05/02/2012
SNPM : UN SÉISME SYNDICAL ?
« La loi de 2008 va rebattre les cartes entre les syndicats », écrivait sur son blog Michel Noblecourt, éditorialiste au Monde, le 14 novembre dernier. [1] La loi du 20 août 2008 sur la réforme de la représentativité syndicale bouleverse, en effet, profondément et durablement le paysage syndical puisqu’elle « définit sept critères – au lieu de cinq – qu’un syndicat doit satisfaire pour être représentatif : le "respect des valeurs républicaines"; l’indépendance; la transparence financière; l’ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel; l’audience électorale; l’influence, "caractérisée par l’activité et l’expérience"; les effectifs d’adhérents et le versement de cotisations. Ces critères sont cumulatifs, mais celui de l’audience est jugé de facto prééminent. »
« Quand le navire doit sombrer, les rats sont les premiers à le quitter. »
Fiodor Dostoïevski, Les Démons
Bien que menacée dans son existence par la réforme de la représentativité, « La CFTC veut croire en son avenir […]. Et survivre seule. » [2] Las, face à la tempête, des branches se désolidarisent déjà de la centrale chrétienne. Ainsi, le 11 décembre 2011, le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM) annonce sa désaffiliation de la CFTC et son affiliation à Force ouvrière (FO), décision entérinée le 28 du même mois lors d’une assemblée générale extraordinaire réunie à Aix-en-Provence, conformément aux vœux de son président Frédéric Foncel, qui explique cette nouvelle orientation en ces termes :
Nombre d’entre nous ont pu constater depuis un temps certain que la structure de la FNACT/CFTC devenait trop étroite et qu'elle ne répondait plus à nos attentes, vis-à-vis de toute la dynamique que vous insufflez quotidiennement sur le terrain et qui a produit les résultats dont nous nous félicitons.
A l’heure d’une remise en cause massive et inéluctable du paysage syndical du à la future représentativité, il nous fallait réagir et donner à notre syndicat la possibilité de continuer à répondre aux demandes toujours plus nombreuses ainsi que la véritable dimension que mérite le SNPM auprès des Policiers Municipaux et des instances dirigeantes.
Nous avons donc évalué les différentes possibilités qui s’offraient à nous, et la seule structure émergente et constituée pour durer dans le temps, en adéquation avec notre philosophie est le Syndicat FO. [3]
Si cette évolution respecte à la lettre les statuts du SNPM, on peut, néanmoins, lire ce commentaire vengeur sur le site du SNPM Picardie :
Bien entendu ! Je suis allé me plaindre à Aix. On était à peine 25. Donc 20 qui ont voté oui !!!!! Le reste c'était des pouvoirs en blanc, et un collègue du bureau m'a indiqué qu'ils ont reçu 150 démissions ! vive la CFTC !
Commentaire n°1 posté par kikoulol le 10/01/2012 à 15h52 [4]
Adieu SNPM-CFTC... Bonjour SNPM-FO !
La nouvelle entité syndicale, le SNPM-FO, a aussitôt suscité l’ire des syndicats dits « professionnels », même s’ils ne se faisaient en vérité aucune illusion à ce sujet. [5] Tandis que le Syndicat indépendant de la police municipale (SIPM) parle de « valet » et de « trahison » [6], le Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) évoque « la fusion de la honte ». Les propos de ce dernier sont particulièrement durs, pour ne pas dire insultants, voire diffamants :
Les cadres du SNPM prennent des décisions irresponsables pour la profession, ils vendent purement et simplement leur syndicat à F.O sous prétexte que cette centrale « anti-PM » devient le syndicat majoritaire dans la F.P.E. [7] alors qu'il y a beaucoup à dire concernant la concertation avec leurs adhérents. […] Les policiers municipaux n'ont pas besoin de saboteurs, ils sont suffisamment nombreux comme cela, il n'est donc pas nécessaire que d'autres viennent grossir une bande de renégats ! […] Les policiers municipaux ne doivent pas se laisser berner par certains représentants et conseillers du SNPM. Depuis que Dominique Martin a quitté la Présidence ce syndicat, c'est une véritable pagaille au SNPM ; L'ex-futur candidat à la charge de Président de la République aurait dû continuer son tour de France en camping-car et laisser la Présidence de ce syndicat à un vrai professionnel. […] Le S.D.P.M dénonce et continuera à dénoncer les manigances des fossoyeurs que cela plaise ou non ! […] Il est temps que les policiers municipaux réagissent et rejoignent les rangs de ceux qui défendent réellement leurs intérêts. Rester dans l'ombre ou cautionner les décisions des syndicats félons c'est aller vers une mort certaine, à nous policiers municipaux de décider de notre avenir. [8]
L’engeance du SDPM ne doit pas cacher la dure réalité syndicale : la réforme de la représentativité exclue définitivement des négociations professionnelles toutes les instances syndicales qui ne répondent pas aux critères imposés. En résumé, les exclus peuvent bien fulminer, s’égosiller, vitupérer, le couperet est tombé. [9] L’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) semble d’ailleurs avoir acté cet irrémédiable bouleversement :
Pour Bernard Vellutini [président de l’USPPM], qui a pris acte du récent éclatement de l’intersyndicale, il ne peut pas exclure un éventuel rapprochement, sans parler pour l’heure d’alliance ou d’accord, avec les membres de la nouvelle coordination syndicale (FO – FAFPT – SNPM – UNSA), l’USPPM étant exclue des négociations. [10]
De son côté, dans un communiqué en date du 16 janvier 2012, la fédération Force ouvrière des personnels des services publics et des services de santé « remercie les adhérents du syndicat national de la police municipale, de leur décision prise lors de l’assemblée générale du 28 décembre 2011, de s’affilier à Force Ouvrière », alléguant au passage qu’« Ainsi, le SNPM-FO devient la première organisation syndicale de la police municipale » (assertion qui fera bondir une fois de plus la concurrence). [11]
Néanmoins, au-delà des congratulations d’usage, le rapprochement du SNPM avec Force ouvrière interpelle sur le fond et il n’est pas inutile de s’interroger à propos de la cohérence interne de FO suite à l'adhésion du SNPM en son sein.
En effet, comment se fait-il qu'une organisation syndicale récemment affiliée à la CFTC puisse aujourd'hui arborer les couleurs de Force ouvrière [12] alors même que le secrétaire national du Syndicat national des policiers municipaux est particulièrement proche de l'UMP ? [13] Ce basculement de droite à gauche peut se résumer en deux mots, contradictoires en apparence mais complémentaires dans les faits : opportunisme et efficience. Ainsi peut-on lire sur le site du SNPM-FO : « Affilié à FO, organisation syndicale représentative, le SNPM [sera] actif dans toutes les instances paritaires nationales (Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale, Conseil d'Administration, Conseil d'Orientation du CNFPT, à la Commission Consultative des Polices Municipales ...) ». [14]
Cependant, comment faire face aux contradictions, pour ne pas dire aux inévitables tensions entre ce syndicat municipal désormais FO et celui de la police nationale, Unité Police SGP-FO ? Ses anciens alliés, désormais opposants, tels que le SIPM et le SDPM rappellent délibérément les positions de cette dernière organisation à l’encontre des polices municipales et les frictions ont été nombreuses entre le SNPM-CFTC et le SGP-FO. Ainsi, suite à un incident à Nîmes, la direction de la communication du SNPM lance un communiqué titré « HONTE À SGP-FO ». [15] De son côté, dans un communiqué établi à Saint-Cézaire-sur-Siagne en date du 10 juin 2011, le président du SNPM-CFTC, Frédéric Foncel, exprime son mécontentement à son homologue du SGP-FO : « la profession, que certains d'entre vous dénigrent mais incorporent dès que possible, est révoltée quant à l'attitude de votre section nîmoise. […] La Police Municipale est devenu irremplaçable que cela plaise ou NON à certains de vos délégués locaux. La mise en lumière du travail de chaque corps, de ses résultats, de ses bavures... ne doit pas entraîner les syndicalistes dans certaines dérives inacceptables. […] Veuillez recevoir, Monsieur le Président de SGP-FO, l'expression de l'écœurement le plus total de la majorité de la Profession et du premier syndicat chez les Policiers Municipaux ». Simultanément, celui-ci entretient des relations plus que cordiales avec le rival d’Unité Police SGP-FO, à savoir : le syndicat Alliance Police nationale comme le démontre le soutien répété et amical de Gérard Gaudiot à son « bien cher Président et Ami » du SNPM. [16]
Cela dit, la fédération Force Ouvrière des personnels des services publics et des services de santé, affirme qu’elle « apportera, comme elle le fait déjà pour ses unions nationales et ses syndicats nationaux, tout son soutien au SNPM, afin de continuer son expansion et ainsi faire aboutir les revendications légitimes des policiers municipaux. » Un soutien d’autant plus appréciable que les instances du SNPM justifient leur décision d’affiliation à FO en ces termes :
Cette décision n'est que la conséquence du manque de moyens que la FNACT/CFTC nous apporte : Pas une affiche FNACT, pas un autocollant, pas de service juridique, une protection juridique inexistante, personne pour nous aider dans nos démarches, très peu de lien avec les structures locales et pour finir des luttes intestines, des discordes, des règlements de compte dont de nombreux cadres FNACT/CFTC sont coutumiers ! [17]
Cet aveu sur la pauvreté des moyens du temps de la CFTC suscite l’ironie mordante du SIPM. [18] Néanmoins, dans son communiqué du 11 décembre dernier, Frédéric Foncel affirme en conclusion que « Le Syndicat National des Policiers Municipaux futur SNPM-FO restera donc une structure indépendante et libre, NOS REVENDICATIONS resteront totalement inchangées (moyens de protections et de ripostes (4eme cat) obligatoires, volet social, etc.) » non sans oublier de menacer ses contradicteurs de foudres judiciaires, tandis que Vianney Pabis, vice-président du SNPM, tance ces derniers en déclarant pouvoir « fièrement affirmer aujourd’hui, et cela depuis des années que les membres du SNPM se préoccupent de l’avenir des policiers municipaux et non pas de ce que pourra dire le SGP-FO, le SIPM, le SDPM ou toutes autres organisations qui ne défendent pas notre profession ». [19]
Pourtant, nul ne peut s’empêcher de s’interroger à ce propos : comment gérer les revendications du SNPM, particulièrement sur l'armement [20], et la position socialiste défendue notamment par Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère et Secrétaire national du PS chargé de la sécurité ? [21] Or, la proximité politique entre Force ouvrière et le Parti socialiste n’est un mystère pour personne. [22] Dès lors, comment sera résolu ce dilemme ? Déjà la question éminemment sensible de l’armement n’apparaît plus dans l’action de la nouvelle structure syndicale alors que le SNPM-CFTC en avait clairement fait son fer de lance.
Capture d’écran.
Source : http://www.snpm.mobi/index.php
Quid également du régime dérogatoire à celui de la Fonction publique territoriale (FPT), revendication pourtant portée depuis des années par le SNPM-CFTC ? [23]
Enfin, ultimes questions : pourquoi FO a-t-elle accepté en son sein le SNPM alors que les agents de police municipale n'ont pas à ce jour de représentation spécifique au sein de la FPT ? Le SNPM a-t-il intégré FO tout en demeurant « une structure indépendante et libre » comme l’affirme son président, ou sera-t-il phagocyté à terme par FO Territoriaux, qui représente l’ensemble des fonctionnaires et des agents de la FPT, policiers municipaux inclus ? [24] De son côté, la centrale chrétienne, prenant acte de « la dissolution du syndicat national de la police municipale (SNPM-CFTC), à la suite du départ de certains de ses dirigeants en décembre », a décidé de réunir les représentants CFTC le 10 février prochain, à Paris, pour réorganiser sa filière sécurité et refonder une nouvelle structure représentative. [25]
[1] Michel Noblecourt, « La loi de 2008 va rebattre les cartes entre les syndicats » in Question(s) sociale(s), 14 novembre 2011.
http://social.blog.lemonde.fr/2011/11/14/la-loi-de-2008-va-rebattre-les-cartes-entre-les-syndicats/
[2] Derek Perrotte, « La CFTC veut croire en son avenir » in Les Echos, 18 novembre 2011.
[3] SNPM-FO, « Affiliation du SNPM à la Fédération FO » in Le Post, 11 décembre 2011.
[4] SNPM-FO, « Le SNPM vient d’adopter son rattachement à Force ouvrière », jeudi 29 décembre 2011.
[5] SDPM, « Fusion du SNPM avec FO : le nom de domaine SNPM-FO a été déposé », lundi 28 novembre 2011.
[6] SIPM-FPIP, « SNPM-FO Valet du système ou la trahison d’un syndicat », samedi 3 décembre 2011.
http://www.euro-sipm.eu/article-snpm-fo-valet-du-systeme-ou-la-trahison-d-un-syndicat-91075932.html
[7] Derek Perrotte, « FO devient le premier syndicat dans la fonction publique d’Etat » in Les Echos, 28 novembre 2011.
[8] SDPM, « SNPM-FO : la fusion de la honte ! », 2 décembre 2011.
http://ddata.over-blog.com/3/83/18/00/snpm-fo.pdf
[9] À lire également :
Didier Porte, « Les syndicats catégoriels n’ont pas tous les droits » in Miroir Social, 10 février 2011.
http://www.miroirsocial.com/actualite/les-syndicats-categoriels-n-ont-pas-tous-les-droits
[10] « Lunel (34), pour Bernard Vellutini "il parait essentiel de réfléchir à l’opportunité de sortir du statut général de la fonction publique territoriale pour s’acheminer vers un statut dérogatoire" » in Ligne bleue, 15 septembre 2011.
[11] Fédération FO Public et Santé, « Police municipale : affiliation du syndicat national de la police municipale », lundi 16 janvier 2012.
[13] Laurent Opsomer, « Polices municipales : la salade niçoise » in Double Neuf, 22 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/18/polices-municipales-la-salade-nicoise.html
[14] SNPM-FO, Historique
http://www.snpm.mobi/index.php?option=com_content&view=article&id=3&Itemid=3
[15] SNPM-CFTC, « Honte à SGP-FO contre la remise de décoration aux policiers municipaux de Nîmes par Claude Guéant » in Le Post, 1er juin 2011.
[16] « Attaque du Procureur de la République de Nice conte la police municipale – Réaction de Gérard GAUDIOT du Syndicat ALLIANCE - POLICE NATIONALE » in SNPM, 27 octobre 2011.
« Message de soutien de Gérard Gaudiot du Syndicat Alliance Police nationale » in SNPM-CFTC, 18 juin 2011.
[17] SNPM-FO, « Le SNPM apporte des éléments de réponse… », samedi 3 décembre 2011.
http://snpmpicardie.over-blog.fr/article-le-snpm-apporte-des-elements-de-reponse-91085633.html
[18] SIPM-FPIP, « Le SNPM ne sert à rien, c’est le syndicat national de la police municipale qui le dit », mercredi 7 décembre 2011.
[19] SNPM-FO, « Le Syndicat National des Policiers Municipaux (Majoritaire) dénonce les bassesses de certaines petites organisations syndicales », 22 décembre 2011.
[20] Laurent Opsomer, « Faut-il armer les polices municipales ? » in Double Neuf, 16 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/16/faut-il-armer-les-polices-municipales.html
[21] Georges Moréas, « Une loi pour armer les policiers municipaux » in Police et cetera, 27 octobre 2011.
http://moreas.blog.lemonde.fr/2011/10/27/une-loi-pour-armer-les-policiers-municipaux/
« Police municipale. Les propositions de Jean-Jacques Urvoas passent mal » in Le Télégramme, 6 septembre 2011.
« Le Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC) s'est insurgé, lundi, contre des propositions du député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas. Dans son livre, le "M. sécurité" du Parti socialiste prône le retrait de leur uniforme et leur désarmement. Le syndicat parle de "mépris" pour les missions de la police municipale. »
SNPM-CFTC, « Jean-Jacques Urvoas : le Monsieur "INSÉCURITÉ" du Parti Socialiste » in Le Post, 7 septembre 2011.
[23] Alain Melcus, « SNPM-CFTC : 15 ans et tout l’avenir devant lui » in FNACT-CFTC, vendredi 29 février 2008.
Virginie Malochet, « Polices municipales, janvier-septembre 2011. Rétrospective d’une période riche en actualités » in Délinquance, justice et autres questions de société, 28 septembre 2011.
http://www.laurent-mucchielli.org/public/Polices_municipales_janvier-septembre_2011.pdf
[25] FNACT-CFTC, « Fin du SNPM-CFTC, début d’une nouvelle aventure pour les policiers municipaux », mercredi 18 janvier 2012.
FNACT-CFTC, « Dissolution du SNPM-CFTC : la CFTC réorganise sa filière sécurité », lundi 30 janvier 2012.
18:44 Publié dans Perso, Sécurité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : snpm, syndicat national des policiers municipaux, fo, force ouvrière, police municipale, cftc, représentativité syndicale, sipm, sdpm
22/06/2011
POLICES MUNICIPALES : LA SALADE NIÇOISE
La montagne a accouché d’une souris, telle est la conclusion des premières rencontres de la police municipale organisées à Nice, jeudi 16 juin 2011, sous la présidence de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur. D’ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement puisque l’intitulé même de cette manifestation était déjà erroné ! Il y avait, en effet, eu un précédent avec les premières assises nationales des polices municipales organisées à Châlons-sur-Saône le mardi 20 septembre 2005.
Présenté comme la grand-messe de la police municipale [1], le symposium niçois a sombré dans le burlesque, la fadaise rivalisant avec la galéjade. Hâbleur, le député-maire UMP de la cité azuréenne, Christian Estrosi, a, néanmoins, reconnu que « Cette action n’est pas neutre, elle rentre dans le cadre de la volonté présidentielle » [2]. Sous la plume de Jean-Marc Leclerc, Le Figaro surenchérit : « Le député maire UMP de Nice, Christian Estrosi, offrira jeudi dans sa ville une tribune de choix au ministre de l’intérieur qui doit présider les premières Rencontres nationales de la police municipale » [3]. Il est vrai, comme l’écrit pertinemment Eric Nunès, que « Pour le ministre de l’Intérieur, l’occasion est belle, à un an de l’élection présidentielle, d’opérer une tentative de rapprochement avec 18 000 policiers et une dizaine de milliers d’agents de surveillance [donc d’électeurs potentiels], autant d’acteurs des forces de proximité qui, depuis plusieurs années, s’estiment en manque de reconnaissance » [4]. D’ailleurs, le quotidien Nice Matin titre dans son édition du 17 juin 2011 : « Nice : Guéant en précampagne ». Las, aussi fidèle soit-il, Claude Guéant n’est pas Nicolas Sarkozy : il n’a ni la verve, ni le charisme de son champion, et cette opération de communication politique a tourné, au final, au naufrage, échouant sur le double écueil de l’armement et du volet social.
L’UMP et certaines organisations syndicales de police municipale n’avaient pourtant pas ménagé leurs efforts au cours des semaines précédentes ! Ainsi, se congratulant mutuellement, Christian Estrosi et Frédéric Foncel, agent territorial à Cannes et président du Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-CFTC), ont présenté conjointement l’initiative du maire de Nice lors d’une conférence de presse à Paris le 17 mai 2001 [5]. D’ailleurs, le SNPM se félicite d’avoir été reçu par l’UMP [6] et même à l’ÉLYSÉE [7] ! De son côté, le Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) encense Jean-Paul Garraud [8]. Député de la Gironde, cet ancien magistrat est l’un des membres fondateurs du collectif de la droite populaire et secrétaire national de l'UMP délégué à la Justice, pilier du noyau dur de la droite, réputé proche du pouvoir. A l’instar de Patrick Balkany [9], député-maire UMP de Levallois-Perret, ou d’Eric Ciotti, député UMP des Alpes-Maritimes et rapporteur de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (plus connue sous l’acronyme Loppsi 2), Jean-Paul Garraud réclame davantage de pouvoirs pour les policiers municipaux ; il souhaite voir les directeurs de police municipale passer OPJ (officiers de police judiciaire) et les policiers municipaux APJ (agents de police judiciaire) [10]. Il promeut également la création d’une police territoriale [11] et c’est dans cette perspective que l’a rencontré Cédric Michel, président du SDPM [12]. Ce projet est d’ailleurs jugé « très intéressant » et allant « dans le bon sens » par le Syndicat indépendant de la police municipale [13] (SIPM), affilié à la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP), qui s’était déjà positionné à ce propos [14]. Tandis que « Guéant et Estrosi vantent la police municipale » [15], Bruno Beschizza, secrétaire national de l'UMP chargé de l'emploi des forces de sécurité, affirme dans Le Figaro que « Le port d'arme pourrait devenir la règle » [16]. La presse s’emballe à son tour et les titres fleurissent à foison : « Guéant au chevet de la police municipale », annonce Europe 1. « La police municipale en mal de reconnaissance », déplore Nice Matin. Même plainte au Figaro : « Les policiers municipaux en quête de reconnaissance ». « Les polices municipales vont être musclées », écrit de son côté Joel Cossardeaux dans Les Echos, tandis que le journal L’Alsace déclare que « Le gouvernement serait prêt à armer les 20 000 policiers municipaux » et que La Dépêche du Midi s’interroge : « Faut-il armer la police municipale ? » La question ne se pose même pas pour Le Figaro : « Guéant va renforcer l’arsenal des polices municipales » !
Cependant, dans ce concert panégyrique, une voix manque à l’appel ou est inaudible : celle de Jean-Claude Bouchet, député-maire UMP de Cavaillon, pourtant intronisé secrétaire national de l’UMP (un de plus !) en charge des polices municipales [17] par Jean-François Copé, poste qui devait lui permettre « de mieux appréhender au niveau national les attentes et besoins de la profession » (sic).
MISE EN DEMEURE ET FIN DE NON-RECEVOIR
Néanmoins, les esprits s’échauffent tant l’irruption semble imminente : le Big One tant espéré se profile pour la profession ! L’ébullition est telle que Frédéric Foncel, président du SNPM-CFTC, adresse une véhémente mise en demeure au président de l’AMF (Association des maires de France) [18], Jacques Pélissard, député-maire UMP de Lons-le-Saunier dans le Jura. Certain d’avoir « des alliés tant politiques que spécialistes ou homologues » [19], il énonce ses exigences (notamment gilet pare-balles et armement de 4ème catégorie individuels et obligatoires, ISF automatique et portée au taux maximum pour tous les agents de police municipale, relèvement de l’indice terminal de la catégorie C, intégration des primes dans le calcul des droits à la retraite des policiers municipaux) sous la forme d’un ultimatum : « Monsieur le Président, nous mettons en demeure l’AMF de réviser ses réflexions, (non pas dans 6 mois, un an ou aux calendres grecques, mais immédiatement) sur la police municipale et sur les personnels qui la composent. […] nous osons espérer que le jeudi 16 juin 2011 à Nice, lors des Premières Rencontres Nationales de la Police Municipale organisées par Monsieur le Député-maire Christian ESTROSI, vous abonderez entièrement dans le sens des propositions de notre organisation syndicale qui ont vivement retenu l’attention de nombreux Maires et élus de tous bords. » Et le président du SNPM conclue sur un ton aigre-doux, voire menaçant : « Monsieur le Président, rappelez-vous que les policiers municipaux "de la France d’en bas" sont des fonctionnaires territoriaux et que dans l'avenir ils occuperont toujours leur poste… Ce qui n’est pas garanti pour tout élu quel qu’il soit, notamment les parlementaires !!! » Le président de l’AMF en tremble encore…
Alors que la tension semble avoir atteint son paroxysme, le SDPM remarque, non sans ironie, que « Certains adressent des "mises en demeure" qui certainement font trembler leurs destinataires (!!!), surtout que l'on ne voit pas très bien quels sont leurs recours en cas de non réponse, ou de refus... Pendant ce temps, le SDPM ne brasse pas de l'air : il démontre, une fois de plus, qu'il est le seul à réellement travailler en faveur des policiers municipaux, avec des actions concrètes. » [20]
On connaît la suite. Cependant,le SNPM n’en est pas à son coup d’essai. Ainsi, au mois de mars 2010, pouvait-on lire dans les colonnes du quotidien L’Union : « La municipalité [de Château-Thierry] est "mise en demeure de faire immédiatement supprimer l'appellation « police rurale » du service représenté par (votre) garde champêtre." L'injonction vient du SNPM-CFTC, le syndicat national des policiers municipaux. Ce dernier ne reconnaît pas la dénomination de « police rurale » qu'arbore fièrement Noël Scherrer, sur sa tenue de garde champêtre. […] Les représentants syndicaux de la police municipale militent pour la fusion des cadres d'emploi. Ils ont bien conscience que les villes de moyenne importance comme Château-Thierry, optent pour la création de postes de garde champêtre plutôt que d'une police municipale pour des raisons financières. » [21]
Par conséquent, beaucoup ont dû s’étrangler de rage ou d’indignation quand « quelques gardes champêtres (quatre) en tenue d’uniforme [ont gravi] les marches du Palais des congrès de Nice, avec une haie d’honneur d’agents de la Police municipale, moment d’émotion mais aussi de fierté » (dixit Paul Chevrier, garde champêtre de Valberg et Secrétaire général du Syndicat national autonome des gardes champêtres contemporains ou SNAGCC), d’autant qu’en aparté, le général de division David Galtier, de la DGGN, leur assura son soutien en ces termes : « Continuez ! La Gendarmerie a besoin des gardes champêtres ! » [22]
01:13 Publié dans Perso, Politique, Sécurité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nice, police municipale, claude guéant, christian estrosi, jean-marc leclerc, eric nunès, nicolas sarkozy, snpm, snpm-cftc, syndicat national des policiers municipaux, sdpm, syndicat de défense des policiers municipaux, jean-paul garraud, frédéric foncel, patrick balkany, éric ciotti, cédric michel, sipm, syndicat indépendant de la police municipale, fpip, fédération professionnelle indépendante de la police, bruno beschizza, joel cossardeaux, jean-claude bouchet, jean-françois copé, amf, association des maires de france, jacques pélissard, garde champêtre, police rurale, noël scherrer, paul chevrier, snagcc, syndicat national autonome des gardes champêtres, david galtier, iga, inspection général de l'administration