municipaux et des instances dirigeantes.
Nous avons donc évalué les différentes possibilités qui s’offraient à nous, et la seule structure émergente et constituée pour durer dans le temps, en adéquation avec notre philosophie est le Syndicat FO. [3]
Si cette évolution respecte à la lettre les statuts du SNPM, on peut, néanmoins, lire ce commentaire vengeur sur le site du SNPM Picardie :
Bien entendu ! Je suis allé me plaindre à Aix. On était à peine 25. Donc 20 qui ont voté oui !!!!! Le reste c'était des pouvoirs en blanc, et un collègue du bureau m'a indiqué qu'ils ont reçu 150 démissions ! vive la CFTC !
Commentaire n°1 posté par kikoulol le 10/01/2012 à 15h52 [4]
Adieu SNPM-CFTC... Bonjour SNPM-FO !
La nouvelle entité syndicale, le SNPM-FO, a aussitôt suscité l’ire des syndicats dits « professionnels », même s’ils ne se faisaient en vérité aucune illusion à ce sujet. [5] Tandis que le Syndicat indépendant de la police municipale (SIPM) parle de « valet » et de « trahison » [6], le Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) évoque « la fusion de la honte ». Les propos de ce dernier sont particulièrement durs, pour ne pas dire insultants, voire diffamants :
Les cadres du SNPM prennent des décisions irresponsables pour la profession, ils vendent purement et simplement leur syndicat à F.O sous prétexte que cette centrale « anti-PM » devient le syndicat majoritaire dans la F.P.E. [7] alors qu'il y a beaucoup à dire concernant la concertation avec leurs adhérents. […] Les policiers municipaux n'ont pas besoin de saboteurs, ils sont suffisamment nombreux comme cela, il n'est donc pas nécessaire que d'autres viennent grossir une bande de renégats ! […] Les policiers municipaux ne doivent pas se laisser berner par certains représentants et conseillers du SNPM. Depuis que Dominique Martin a quitté la Présidence ce syndicat, c'est une véritable pagaille au SNPM ; L'ex-futur candidat à la charge de Président de la République aurait dû continuer son tour de France en camping-car et laisser la Présidence de ce syndicat à un vrai professionnel. […] Le S.D.P.M dénonce et continuera à dénoncer les manigances des fossoyeurs que cela plaise ou non ! […] Il est temps que les policiers municipaux réagissent et rejoignent les rangs de ceux qui défendent réellement leurs intérêts. Rester dans l'ombre ou cautionner les décisions des syndicats félons c'est aller vers une mort certaine, à nous policiers municipaux de décider de notre avenir. [8]
L’engeance du SDPM ne doit pas cacher la dure réalité syndicale : la réforme de la représentativité exclue définitivement des négociations professionnelles toutes les instances syndicales qui ne répondent pas aux critères imposés. En résumé, les exclus peuvent bien fulminer, s’égosiller, vitupérer, le couperet est tombé. [9] L’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) semble d’ailleurs avoir acté cet irrémédiable bouleversement :
Pour Bernard Vellutini [président de l’USPPM], qui a pris acte du récent éclatement de l’intersyndicale, il ne peut pas exclure un éventuel rapprochement, sans parler pour l’heure d’alliance ou d’accord, avec les membres de la nouvelle coordination syndicale (FO – FAFPT – SNPM – UNSA), l’USPPM étant exclue des négociations. [10]
De son côté, dans un communiqué en date du 16 janvier 2012, la fédération Force ouvrière des personnels des services publics et des services de santé « remercie les adhérents du syndicat national de la police municipale, de leur décision prise lors de l’assemblée générale du 28 décembre 2011, de s’affilier à Force Ouvrière », alléguant au passage qu’« Ainsi, le SNPM-FO devient la première organisation syndicale de la police municipale » (assertion qui fera bondir une fois de plus la concurrence). [11]
Néanmoins, au-delà des congratulations d’usage, le rapprochement du SNPM avec Force ouvrière interpelle sur le fond et il n’est pas inutile de s’interroger à propos de la cohérence interne de FO suite à l'adhésion du SNPM en son sein.
En effet, comment se fait-il qu'une organisation syndicale récemment affiliée à la CFTC puisse aujourd'hui arborer les couleurs de Force ouvrière [12] alors même que le secrétaire national du Syndicat national des policiers municipaux est particulièrement proche de l'UMP ? [13] Ce basculement de droite à gauche peut se résumer en deux mots, contradictoires en apparence mais complémentaires dans les faits : opportunisme et efficience. Ainsi peut-on lire sur le site du SNPM-FO : « Affilié à FO, organisation syndicale représentative, le SNPM [sera] actif dans toutes les instances paritaires nationales (Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale, Conseil d'Administration, Conseil d'Orientation du CNFPT, à la Commission Consultative des Polices Municipales ...) ». [14]
Cependant, comment faire face aux contradictions, pour ne pas dire aux inévitables tensions entre ce syndicat municipal désormais FO et celui de la police nationale, Unité Police SGP-FO ? Ses anciens alliés, désormais opposants, tels que le SIPM et le SDPM rappellent délibérément les positions de cette dernière organisation à l’encontre des polices municipales et les frictions ont été nombreuses entre le SNPM-CFTC et le SGP-FO. Ainsi, suite à un incident à Nîmes, la direction de la communication du SNPM lance un communiqué titré « HONTE À SGP-FO ». [15] De son côté, dans un communiqué établi à Saint-Cézaire-sur-Siagne en date du 10 juin 2011, le président du SNPM-CFTC, Frédéric Foncel, exprime son mécontentement à son homologue du SGP-FO : « la profession, que certains d'entre vous dénigrent mais incorporent dès que possible, est révoltée quant à l'attitude de votre section nîmoise. […] La Police Municipale est devenu irremplaçable que cela plaise ou NON à certains de vos délégués locaux. La mise en lumière du travail de chaque corps, de ses résultats, de ses bavures... ne doit pas entraîner les syndicalistes dans certaines dérives inacceptables. […] Veuillez recevoir, Monsieur le Président de SGP-FO, l'expression de l'écœurement le plus total de la majorité de la Profession et du premier syndicat chez les Policiers Municipaux ». Simultanément, celui-ci entretient des relations plus que cordiales avec le rival d’Unité Police SGP-FO, à savoir : le syndicat Alliance Police nationale comme le démontre le soutien répété et amical de Gérard Gaudiot à son « bien cher Président et Ami » du SNPM. [16]
Cela dit, la fédération Force Ouvrière des personnels des services publics et des services de santé, affirme qu’elle « apportera, comme elle le fait déjà pour ses unions nationales et ses syndicats nationaux, tout son soutien au SNPM, afin de continuer son expansion et ainsi faire aboutir les revendications légitimes des policiers municipaux. » Un soutien d’autant plus appréciable que les instances du SNPM justifient leur décision d’affiliation à FO en ces termes :
Cette décision n'est que la conséquence du manque de moyens que la FNACT/CFTC nous apporte : Pas une affiche FNACT, pas un autocollant, pas de service juridique, une protection juridique inexistante, personne pour nous aider dans nos démarches, très peu de lien avec les structures locales et pour finir des luttes intestines, des discordes, des règlements de compte dont de nombreux cadres FNACT/CFTC sont coutumiers ! [17]
Cet aveu sur la pauvreté des moyens du temps de la CFTC suscite l’ironie mordante du SIPM. [18] Néanmoins, dans son communiqué du 11 décembre dernier, Frédéric Foncel affirme en conclusion que « Le Syndicat National des Policiers Municipaux futur SNPM-FO restera donc une structure indépendante et libre, NOS REVENDICATIONS resteront totalement inchangées (moyens de protections et de ripostes (4eme cat) obligatoires, volet social, etc.) » non sans oublier de menacer ses contradicteurs de foudres judiciaires, tandis que Vianney Pabis, vice-président du SNPM, tance ces derniers en déclarant pouvoir « fièrement affirmer aujourd’hui, et cela depuis des années que les membres du SNPM se préoccupent de l’avenir des policiers municipaux et non pas de ce que pourra dire le SGP-FO, le SIPM, le SDPM ou toutes autres organisations qui ne défendent pas notre profession ». [19]
Pourtant, nul ne peut s’empêcher de s’interroger à ce propos : comment gérer les revendications du SNPM, particulièrement sur l'armement [20], et la position socialiste défendue notamment par Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère et Secrétaire national du PS chargé de la sécurité ? [21] Or, la proximité politique entre Force ouvrière et le Parti socialiste n’est un mystère pour personne. [22] Dès lors, comment sera résolu ce dilemme ? Déjà la question éminemment sensible de l’armement n’apparaît plus dans l’action de la nouvelle structure syndicale alors que le SNPM-CFTC en avait clairement fait son fer de lance.
Capture d’écran.
Source : http://www.snpm.mobi/index.php
Quid également du régime dérogatoire à celui de la Fonction publique territoriale (FPT), revendication pourtant portée depuis des années par le SNPM-CFTC ? [23]
Enfin, ultimes questions : pourquoi FO a-t-elle accepté en son sein le SNPM alors que les agents de police municipale n'ont pas à ce jour de représentation spécifique au sein de la FPT ? Le SNPM a-t-il intégré FO tout en demeurant « une structure indépendante et libre » comme l’affirme son président, ou sera-t-il phagocyté à terme par FO Territoriaux, qui représente l’ensemble des fonctionnaires et des agents de la FPT, policiers municipaux inclus ? [24] De son côté, la centrale chrétienne, prenant acte de « la dissolution du syndicat national de la police municipale (SNPM-CFTC), à la suite du départ de certains de ses dirigeants en décembre », a décidé de réunir les représentants CFTC le 10 février prochain, à Paris, pour réorganiser sa filière sécurité et refonder une nouvelle structure représentative. [25]
[1] Michel Noblecourt, « La loi de 2008 va rebattre les cartes entre les syndicats » in Question(s) sociale(s), 14 novembre 2011.
http://social.blog.lemonde.fr/2011/11/14/la-loi-de-2008-va-rebattre-les-cartes-entre-les-syndicats/
[2] Derek Perrotte, « La CFTC veut croire en son avenir » in Les Echos, 18 novembre 2011.
[3] SNPM-FO, « Affiliation du SNPM à la Fédération FO » in Le Post, 11 décembre 2011.
[4] SNPM-FO, « Le SNPM vient d’adopter son rattachement à Force ouvrière », jeudi 29 décembre 2011.
[5] SDPM, « Fusion du SNPM avec FO : le nom de domaine SNPM-FO a été déposé », lundi 28 novembre 2011.
[6] SIPM-FPIP, « SNPM-FO Valet du système ou la trahison d’un syndicat », samedi 3 décembre 2011.
http://www.euro-sipm.eu/article-snpm-fo-valet-du-systeme-ou-la-trahison-d-un-syndicat-91075932.html
[7] Derek Perrotte, « FO devient le premier syndicat dans la fonction publique d’Etat » in Les Echos, 28 novembre 2011.
[8] SDPM, « SNPM-FO : la fusion de la honte ! », 2 décembre 2011.
http://ddata.over-blog.com/3/83/18/00/snpm-fo.pdf
[9] À lire également :
Didier Porte, « Les syndicats catégoriels n’ont pas tous les droits » in Miroir Social, 10 février 2011.
http://www.miroirsocial.com/actualite/les-syndicats-categoriels-n-ont-pas-tous-les-droits
[10] « Lunel (34), pour Bernard Vellutini "il parait essentiel de réfléchir à l’opportunité de sortir du statut général de la fonction publique territoriale pour s’acheminer vers un statut dérogatoire" » in Ligne bleue, 15 septembre 2011.
[11] Fédération FO Public et Santé, « Police municipale : affiliation du syndicat national de la police municipale », lundi 16 janvier 2012.
[13] Laurent Opsomer, « Polices municipales : la salade niçoise » in Double Neuf, 22 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/18/polices-municipales-la-salade-nicoise.html
[14] SNPM-FO, Historique
http://www.snpm.mobi/index.php?option=com_content&view=article&id=3&Itemid=3
[15] SNPM-CFTC, « Honte à SGP-FO contre la remise de décoration aux policiers municipaux de Nîmes par Claude Guéant » in Le Post, 1er juin 2011.
[16] « Attaque du Procureur de la République de Nice conte la police municipale – Réaction de Gérard GAUDIOT du Syndicat ALLIANCE - POLICE NATIONALE » in SNPM, 27 octobre 2011.
« Message de soutien de Gérard Gaudiot du Syndicat Alliance Police nationale » in SNPM-CFTC, 18 juin 2011.
[17] SNPM-FO, « Le SNPM apporte des éléments de réponse… », samedi 3 décembre 2011.
http://snpmpicardie.over-blog.fr/article-le-snpm-apporte-des-elements-de-reponse-91085633.html
[18] SIPM-FPIP, « Le SNPM ne sert à rien, c’est le syndicat national de la police municipale qui le dit », mercredi 7 décembre 2011.
[19] SNPM-FO, « Le Syndicat National des Policiers Municipaux (Majoritaire) dénonce les bassesses de certaines petites organisations syndicales », 22 décembre 2011.
[20] Laurent Opsomer, « Faut-il armer les polices municipales ? » in Double Neuf, 16 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/16/faut-il-armer-les-polices-municipales.html
[21] Georges Moréas, « Une loi pour armer les policiers municipaux » in Police et cetera, 27 octobre 2011.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2011/10/27/une-loi-pour-armer-les-policiers-municipaux/
« Police municipale. Les propositions de Jean-Jacques Urvoas passent mal » in Le Télégramme, 6 septembre 2011.
« Le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC) s'est insurgé, lundi, contre des propositions du député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas. Dans son livre, le "M. sécurité" du Parti socialiste prône le retrait de leur uniforme et leur désarmement. Le syndicat parle de "mépris" pour les missions de la police municipale. »
SNPM-CFTC, « Jean-Jacques Urvoas : le Monsieur "INSÉCURITÉ" du Parti Socialiste » in Le Post, 7 septembre 2011.
[23] Alain Melcus, « SNPM-CFTC : 15 ans et tout l’avenir devant lui » in FNACT-CFTC, vendredi 29 février 2008.
Virginie Malochet, « Polices municipales, janvier-septembre 2011. Rétrospective d’une période riche en actualités » in Délinquance, justice et autres questions de société, 28 septembre 2011.
http://www.laurent-mucchielli.org/public/Polices_municipales_janvier-septembre_2011.pdf
[25] FNACT-CFTC, « Fin du SNPM-CFTC, début d’une nouvelle aventure pour les policiers municipaux », mercredi 18 janvier 2012.
FNACT-CFTC, « Dissolution du SNPM-CFTC : la CFTC réorganise sa filière sécurité », lundi 30 janvier 2012.
18:44 Publié dans Perso, Sécurité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : snpm, syndicat national des policiers municipaux, fo, force ouvrière, police municipale, cftc, représentativité syndicale, sipm, sdpm
25/09/2011
BEAUVAIS : DE L’AGRESSION AUX QUESTIONS
« Allez-y ! Foncez sur un policier ! Un flic sur un pare-brise, ça ne coûte que 2500 € ! », fulmine Frédéric Foncel, le président du Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC), à l’annonce du délibéré dans l’affaire des policiers de Beauvais renversés [1]. Jean-Louis Del Pistoia, directeur national de la communication de l’USPPM (Union syndicale professionnelle des policiers municipaux), ajoute avec aigreur : « Nous avons appris depuis peu que l'honorabilité d'un policier municipal était estimée à 500 euros, nous savons à présent qu'intenter à son intégrité physique coûte 2500 euros ! » [2]. Ces syndicalistes s’insurgent contre le jugement de la Cour d’appel d’Amiens, qui a récemment condamné « Christopher D., 22 ans, à 2 500 € d’amende, un an de suspension du permis de conduire et l’interdiction de ses droits civiques et familiaux pendant cinq ans [il avait été condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis]. Le jeune homme devra en outre verser des dommages et intérêts à chacune des trois victimes. » Le SNPM voulait une peine exemplaire. Il ne l'a pas eue, d’où sa colère.
Rappel des faits : « Ce soir du 11 septembre 2010, un groupe de jeunes joue au ballon dans le quartier Bellevue à Beauvais. Une patrouille de police municipale intervient après une plainte de riverains. Les agents demandent leurs papiers d’identité aux jeunes. Certains refusent. La situation dégénère. Et quand son cousin tient tête à un policier, Christopher s’interpose. Il prendra un coup de matraque sur l’arcade. Blessé, il monte dans la Mercedes de son beau-père, stationnée quelques mètres plus loin et fonce. Il renverse deux des agents, blessant l’un à la tête et l’autre au poignet. Il prendra la fuite avant de se rendre quelques heures plus tard. L’affaire fait alors le tour des médias nationaux. Les syndicats [de police municipale] en profitent pour relancer le débat sur l’armement des policiers municipaux. » [3]
« C’est l’uniforme qui était visé », clame aussitôt la maire de Beauvais, Caroline Cayeux [4], qui dénonce « cette violence gratuite faite aux agents dépositaires de la force publique » [5]. « Les policiers municipaux ont joué aux cow-boys », rétorquent les habitants [6]. Le jeune homme est maintenu en détention jusqu’à son jugement par le tribunal correctionnel de Beauvais le 28 septembre 2010. À l’époque, la presse annonce un choc de titans lors du procès, celui de deux ténors du barreau [7] : Me Hubert Delarue pour la défense [8], tandis que Frédéric Foncel avise les journalistes de la venue du très médiatique Me Gilbert Collard en tant d’avocat de la partie civile [9] : « On a saisi Me Collard pour la défense des victimes, via la protection fonctionnelle. Il nous fallait un ténor du barreau car c'est une affaire grave. » [10] Finalement, ce fut une benjamine, Me Marion Rambier, représentante du cabinet de Me Collard. Le truculent Marseillais, désormais président du comité de soutien de Marine Le Pen, se serait-il dégonflé ? En dépit des apparences, le dossier n’était-il pas aussi solide malgré le battage médiatique ? Vraisemblablement sinon comment expliquer la mansuétude de la Cour d’appel d’Amiens ?
LAXISME JUDICIAIRE ?
Celle-ci a-t-elle fait preuve de laxisme ? Cette interrogation est d’autant plus lancinante que la justice fait rarement preuve d’indulgence en la matière. Ainsi, au mois de septembre 2011, le tribunal correctionnel de Mulhouse a condamné un jeune homme à trois mois de prison pour avoir crevé le pneu d’une voiture de la police municipale d’Altkirch [11]. Au même moment, à Béziers, un Agathois de 21 ans écopait d’un an d’emprisonnement avec maintien en détention pour avoir foncé sur des fonctionnaires de police à qui il devra régler 1 000 € de dommages et intérêts pour leur préjudice moral, plus 1 000 € pour les frais de justice [12]. Il est vrai qu’à la différence de Beauvais, ces prévenus étaient défavorablement connus des services de police. Néanmoins, la clémence de la Cour d’appel d’Amiens n’en demeure pas moins surprenante, voire suspecte, suscitant l’ire des organisations syndicales de police municipale, l’USPPM poussant l’audace à rappeler dans son communiqué la législation en matière de coups et blessures. Nul n’est censé, en effet, ignorer la loi. Me Delarue s’est d’ailleurs emparé de cet adage lors de sa plaidoirie, assénant que « les policiers municipaux ne doivent pas méconnaître le code de procédure pénale » [13] « Le côté singulier de ce dossier, c'est que rien n'indique, ni de près ni de loin, qu'un délit était en train de se préparer », note l’homme de loi, qui conclue que l’interpellation du jeune homme a été effectuée après une demande de contrôle d’identité, donc un abus de pouvoir des agents beauvaisiens.
DU CONTRÔLE AU RECUEIL D’IDENTITÉ
Dans cette affaire, ces derniers interviennent pour des nuisances sonores, conformément aux articles L2212-2 et L2212-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), puis réclament l'identité des différents protagonistes. C’est là que le bât blesse : est-ce un relevé d’identité comme l’affirme la partie civile ou un contrôle d’identité comme le souligne la défense ? En première instance fut reconnue l’illégalité du contrôle d’identité [14]. En effet, malgré leur homonymie, un gardien de police municipale n’est pas un gardien de la paix. Un agent de police municipale (APM) est agent de police judiciaire adjoint (APJA) selon l’article 21 du Code de procédure pénale (CPP). A ce titre, il ne peut réaliser de contrôles d’identité [15]. Si l’article 78-1 du CPP spécifie que « Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d'identité […] », l’article 78-2 précise, toutefois, que seuls « Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité […] ». Les APM, cités à l’article 21-2°, sont donc exclus [16]. Dès lors, ceux-ci ne bénéficient que de l’article 78-6, qui leur permet de « relever l'identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux concernant des contraventions aux arrêtés de police du maire, des contraventions au code de la route que la loi et les règlements les autorisent à verbaliser ou des contraventions qu'ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse. » Une infraction préalable est donc impérative à son application. Il ajoute que « Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant. A défaut de cet ordre, l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa ne peut retenir le contrevenant. » Le relevé d’identité est donc clairement fixé par les textes. Cette réalité n’a pas empêché Mathieu Volant, délégué national du SNPM, de déclarer avec amertume : On n'a toujours pas obtenu une définition claire du relevé d'identité [ce qui est faux au vu des articles susvisés]. Comment peut-on travailler demain pour établir un procès verbal pour tapage sans demander l'identité ? [l’article 78-6 démontre l’inanité de cet argument] Notre statut est décidément un statut bâtard ». [17] Cela dit, en appel, la Cour d'Amiens a infirmé l’illégalité du contrôle d’identité prononcée en première instance au motif « que l’intervention des policiers municipaux ne s’analysait pas en un simple contrôle d’identité, pour lequel ils ne sont légalement habilités ; au contraire, constatant que des infractions venaient d’être commises, notamment une violation de domicile, par suite de l’escalade de la clôture [pour récupérer un ballon de football tombé dans le jardin] fermant la propriété des époux P. et des outrages à personne dépositaire de l’autorité publique, lesquels agissements susceptibles de caractériser un délit pénal, venaient d’être commis, lesdits agents de police municipale ont, dans le cadre de la flagrance, tenté d’identifier leurs auteurs, à la faveur d’un recueil d’identité ». En résumé, ce n’est pas un contrôle d’identité, ni un relevé d’identité mais un recueil d’identité, une manière astucieuse de ménager la chèvre et le chou ! En effet, si la procédure du contrôle d’identité est interdite aux agents de police municipale, celle du relevé d’identité ne peut se dérouler qu'en cas de constatation d'une infraction. En dehors de ce cas, seul un recueil d'identité peut être mis en œuvre, qui consiste à demander à la personne de décliner son identité, mais sans pouvoir exiger d’elle la présentation d’un document justifiant de celle-ci, ni, en cas de refus, faire usage de moyens coercitifs, à la différence des deux précédentes procédures [18]. L’action des agents beauvaisiens a, néanmoins, dégénéré suite au refus de jeunes gens de se soumettre à ce « recueil d’identité » et tout a dérapé avec une brusque bousculade et des coups pour aboutir à l’inacceptable, même sous le coup de l’émotion : foncer sur une personne avec une voiture.
PRÉMÉDITATION ?
Coups et blessures volontaires, clamaient les policiers municipaux. Panique et acte non prémédité, rétorquait la défense. Finalement, « Les juges ont retenu le fait que l'action de Christopher, ce 11 septembre 2010, n'était pas préméditée. […] Pour la défense, l'action des policiers municipaux était disproportionnée par rapport à la situation. Christopher, qui était inconnu de la justice, aurait agi par peur. Il aurait perdu son sang-froid. » [19]
Les chroniqueurs judiciaires soulignent que la défense s’est appuyée sur un argument qui a dû peser lourd auprès des juges : pour Me Hubert Delarue, son client « n’a pas foncé délibérément avec cette voiture sur les policiers, il ne voulait pas les blesser ou les tuer […]. Il s’est dirigé certes sur les policiers, mais aussi vers son père qui se trouvait au milieu d’eux. On ne peut imaginer qu’il ait voulu écraser son propre père ! D’ailleurs, ce dernier n’a pas été touché par la voiture uniquement parce qu’il a eu le réflexe de se jeter contre une camionnette ! Cet homme a d’ailleurs évité qu’une femme policière soit également renversée par la voiture, puisqu’il l’a tirée en arrière », explique l’avocat amiénois, qui conclue : « Au départ, c’est une histoire de gamins qui jouaient au ballon. Christopher a reçu un coup de tonfa sur la tête, il était en sang, il a paniqué ». [20] Ainsi n’y a-t-il eu, ce soir là, à aucun moment d’intention homicide.
UNE DOCTRINE D’EMPLOI
Au-delà du fait divers, ce procès a relancé le débat sur les fonctions et les compétences des agents municipaux. Déjà, Hervé Malassis, employé municipal d’Evreux et référent national FO de la police municipale, avait affirmé, lors de sa visite aux fonctionnaires blessés en septembre 2010, que « les policiers municipaux sont désormais confrontés aux mêmes risques que les autres forces de l’ordre. » [21] Un an après, le SNPM tient le même discours :
Une méconnaissance du statut de policier municipal, voilà ce qui ressort finalement de ce procès, selon [le président du SNPM]. Le même jour, Frédéric Foncel était justement reçu au ministère de l’Intérieur pour réclamer « une doctrine d’emploi ». « Il faut que nos missions soient clairement définies aux yeux des maires. On intervient de la même manière que les nationaux sans en avoir les moyens. » [22] Le débat sur l’armement et la reconnaissance du métier est de nouveau relancé. [23]
En la matière, ce sont les missions qui déterminent actuellement l’armement et non l’inverse [24]. D’ailleurs, la police municipale de Beauvais n’est nullement désarmée :
À Beauvais, les 50 agents sont déjà bien dotés « C’est à l’appréciation de chaque collectivité. Le maire en fait la demande et le préfet autorise. On a la chance d’avoir un maire qui nous écoute. » Les policiers ont un équipement personnel constitué d’un gilet par balle, une bombe lacrymogène, un tonfa et pour la brigade de nuit, un flash ball. L’an dernier, à travers la commission d’hygiène et de sécurité, la police municipale de Beauvais a obtenu des films protecteurs sur les vitres de leurs véhicules pour éviter les éclats de verre, ainsi qu’un casque et un bouclier de protection. [25]
Lanceur de balles de défense (LBD) de type Flash-Ball, casque, bouclier… donc du matériel de maintien de l’ordre alors que celui-ci est interdit aux polices municipales comme le rappelle une circulaire ministérielle en date du 20 juillet dernier. Autre lieu, autres mœurs : « Le maire de Franconville, dans le Val-d’Oise, veut pourchasser les dealers et pour cela il souhaite que sa police soit équipée de Flash-Ball. Cette volonté affichée d’empiéter sur le domaine de la police nationale amène à s’interroger sur les missions de la police municipale et sur son armement. » [26]
Si l’utilité sociale des polices municipales est indéniable (là où elles existent, soit dans moins de 10 % des communes), les conditions d’emploi des APM interpellent ! La sécurité n’est pas l’alpha et l’oméga des polices municipales, au contraire ! Comme le démontrent les articles L2212-2 et L2212-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), c’est l’une des missions des polices municipales et non LA MISSION de ces dernières. Il est donc erroné de se focaliser uniquement sur celle-ci tout en négligeant le large panel des compétences municipales ; « La grande diversité des polices municipales découle des choix réalisés localement par les élus et s’oppose ainsi à une refonte statutaire nationale », dixit l’Inspection générale de l’administration (page 35). Par conséquent, il est urgent de rappeler non seulement les bases de la profession mais aussi et surtout de définir un mode d’emploi [27] tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution.
J’ai souvent lu ou entendu qu’un gardien de police municipale ne doit pas apparaître comme la pâle copie d’un gardien de la paix, que ce n’est pas un policier au rabais ou qu’il faut élever les polices municipales au rang de troisième force de l’ordre en France, agissant localement aux côtés des douanes, de la police et de la gendarmerie nationales. Ce sont d’ailleurs des revendications récurrentes de la part de ces fonctionnaires territoriaux. Après tout, pourquoi pas ? Mais alors quel est l’intérêt pour les policiers municipaux de plagier délibérément la police nationale, de se référer continuellement à cette dernière, de revendiquer obstinément un alignement sur celle-ci, de ne voir que par elle et à travers elle pour, au final, apparaître comme une force supplétive de la police nationale, pis un succédané à son désengagement [28] ? Ces fonctionnaires territoriaux ne devraient-ils pas, au contraire, cultiver leur particularité faite de proximité et de diversité afin de se constituer une identité propre, surtout que leurs effectifs stagnent ces dernières années en raison de la crise financière qui frappe les collectivités ? Ces agents municipaux auraient tort de renier la prévention, fibre originelle de leur métier, pour une répression aveugle et de se couper ainsi de la population, perdant par la même occasion ce qui fait aujourd’hui leur légitimité, voire leur raison d’être, à savoir la proximité tant vantée, pour ne pas dire revendiquée, puisque plus rien ne les différencierait alors des forces étatiques. C’est d’ailleurs la conclusion unanime de ceux qui se sont penchés sur la réalité et l’avenir des polices municipales : le préfet feu Jean Ambroggiani, l’Inspection générale de l’administration (IGA), Virginie Malochet…
[1] Pauline Conradsson, « Policiers renversés : peine allégée pour le conducteur » in Le Parisien, 8 septembre 2011.
[2] USPPM, « Lamentable… » in Le Post.fr, 8 septembre 2011.
http://www.lepost.fr/article/2011/09/08/2585206_lamentabl...
[3] Pauline Conradsson, « Policiers renversés : peine allégée pour le conducteur » in Le Parisien, 8 septembre 2011.
[4] Membre de l’UMP, Caroline Cayeux a été élue présidente déléguée de la Fédération des maires des villes moyennes (20 000 à 100 000 habitants) en juin 2011. Fin 2010, la maire de Beauvais, proche de François Fillon, fut pressentie un temps pour intégrer son gouvernement lors du remaniement imposé par le départ d’Eric Woerth, ministre du Travail et maire de Chantilly, affaibli par l’affaire Bettencourt. Las pour l’édile, la rumeur ne s’est pas concrétisée.
[5] « Police municipale : un statut dérogatoire » in Le Courrier picard, mercredi 15 septembre 2011.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[6] « Un jeune renverse deux policiers municipaux » in Le Parisien, 13 septembre 2010.
http://www.leparisien.fr/oise-60/un-jeune-renverse-deux-policiers-municipaux-13-09-2010-1065503.php
[7] Khalid Garaa, « Beauvais : Christopher jugé ce mardi après-midi » in L’Observateur de Beauvais, 28 septembre 2010.
http://www.lobservateurdebeauvais.fr/28092010Beauvais--Christopher-juge-ce-mardi-apres-midi,6097.media?a=3620
[8] Florence Aubenas, « Marqué Outreau » in Libération, 17 février 2006.
http://www.liberation.fr/portrait/010139253-marque-outreau
[9] Khalid Garaa, « Beauvais : Me Collard assurera la défense de deux des policiers blessés. » in L’Observateur de Beauvais, 15 septembre 2010.
[10] « Les syndicats mettent la pression sur les élus pour obtenir des armes » in Le Courrier picard, mercredi 15 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Didier-Ils-voulaient-juste-tuer-du-flic/Les-syndicats-mettent-la-pression-sur-les-elus-pour-obtenir-des-armes
[11] « Pneu crevé, peine gonflée » in Les Dernières Nouvelles d’Alsace, mardi 6 septembre 2011.
http://sitemap.dna.fr/articles/201109/06/pneu-creve-peine...
[12] Annick Koscielniak, « Béziers. Un an ferme pour avoir foncé sur les fonctionnaires de police » in Le Midi libre, 6 septembre 2011.
[13] Mélanie Carnot et Gabriel Thierry, « BEAUVAIS Agression des policiers : 18 mois ferme requis » in Le Courrier picard, mercredi 29 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[14] Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Policier municipal : "un statut bâtard" » in Le Courrier picard, jeudi 30 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[15] Une astuce permet de contourner légalement cet obstacle juridique dans un cas précis, celui d’un contrôle routier. Les articles L.130-4 et R.130-2 du Code de la route permettent, en effet, aux agents de police municipale (APM) de constater par procès verbal l’ensemble des contraventions à l'exception de celles prévues aux articles R.121-1 à R.121-5, R.221-18, R.222-2, R.222-3, R.234-1, R.314-2, R.411-32, R.412-17, R.412-51, R.412-52, R.413-15. Or, en s’appuyant sur l’article R.233-1 du Code de la route, les APM peuvent ni plus ni moins procéder à un contrôle d’identité ; les informations inscrites sur le permis de conduire ne révèlent-elles pas notre identité ? Ainsi, ces fonctionnaires territoriaux ne sont-ils plus entravés par l’impératif d’une infraction préalable*, condition obligatoire au relevé d’identité. C’est une manière de contourner très habilement l’article 78-6 du Code de procédure pénale. Par contre, au vu des articles 78-2-2 à 78-2-4, les APM ne peuvent pas procéder à la visite des véhicules contrôlés.
* Voir la question n°43491 de Jean-Claude Perez, député socialiste de l’Aude, en 2004.
http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-43491QE.htm
[16] Le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositions relatives aux polices municipales dans la Loppsi 2 : les articles 91 et 92. Le premier prévoyait d’accorder le statut d’APJ (agent de police judiciaire) aux directeurs de police municipale, disposition que le Conseil a jugée contraire à l’article 66 de la Constitution, selon lequel la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. Le second autorisait les APM à participer à des contrôles d’identité, effectués sous l’autorité d’un OPJ (officier de police judiciaire). Selon les Sages, les policiers municipaux relevant des autorités communales ne peuvent être mis à disposition des OPJ. Par contre, ils ont validé l’article 93, qui stipule que les APM peuvent effectuer des contrôles d’alcoolémie dans le cadre de contrôles routiers à l’initiative d’un OPJ de la police ou gendarmerie nationales.
[17] Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Policier municipal : "un statut bâtard" » in Le Courrier picard, jeudi 30 septembre 2010.
[18] Question n°76155 d’Alain Bocquet, député communiste du Nord, du 18 octobre 2005 (12ème législature).
http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-76155QE.htm
[19] Gautier Lecardonnel, « Beauvais. Une simple amende pour avoir foncé sur les policiers » in Le Courrier Picard, jeudi 8 septembre 2011.
[20] Gautier Lecardonnel et Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Violences contre des policiers municipaux : "Il n’a pas voulu les blesser" » in Le Courrier picard, vendredi 9 septembre 2011.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[21] F.D., « BEAUVAIS Un délégué syndical FO au chevet des policiers blessés » in Le Courrier picard, vendredi 17 septembre 2010.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...
[22] Laurent Opsomer, « Polices municipales : mythes et réalités » in Double Neuf, 2 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/02/polices-municipales-mythes-et-realites.html
[23] Gautier Lecardonnel et Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Violences contre des policiers municipaux : "Il n’a pas voulu les blesser" » in Le Courrier picard, vendredi 9 septembre 2011.
[24] Laurent Opsomer, « Faut-il armer les polices municipales ? » in Double Neuf, 16 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/16/faut-il-armer-les-polices-municipales.html
[25] F.D., « BEAUVAIS Un délégué syndical FO au chevet des policiers blessés » in Le Courrier picard, vendredi 17 septembre 2010.
[26] Georges Moréas, « L’essor de la police municipale » in Police et cetera, 17 juin 2009.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/06/17/lessor-de-la-police-municipale/
[27] Georges Moréas, « Police municipale : à quand un mode d’emploi ? » in Police et cetera, 30 novembre 2009.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/11/30/police-municipale-a-quand-un-mode-demploi/
[28] APVF, « Etude sur les polices municipales des petites villes de France : Quelle police municipale pour demain ? », 26 janvier 2011.
http://www.apvf.asso.fr/files/notes-techniques/Resultats-questionnaire-police-municipale.pdf
Selon l’Association des petites villes de France (APVF), « les résultats démontrent une forte corrélation entre la réduction des effectifs de sécurité de l’Etat et le recrutement des policiers municipaux. Il s’agit là d’un nouvel exemple de transfert de charges insidieux de l’Etat vers les communes, alors même que les attentes de la population en matière de sécurité n’ont pas diminué. Dans ces conditions, l’APVF appelle une nouvelle fois l’Etat à ne pas se défausser de ses compétences régaliennes sur les collectivités en matière de sécurité. Elle demande à l’Etat de mieux assurer l’intégralité des missions que la loi lui confie dans ce domaine. La "coproduction" souhaitable et nécessaire en matière de lutte contre la délinquance et l’insécurité ne doit pas aboutir à la confusion des moyens sur le terrain. »
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27/06/2011
POLICES MUNICIPALES : L’ARROSEUR ARROSÉ ?
« Souriez, vous êtes filmés ! » [1] Qui n’a jamais lu cet avertissement tant la vidéosurveillance, pardon vidéoprotection [2] s’est banalisée au quotidien [3] ? Passons sur les garanties insuffisantes de protection de la vie privée [4], le coût d’un tel système [5] ou, plus simplement, son inefficacité [6], la mode est, pour reprendre les propos de Jean-Pierre Bouquet, maire socialiste de Vitry-le-François (Marne), à « Une vidéosurveillance citoyenne : chaque citoyen doit savoir qu’il peut être filmé et avoir confiance dans le dispositif » [7]. D’ailleurs, Brice Hortefeux, alors sinistre, pardon ministre de l’Intérieur, ne s’est-il pas prononcé en ce sens le 9 septembre 2009 lors d’un déplacement à Sartrouville (Yvelines) ?
Si vous n’avez rien à vous reprocher,
vous n’avez pas à avoir peur d’être filmés !
L’ancien ministre de l’Intérieur avait alors déclaré : « Je suis naturellement attaché à la préservation des libertés individuelles. Je le dis clairement, et chacun peut le voir, la vidéo, c'est de la protection avant d'être de la surveillance. Les caméras ne sont pas intrusives, elles ne sont pas là pour épier, mais pour protéger. […] Vous le savez, les caméras de protection font déjà partie de notre quotidien : lorsque vous faites vos courses au supermarché, lorsque vous retirez de l'argent au guichet de votre banque ou que vous utilisez les transports en commun, vous êtes filmés, vous le savez déjà. Qui cela dérange t-il ? […] Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'avez pas à avoir peur d'être filmés ! Pour les gendarmes et policiers eux-mêmes, la vidéo-protection constitue aussi un élément sécurisant pendant les interventions » [8], sans oublier ce raisonnement confondant, cet argument massue, cette arme absolue : « Instaurer la vidéo-protection, c'est identifier les fauteurs de troubles, c'est décourager les délinquants ; c'est, surtout, veiller sur les honnêtes gens », sous-entendu si vous êtes contre, vous êtes forcémentdans le camp des méchants, des voleurs, des violeurs et autres criminels sanguinaires, voire vous êtes un délinquant vous-même ou en passe de le devenir… Bref, une vision particulièrement manichéenne, d’autant que selon le ministère de l’Intérieur, « Il n'est pas effectué de corrélation nationale entre l'existence de dispositifs de vidéoprotection et leur impact sur les crimes et délits commis sur la voie publique, ainsi que les taux d'élucidation. » [9]
Néanmoins, comme le souligne Le Télégramme, Les caméras de surveillance gagnent du terrain [10] et transcendent les clivages politiques [11]. Le quotidien breton avance quelques raisons à cette évolution : « C'est peut-être, en partie, la conséquence de la volonté affichée du gouvernement de tripler le nombre de caméras en France (de 20.000 à 60.000). Installations pouvant être financées par de copieuses subventions allant de 20 à 50%. S'ajoute à cela un vrai travail de VRP engagé par la police et la gendarmerie qui ne manquent pas une occasion de vanter les mérites de la vidéosurveillance lors des rendez-vous avec les élus » ; les grands commis de l’Etat sont également mis à contribution : le préfet de l’Ain, Philippe Galli, par exemple, ne désespère pas de convaincre le maire de Bourg-en-Bresse à ce propos [12].
La police municipale a les yeux partout
Même si Jean-Louis Del Pistoia, délégué départemental de l’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) à la Réunion, « regrette que le policier municipal "ne soit pas vraiment un policier aujourd’hui" » [13], la police municipale a souvent la charge de ces systèmes de surveillance, enregistrant les moindres faits et gestes des passants.Or, s’ils acceptent volontiers de surveiller leurs compatriotes, les agents de police municipale, à l’inverse, ne semblent pas supporter d’être sous l’œil des caméras, ni contestés par ces dernières d’ailleurs [14]. Le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC) vient ainsi de dénoncer une dérive liée à l'utilisation du système de géolocalisation et des caméras de surveillance aux dépens d’agents de Vitrolles (Bouches-du-Rhône) [15], évoquant « les limites à ne pas franchir pour ne pas toucher à un pilier de notre démocratie: LA LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR.... » ; ce débat a déjà agité la police nationale [16].
La polémique a éclaté à l'occasion d'une demande de sanctions à l'encontre d'une patrouille de trois policiers, a expliqué Frédéric Foncel, président du SNPM [17], qui affirme vouloir saisir prochainement le procureur de la République. « On est tombé sur des rapports extrêmement précis. À la minute près, on suivait le fonctionnaire », a-t-il dit, dénonçant un détournement de la finalité des caméras de vidéoprotection et des dispositifs de géolocalisation embarqués dans les véhicules ou sur les radios des policiers [18]. Des faits déjà dénoncés sous d’autres cieux : à Colmar, les syndicats locaux (SNPM-CFTC, FA-FPT et CFDT) dénoncèrent à l’automne 2010 un « usage abusif d’images de la vidéosurveillance » [19]. À Cannes, en 2004, l’intersyndicale (CGT, SNPM-CFTC et UNAPM-CGC) s’éleva contre la mise en place de caméras de surveillance dans les couloirs et les locaux de la police municipale, qui donnait le sentiment aux municipaux d'être eux-mêmes constamment sous surveillance [20]. Pourtant, ces agents ne devraient-ils pas être convaincus que, comme la population, ils « ne sont pas sous surveillance, ils sont sous protection », comme l’affirment Xavier Lagasse chef de service et de son adjoint Fabrice Mathieu au bureau de la police municipale de Carcassonne [21] ? Mieux, « Les policiers municipaux disent qu'ils ont gagné en rayon d'action et en rapidité d'intervention. C'était le but recherché pour améliorer la capacité opérationnelle sur le terrain ». Quid alors de la conclusion sans appel de l’ancien ministre de l’Intérieur : « Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez pas à avoir peur d’être filmés » ? À moins qu’ils n’aient lu (ou relu) François Brune qui concluait en 2000 que « Partout où Big Brother menace, demeurer rebelle reste le seul moyen de demeurer humain. » [22]
[1] L’association Souriez vous êtes filmés
Collectif Paris sans vidéosurveillance
http://www.paris-sans-videosurveillance.fr/
[2] La « vidéoprotection » remplace la « vidéosurveillance » (première ligne de l'article 17 de la Loppsi 2). Or, l’éditorial de La Lettre d’information des professionnels de la sécurité, police du 26 juillet 2008, réalisé par Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et enseignant, précisait, pourtant, que «Parler de vidéoprotection constitue une erreur : cela revient à confondre les objectifs (protéger) et les moyens (capture d'images à distance et transmission à un PC ou exploitation a posteriori). Le titre cherche à légitimer une technologie en la rebaptisant : protection est connoté positivement et surveillance... négativement. Or, la technique permet bien de surveiller. Permet-elle de protéger ?». Il précise, en outre, que « s’il n'y a pas d'études sur l'efficacité de la vidéo en France, c'est parce que les pouvoirs publics dont l'Inhes (Institut national des hautes études de sécurité) n'ont pas souhaité en financer ». En résumé, circulez ! Il n’y a rien à voir !
Sebastian Roché, « Vidéosurveillance : la grande désillusion » in La Lettre d’information des professionnels de la sécurité, police n°93, 26 juillet 2008
[3] Marie Piquemal, « Les caméras se sont insidieusement installées dans le quotidien des gens » in Libération, 17 août 2007.
É.W., « Daniel Lejeune : "Les mentalités évoluent" » in La Voix du Nord, 17 avril 2010.
Delphine Pommier, « La vidéoprotection entrée dans les mœurs ? » in Nord Éclair, 4 septembre 2010.
http://www.nordeclair.fr/Locales/Roubaix/2010/09/04/la-videoprotection-entree-dans-les-moeur.shtml
[4] Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), « Vidéosurveillance : des garanties insuffisantes de protection de la vie privée conduisent le Conseil Constitutionnel à censurer la transmission d'images d'immeubles d'habitation », 26 février 2010.
Conseil constitutionnel, décision n°2010-604 DC du 25 février 2010
[5] Laurent Mucchielli, « La "vidéoprotection", une gabegie » in Vous avez dit sécurité ?, 31 mai 2011.
[6] Jacky Durand, « Sécurité : "Le mirage technologique" » in Libération, 15 octobre 2005.
http://www.liberation.fr/societe/0101545081-securite-le-mirage-technologique
Jacky Durand, « Des caméras peu efficaces pour prévenir la délinquance » in Libération, 10 juillet 2007.
http://www.liberation.fr/societe/0101107046-des-cameras-peu-efficaces-pour-prevenir-la-delinquance
Noé Le Blanc, « Sous l’œil myope des caméras » in Le Monde diplomatique, septembre 2008.
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/09/LE_BLANC/16294
« Sécurité : le point de vue d’un spécialiste » in Saint-Jeannet Demain, 11 novembre 2009.
http://sjd.typepad.fr/sjdemain/2009/11/s%C3%A9curit%C3%A9-le-point-de-vue-dun-sp%C3%A9cialiste.html
Philippe Madelin, « Vidéosurveillance : les questions » in Dans le secret des faits – Philippe Madelin, 23 novembre 2009.
http://phmadelin.wordpress.com/2009/11/23/video-surveillance-les-questions/
Georges Moréas, « Police municipale : à quand un mode d’emploi ? » in Police et cetera, 30 novembre 2009.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/11/30/police-municipale-a-quand-un-mode-demploi/
Jacky Durand, « Un jeu de dupes entre Etat et élus » in Libération, 10 décembre 2009.
http://www.liberation.fr/societe/0101607729-un-jeu-de-dupes-entre-etat-et-elus
« Vidéosurveillance : le dossier » in Délinquance, justice et autres questions de société, 6 mai 2010.
http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2010/04/30/Vid%C3%A9osurveillance-%3A-le-dossier
Jean-Marc Manach, « L’impact de la vidéosurveillance est de l’ordre de 1 % » in Bug Brother, 28 juillet 2010.
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2010/07/28/limpact-de-la-videosurveillance-est-de-lordre-de-1/
Jef Tombeur, « Vidéosurveillance : un marché de dupes ?» in C4N, 25 août 2010.
http://www.come4news.com/videosurveillance-un-marche-de-dupes-286910
Robin D’Angelo, « On a testé les caméras de surveillance de Levallois-Perret » in Street Press, 8 septembre 2010.
http://www.streetpress.com/sujet/997-on-a-teste-les-cameras-de-surveillance-de-levallois-perret
Christine Tréguier, « Le leurre de la vidéoprévention » in Politis, 24 février 2011.
http://www.politis.fr/De-quels-droits-Le-leurre-de-la,13155.html
[7] « Souriez, vous êtes filmés » in J’habite Vitry-le-François & ses environs, 23 avril 2010.
http://jhabite.vitry.over-blog.fr/article-souriez-vous-etes-filmez-49101783.html
[8] Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, « Co-financement de la vidéo-protection sur 75 sites prioritaires », Sartrouville, le mercredi 9 septembre 2009.
http://www.interieur.gouv.fr/sections/le_ministre/interventions/co-financement-video-protection
[9] Question n°45768 de Pierre Morel-A-L’Huissier, député UMP de Lozère, 31 mars 2009.
http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-45768QE.htm
[10] « Bretagne. Les caméras de vidéosurveillance gagnent du terrain » in Le Télégramme, 18 septembre 2009.
[11] Michel Deléan, « Mucchielli : "La couleur politique du maire n’est pas déterminante" » in Le Journal du Dimanche, 15 Août 2010
[12] S.A., « Vidéosurveillance : "Je ne désespère pas de convaincre le maire de Bourg" » in Le Progrès, 15 avril 2011.
[13] Mélanie Roddier, « Le policier municipal, "pas vraiment un policier" » in Zinfos974, 20 mai 2011.
http://www.zinfos974.com/Le-policier-municipal-pas-vraiment-un-policier_a28842.html
[14] Laurent Opsomer, « Sécurité : le lobbying des policiers municipaux » in Dans le secret des faits – Philippe Madelin, 26 janvier 2009.
http://phmadelin.wordpress.com/2009/01/26/securite-le-lobbying-des-policiers-municipaux/
[15] SNPM, « Dérives à la Police Municipale de Vitrolles (13) » in Le Post, 25 juin 2011.
http://www.lepost.fr/article/2011/06/25/2533221_derives-a-la-police-municipale-de-vitrolles-13.html
[16]Marie-Eve Wilson-Jamin, « La police fliquée ? » in France Soir, 5 septembre 2007.
http://www.francesoir.fr/actualite/societe/police-fliquee-20392.html
[17] Laurent Opsomer, « Polices municipales : la salade niçoise » in Double Neuf, 22 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/18/polices-municipales-la-salade-nicoise.html
[18] L.D., « Des policiers municipaux "fliqués" par la vidéosurveillance ? » in TF1 News, 25 juin 2011.
[19] Clément Tonnot, « Colmar. La police municipale dénonce des dérapages » in L’Alsace, 19 octobre 2010.
[20] Philippe Jérôme, « Les flics de Cannes ne veulent pas être fliqués »in L’Humanité, 1er décembre 2004.
http://humanite.fr/node/303696
[21] Christian Aniort, « Carcassonne. La police municipale a les yeux partout » in La dépêche du Midi, 29 juillet 2009.
[22] François Brune, « Rebelle à Big Brother » in Le Monde diplomatique, octobre 2000.
http://www.monde-diplomatique.fr/2000/10/BRUNE/14327
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