19/04/2013
MARIAGE POUR TOUS : UNE DROITE DÉBOUSSOLÉE
« Ce que vous faites ici est une brèche qui ne se refermera pas si ce texte passe, c'est absolument scandaleux (...), eh bien, moi, je vous accuse, mesdames et messieurs de la gauche (....), vous êtes en train d'assassiner des enfants ! » Ça, c'est ce qu'on a entendu de plus outrancier dans la bouche d'un élu de l’opposition, celle du député UMP du Rhône Philippe Cochet (à ne pas confondre avec Yves Cochet, député européen EELV). [1] En sus des propos délétères, les députés ont même failli en venir aux mains lors des débats sur le mariage pour tous. [2] Une pathétique tragicomédie politicienne qui n’honore pas l’Assemblée. Force est de constater que nombre de députés de l’UMP durcissent leur discours à ce sujet tant par conservatisme, voire étroitesse de vue, que sous la pression du Front national, principal bénéficiaire de la radicalisation d'une frange de l’opinion. [3] Une actualité qui fait curieusement écho aux propos de feu Jacques-Antoine Gau, député socialiste de l’Isère, stigmatisant en 1974 « la formidable campagne d’intimidation qui n’a cessé de se développer et de s’amplifier depuis la dernière discussion parlementaire, arriverait à réduire les partisans d’une solution libérale ! Les auteurs de cette campagne disposent de moyens sur l’origine desquels il est permis de s’interroger. […] Quelle mobilisation pour exercer sur l’opinion et sur les parlementaires ce qu’il faut bien appeler un véritable terrorisme intellectuel et moral ! De telles pressions sont intolérables et la dignité du Parlement exige qu’elles soient condamnées du haut de cette tribune. » [4] Cette violence au sein de l’hémicycle de la Représentation nationale rappelle, en effet, celle qui a présidé les débats sur l’avortement en novembre 1974. Aujourd’hui comme hier, ce sujet « suscite passions et réactions, déchaîne les controverses, pose de naturelles interrogations et il continuera sans doute à en poser. Il n’a jamais été franchement abordé, et donc jamais résolu » pour reprendre les propos d’Henry Berger, député gaulliste de la Côte-d’Or rapporteur des différents rapports relatifs à l’IVG, lors de la discussion du projet de loi sur l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) le 26 novembre 1974 qui soulignait déjà que « Toutes les compétences ont été sollicitées : médicales, juridiques, démographiques ou religieuses ». Un autre gaulliste, Albin Chalandon, soulignait à l’époque que « Prendre position dans ce débat au nom de l’Etat, c’est d’abord procéder à une ascèse : c’est oublier sa religion, sa métaphysique, sa morale même. L’Etat est neutre. Il est laïque. Il est dans le siècle. Son rôle est d’apporter une solution aux problèmes concrets tels qu’ils se posent dans la société et non pas tels qu’on voudrait qu’ils se posent. Et c’est un clérical catholique qui vous parle ! » [5] Des paroles que ne renierait pas aujourd’hui le rapporteur du projet de loi sur le mariage pour tous, Erwann Binet ; le député socialiste de l’Isère est catholique, père de cinq enfants, ancien scout et servant d’autel. [6]
En 1974, le débat sur l’IVG au palais Bourbon a duré quatre jours. [7] Le sujet suscite un tel intérêt qu’il est retransmis à la télévision. Simone Veil, ministre de la Santé, subit des attaques violentes et même des insultes multiples et répétées de nombreux députés au sein même de la majorité à laquelle elle appartient ! Les propos vont s’envenimer et souvent dépasser les limites du raisonnable. Ainsi, le 26 novembre 1974, le député René Feït, hostile à la loi sur l’IVG, fait entendre à la tribune de l'Assemblée un enregistrement des battements de cœur d'un fœtus avant de comparer l’avortement au génocide des juifs… [8] Aujourd’hui, la mode est plutôt aux ballerines esseulées. [9] Toutefois, que lit-on aujourd’hui sous la plume de Daniel Muraz du Courrier picard :
La radicalisation des mouvements de contestation est un air connu. Mais celle-ci devient, ici, nauséeuse, quand se mêlent les prières de rue de Civitas, les saluts hitlériens esquissés dans les derniers rassemblements, les appels sanguinaires d'une Frigide de plus en plus Barjot ou la prédiction d'une « guerre civile » par Christine Boutin. Et cela devient franchement inquiétant quand se libère une parole ouvertement homophobe et qu'apparaissent des agressions physiques.
La décision gouvernementale d'avancer le calendrier parlementaire a été ressentie - non sans raison - par les opposants comme un acte de mépris de plus. Si cette finesse tactique s'avère devenir la faute politique, la bienveillance ambiguë de l'UMP à l'égard des mouvements extrémistes qui fleurissent au cours de ce printemps français l'est encore plus. En participant à légitimer une mouvance à la logique de plus en plus factieuse. Le rose de la Manif pour tous vire singulièrement au noir. [10]
« Oui, mais voilà : le peuple gronde contre le régime, et donc contre Hollande et les socialistes, et c'est difficile, quand on est un leader de l'opposition, de résister à la tentation d'en faire trop », conclue Anna Cabana pour expliquer cette inquiétante dérive séditieuse, d’autant qu’il y aurait « Panique à l’Élysée » d’après la presse réactionnaire [11] qui dénonce « Ces Français qu’on bâillonne » ; Arnaud Folch précise aimablement que « Même si le FN est, aussi, un réceptacle des mécontentements de gauche, ses électeurs restent, quoi qu’on en dise, très majoritairement de droite ». [12]
Selon l’inénarrable Eric Zemmour, « Les Français rejettent Mai 68 » [13] mais les opposants au mariage homosexuel rêvent, aux dires d'Eric Branca, d’un « 1968 à l'envers », divaguant à haute voix d’un pouvoir aux abois. [14] N'est-ce pas là la contradiction d'une droite déboussolée (cf. l'introduction de François d'Orcival à ce propos). Il est vrai que les masques sont tombés : des fanatiques nous promettent du sang et des larmes. [15] D’ailleurs, le cardinal André Vingt-Trois conforte cette vision apocalyptique : selon l’archevêque de Paris, il « "se prépare une société de violence". Pour lui, il existe désormais une "fracture" entre le pouvoir civil et les chrétiens ». [16] Une représentation surannée tant elle évoque les luttes passées – et souvent perdues – entre la République et l’Eglise, notamment en matière de laïcité. Une déclaration affligeante également pour une majorité de catholiques confrontés à une hiérarchie ecclésiastique dogmatique et obtuse à ce sujet. [17] Une attitude très éloignée en vérité de la compassion du Christ envers les pauvres, les opprimés, les faibles, les parias et les étrangers, une caractéristique pourtant importante du ministère de Jésus. Une position, enfin, qui attriste François Vercelletto du quotidien Ouest-France, lequel constate que « le mariage pour tous commence à prendre un tour quasiment obsessionnel qui ne manque pas de m'interroger sur l'appréhension des véritables priorités pour un chrétien d'aujourd'hui », déplorant l’absence de « parole fraternelle envers les personnes homosexuelles » tout en dénonçant l’ostracisme dont sont victimes les « catholiques pratiquants qui sont favorables au mariage homosexuel ». [18] « Sommes-nous devenus fous ? », s’interroge de son côté Bruno Frappart dans les colonnes de La Croix : « Entendre parler de menace de "guerre civile", en ce moment, en France, à propos du mariage gay, voilà qui traduit bien le dérèglement des esprits. […] Car quand les mots dérapent, il existe toujours le risque que les choses les suivent et que la violence, de verbale, devienne concrète, palpable. Certains, d’ailleurs, ne s’y trompent pas, qui adoptent des méthodes musclées, physiques, où l’intimidation est la seule ligne politique. On ne compte plus les incidents, les interruptions de conférences, de débats provoqués par des groupuscules fascisants. » [19] Un constat que partage Hervé Favre de La Voix du Nord : « La violence verbale des opposants au mariage pour tous ne peut qu’encourager les agressions homophobes comme celle commise à Lille ». [20] Ces groupuscules d’extrême droite qui « cassent du pédé » oublient visiblement les précédents d’Ernst Röhm ou, plus près de nous, de Jörg Haider. [21] Toutefois, ce fantasme d’un « contre-Mai 68 » n’est pas l’apanage des extrémistes, même les modérés y songent comme le démontre Anna Cabana :
Mais même sans aller jusque-là, il y a ce parallèle violent dressé par Jean-Pierre Raffarin entre le climat actuel et Mai 68. L'ancien Premier ministre a déclaré avant-hier sur RTL : « On voit bien, pour parler à la de Gaulle, qu'il y a une menace de chienlit dans le pays. » Parler de « chienlit », en effet, ça sonne clairement comme une menace... [22]
Un climat de haine que des députés UMP attisent en invoquant un déni de démocratie, « un classique de l’histoire politique française » selon Jean-Yves Camus :
Quand la gauche détient le pouvoir, la droite ne remet pas en cause uniquement son projet politique mais sa légitimité démocratique même. Parler de « coup d’État » alors que le gouvernement ne fait qu’accélérer une procédure, c’est un vocabulaire totalement déconnecté de la réalité. Qu’on soit d’accord avec lui ou pas, le gouvernement reste dans le cadre démocratique. À moins qu’il ne faille considérer tous les exécutifs qui ont utilisé précédemment la procédure d’urgence comme illégitimes… [23]
« Le gouvernement fait un coup de force. Il n’a rien compris ? C'est la guerre civile qu'il veut ? », écrit avec provocation le député UMP de la Manche, Philippe Gosselin, sur Twitter le 12 avril 2013 (6 h 37) tandis que Guillaume Peltier, vice-président du mouvement et chef de file de « la droite forte », s’engage à abroger la loi sur le mariage pour tous si la droite revient au pouvoir en 2017. [24] Bien évidemment, comme disait Henri Queuille, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent… C’est d’ailleurs ce qu’observe Matthieu Deprieck de L’Express : « Le mariage gay devrait être adopté par le parlement ce mardi. Et plus l'issue de ce long débat approche, moins les élus UMP à promettre un retour en arrière en 2017 sont nombreux. » [25] Aussi notons-nous en conclusion cette remarque de Michel Urvoy sur son blog Politiquement chaud, le 15 avril dernier : sans les voix de la droite, le projet de loi ne passait pas au Sénat ! [26] Finalement, qui bâillonne qui ? Qui manipule qui ? Qui piège qui ? [27]
[1] Anna Cabana, « UMP, mariage gay, et "chienlit" : le risque d’en faire trop ! » in Le Point, 19 avril 2013.
http://www.lepoint.fr/politique/la-politique-par-anna-cab...
[2] « Mariage gay : bagarre dans l’hémicycle » in Le Point avec AFP, 19 avril 2013.
http://www.lepoint.fr/politique/mariage-gay-les-deputes-e...
[3] Isabelle Ficek, « La radicalisation de l’opinion profite au Front national » in Les Echos, 19 avril 2013.
http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/...
[4] Compte rendu des débats de la séance du 26 novembre 1974, 1re séance, page 7005.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/interruption/1974-11-26-1.pdf
[5] Compte rendu des débats de la séance du 26 novembre 1974, 2e séance, page 7027.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/interruption/1974-11-26-2.pdf
[6] Olivia Elkaim, « Erwann Binet, défenseur du mariage gay et catholique » in La Vie, 11 janvier 2013.
[7] Loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/interruption/sommaire.asp
[8] Compte rendu des débats de la séance du 26 novembre 1974, 2e séance, page 7029.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/interruption/1974-11-26-2.pdf
[9] Hélène Bekmezian, « Mariage pour tous : une ballerine met le feu à l’Assemblée » in Le Monde, 19 avril 2013.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/04/19/nouvelle...
[10] Daniel Muraz, « Le fond de l’air effraie » in Le Courrier picard, 19 avril 2013.
http://www.courrier-picard.fr/france-monde/le-fond-de-l-a...
[11] François d’Orcival, « Panique à l’Elysée » in Valeurs actuelles, 18 avril 2013.
http://www.valeursactuelles.com/panique-l%E2%80%99%C3%A9lys%C3%A9e20130417.html
[12] Arnaud Folch, « Ces Français qu’on bâillonne » in Valeurs actuelles, 18 avril 2013.
http://www.valeursactuelles.com/fran%C3%A7ais-qu%E2%80%99...
[13] Geoffroy Lejeune, « Eric Zemmour : "Les Français rejettent Mai 68 et veulent restaurer leur pays d’avant" » in Valeurs actuelles, 18 avril 2013.
http://www.valeursactuelles.com/%E2%80%9C-fran%C3%A7ais-r...
[14] Eric Branca, « 1968 à l’envers » in Valeurs actuelles, 18 avril 2013.
http://www.valeursactuelles.com/1968-l%E2%80%99envers2013...
Stéphanie Le Bars, « Mariage homosexuel : les opposants rêvent d’un "contre-Mai 68" » in Le Monde, 4 avril 2013.
Alain Auffray, « L’UMP joue la carte du raz-de-marée populaire » in Libération, 17 avril 2013.
http://www.liberation.fr/politiques/2013/04/17/l-ump-joue-la-carte-du-raz-de-maree-populaire_897029
[15] Julie Reynié, « Des anti-mariage pour tous prédisent "une guerre civile" » in RTL, 12 avril 2013.
http://www.rtl.fr/actualites/info/article/des-anti-mariag...
Dom Bochel Guégan, « Barjot promet le sang, Boutin la guerre civile : les masques sont tombés » in Le Plus, 13 avril 2013.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/818847-barjot-pr...
[16] Marie-Lucile Kubacki, « André Vingt-Trois : "Il se prépare une société de violence" » in La Vie, 16 avril 2013.
[17] « Mariage homosexuel : Mgr Pontier "sur la même position" que le cardinal Vingt-Trois » in Urbi&Orbi, 19 avril 2013.
http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/France/Mar...
[18] François Vercelletto, « Mgr Vingt-Trois me fait de la peine » in Etats d’âme, 16 avril 2013.
http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/04/16/mgr-vingt-trois-me-fait-de-la-peine.html
Aymeric Christensen, « Ces chrétiens qui défendent le mariage gay » in La Vie, 14 décembre 2012.
[19] Bruno Frappart, « Sommes-nous devenus fous ? » in La Croix, 19 avril 2013.
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Sommes-nous-deve...
[20] Hervé Favre, « Violence verbale, violence physique » in La Voix du Nord, vendredi 19 avril 2013.
[21] Abel Mestre et Caroline Monnot, « Mariage gay : ces groupuscules d’extrême droite aux méthodes violentes » in Le Monde, 19 avril 2013.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/19/mariag...
P. S. et B. DU., « Agression homophobe dans un bar gay du Vieux Lille : le patron évoque une montée de tension due au mariage pour tous » in La Voix du Nord, 19 avril 2013.
http://www.lavoixdunord.fr/region/agression-homophobe-dan...
[22] Anna Cabana, « UMP, mariage gay, et "chienlit" : le risque d’en faire trop ! » in Le Point, 19 avril 2013.
http://www.lepoint.fr/politique/la-politique-par-anna-cab...
[23] Laurent Mouloud, « Mariage pour tous. "On assiste au retour des réseaux catholiques traditionnalistes" selon Jean-Yves Camus » in L’Humanité, 15 avril 2013.
http://www.humanite.fr/societe/des-reseaux-catholiques-traditionalistes-520250
[24] Jean-Baptiste Garat, « Peltier : "Nous abrogerons le mariage pour tous" » in Le Figaro, 17 avril 2013.
http://www.lefigaro.fr/politique/2013/04/17/01002-20130417ARTFIG00563-peltier-nous-abrogerons-la-loi-sur-le-mariage-pour-tous.php
[25] Matthieu Deprieck, « Mariage pour tous : la droite est en train de lâcher l’idée de revenir dessus en 2017 » in L’Express, 19 avril 2013.
http://www.lexpress.fr/actualite/politique/mariage-pour-t...
[26] Michel Urvoy, « La droite fait voter… le mariage gay ! » in Politiquement chaud, 15 avril 2013.
http://politique.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/04/15/la-droite-fait-voter-le-mariage-gay.html
[27] Cécile Cornudet, « Mariage gay : le jeu du qui piège qui ? » in Les Echos, 18 avril 2013.
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18/04/2013
ENTENDEZ-VOUS DANS NOS CAMPAGNES…
18 avril 2013 : Bruille-Saint-Amand, commune où le FN est arrivé en tête avec 30,69 % au premier tour des élections présidentielles de 2012, loin devant François Hollande (20,35) et Nicolas Sarkozy (20,04).
Il n’y a pas d’élections cette année. Pourtant, les affiches du Front national fleurissent dans nos campagnes. [1] Le fait qu’elles soient dégradées ou non donne une indication sur la perméabilité de la population rurale aux thèses de l’extrême-droite. Franche adhésion ou passivité complice, la conclusion n’est pas aisée. Toutefois, force est de constater la progression du vote FN en milieu rural ces dernières années… alors qu’il n’y a pas de population immigrée dans ces contrées. [2] En sus de la xénophobie, il est vrai qu’aux ghettos urbains répondent des ghettos ruraux, eux-aussi confrontés au chômage et à la précarité, au repli identitaire et à l’enclavement (pas de voiture, pas de boulot), d’où une sensibilité accrue de ces « invisibles » aux discours populistes qui promettent une révolution nationale. [3]
[1] Arnaud Folch, « FN, le défi des municipales » in Valeurs actuelles, 27 septembre 2012.
http://www.valeursactuelles.com/politique/fn-d%C3%A9fi-des-municipales20120927.html
Vivien Vergnaud, « Le FN veut tout miser sur les municipales » in Le Journal du Dimanche, 23 septembre 2012.
http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Le-FN-veut-tout-miser-sur-les-municipales-559386
[2] Abel Mestre et Caroline Monnot, « Comment l’extrême droite a fait du "racisme anti-blanc" une arme politique » in Droites(s) extrême(s), 26 septembre 2012.
Comme le soulignait David Fontaine, « l’accusation de racisme comme paravent de son propre racisme, c’est l’argument classique des islamistes comme de l’extrême droite… » (Le Canard enchaîné n°4617 du 22 avril 2009) et ce, à la ville comme à la campagne.
[3] « Ce que révèle l’essor du Front national » in Le Monde, 26 avril 2012.
Emilie Lévêque, « Présidentielle : pourquoi ils ont voté Marine Le Pen » in L’Expansion, 23 avril 2012.
Elie Arié, « Et si l’électorat du FN avait voté en toute connaissance de cause ? » in Marianne, 3 mai 2012.
Nicolas Quint, « Vote FN, vote économique ? » in Résultat d’exploitation(s), 27 avril 2012.
Hélène Bekmezian et Alexandre Léchenet, « Pourquoi le vote FN progresse en milieu rural » in Le Monde, 5 mai 2012.
Sébastien Vignon, « Le FN en campagne. Les ressorts sociaux des votes frontistes en milieu rural » in Métropolitiques, 9 mai 2012.
http://www.metropolitiques.eu/Le-FN-en-campagne-Les-ressorts.html
Cyril Lemba, « Marine Le Pen et le vote rural : bienvenue dans la Sous-France » in Le Nouvel Observateur, 24 avril 2012.
« Pour la FNSEA, le vote Le Pen devient un vote d’adhésion » in 20 Minutes avec Reuters, 25 avril 2012.
http://www.20minutes.fr/ledirect/923381/fnsea-vote-pen-devient-vote-adhesion
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16/03/2013
APOCALYPSE OU AUTO-FLAGELLATION NÉVROTIQUE ?
Guillaume Larrivé, jeune député UMP de l’Yonne, s’épanche régulièrement dans les colonnes du magazine Valeurs actuelles, référence de la presse écrite de droite (et même au-delà). Selon cet énarque (un de plus), François Hollande « pêche par excès d’optimisme, il n’a pas compris que l’histoire est tragique. » [1] Il est vrai que cet ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy a une vision particulièrement sombre de l’avenir depuis la chute de son mentor aux dernières élections présidentielles. Cet épigone de la Droite forte s’est ainsi fendu d’une tribune sinistrement intitulée « Demain, la guerre civile ? » [2] Ce cassandre de la droite dure y dénonce « l’impuissance d’une classe politique perdue dans des querelles subalternes » (est-ce une allusion aux dissensions qui minent l’UMP ?), agitant le spectre de désordres sociaux, pis de débordements incontrôlés qui menaceraient l’Etat, donc in fine la République et notre démocratie ; reconnaissons que l’on trouve la même sinistrose sous la plume de Julien Dray, député socialiste de l’Essonne. [3] Pour ce jeune loup de la Sarkozie, « la France souffre de trois maux d’une extrême gravité. Première menace : l’appauvrissement des Français. […] Le deuxième mal français, c’est la radicalisation communautariste. […] Le troisième des maux dont souffre la France est le plus préoccupant : l’impuissance publique gangrène tous les pouvoirs, de la base au sommet. » Le parlementaire de l’Yonne complète ce tableau tragique :
Mais il y a pire que ces flottements, ces hésitations, ces renoncements. Dans son cœur régalien, le pouvoir est veule. L’allure pragmatique du ministre de l’Intérieur ne masque pas la mollesse des pouvoirs publics face aux criminels et aux délinquants. La mobilisation des policiers et des gendarmes se heurte à tant d’obstacles. L’autorité judiciaire ne parvient pas à réprimer et à dissuader les atteintes aux personnes, qui augmentent continûment. Le code pénal est un sabre de bois. Et l’Éducation nationale fait, malgré elle, le lit de la délinquance, lorsqu’elle échoue à donner à des centaines de milliers de jeunes gens une formation utile à leur insertion professionnelle. […] Qui parcourt la France, dans les villes, les banlieues comme les campagnes, perçoit les ferments de la défiance. Ce ressentiment est le terreau d’une nouvelle violence, qui ne serait plus la paix civile et qui dessine, peut-être, une sorte de guerre civile opposant des bandes et des désespérés.
Cette diatribe sonne comme une condamnation sans appel du résultat d’années d’impéritie politique. Or, la passation de pouvoir entre François Hollande et Nicolas Sarkozy a eu lieu le 15 mai 2012. Dès lors, cet impitoyable réquisitoire s’apparente à une critique acide de la décennie écoulée… celle où la droite a régné de manière absolue de 2002 à 2012 au cours des quinquennats de Jacques Chirac et… Nicolas Sarkozy. Ce dénigrement relève même de l’auto-flagellation puisque Guillaume Larrivé a fait ses armes au ministère de l’Intérieur :
En 2002, il frappe à la porte d'Emmanuelle Mignon, conseillère d'Etat, ancienne élève de l'Essec [grande école de commerce dont les droits d’inscription annuels s’élèvent - au niveau master - à 15.000 euros] comme lui. La sherpa du futur président repère son potentiel et l'intègre à l'équipe de Nicolas Sarkozy.
En 2005, il est nommé conseiller juridique au ministère de l'Intérieur. Au sein du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, il participe au noyau dur autour de Patrick Stefanini, qui conçoit le ministère de l'identité nationale doté de pouvoirs étendus. Celui qui échoit à Brice Hortefeux, après la victoire présidentielle de 2007. M. Larrivé devient directeur adjoint de son cabinet jusqu'en 2011. Place Beauvau, il est le superviseur juridique des reconduites à la frontière, la bête noire des associations de défense des sans-papiers. […] En mars 2011, il rejoint l’Elysée, en charge des affaires juridiques et institutionnelles. [4]
Ce dernier poste lui a visiblement été profitable puisque « Ce dandy de droite, féru de Drieu la Rochelle, » a déposé une audacieuse proposition de loi constitutionnelle le 22 janvier dernier [5], un texte non dénué d’intérêt, d’autant qu’« ils ne sont pas si nombreux les députés qui se penchent sur le berceau des institutions. Force est de reconnaître qu'il est plus facile de "faire du buzz" avec le Nutella [ou l’immigration] qu'avec la Ve République! » [6]
Néanmoins, Guillaume Larrivée demeure « un pur produit du sarkozysme, spécialisé dans les questions de sécurité et d’immigration ». [7] D’ailleurs, en juin 2012, il a remporté l’élection législative dans la première circonscription Auxerre-Puisaye grâce à ses positions sur ces questions, succédant ainsi au « duc de Bourgogne », Jean-Pierre Soisson, dont il était le suppléant depuis 2002. En effet, au mépris de la ligne nationale adoptée par son parti, le candidat local du Front national, Richard Jacob, a appelé à voter pour l’UMP afin de faire barrage au maire socialiste d’Auxerre, Guy Ferez, qui devançait Guillaume Larrivée de 600 voix au premier tour.
« Après avoir prôné un rassemblement bleu Marine de toutes les droites au premier tour, il faut montrer que nous pouvons nous organiser pour battre la gauche, et envoyer un signal fort à l'électorat UMP qui nous a soutenus », insiste Richard Jacob, qui a dû batailler pour que sa position soit validée par les instances du FN. Dans les autres circonscriptions, où les candidats frontistes ont obtenu 16 et 19,26 %, aucune consigne de vote n'a été passée, même si les lignes pourraient bouger dans la deuxième.
S'il ne parle pas encore de « mariage », Richard Jacob, élu au conseil municipal d'Auxerre [comme Guillaume Larrivé], force le destin en proposant un « pacs » entre l'UMP et le FN. « L'appareillage de l'UMP est déconnecté. Mais ses électeurs attendent une alliance. Il y a un coup politique à jouer, et j'espère que cette circonscription sera pilote. »
En attendant, « sans nous, Guillaume était certain de perdre. Avec nous, il a une chance de conserver ce territoire à droite », sourit Richard Jacob, soucieux de gommer l'étiquette d'extrême droite de son parti, pour imposer l'idée d'une « droite populaire ».
Parallèlement, conscient de devoir compter avec les électeurs frontistes pour l'emporter, Guillaume Larrivé, ancien directeur de cabinet adjoint de Brice Hortefeux, a encore droitisé son discours depuis la présidentielle. Ce que confirme le patron du FN en Bourgogne Édouard Ferrand. « Guillaume défend des thèmes sur l'immigration et la sécurité qui nous sont chers, contrairement aux candidats UMP des deux autres circonscriptions », explique-t-il, estimant que « le peuple souhaite une union de toutes les droites ». [8]
« Trop vite oubliées, les émeutes de l’automne 2005 peuvent en être le premier acte. Un poison menace de s’y ajouter : l’importation d’une ultraviolence terroriste, par de nouveaux Merah entraînés à nos portes », écrit aujourd’hui l’élu auxerrois. L’ennemi est désigné… [9] Pas un instant n’est évoqué un Breivik à la française ; ce dernier aurait inspiré le tueur de Newtown aux Etats-Unis. [10] Pourtant, Jean-Jacques Bernard, juif interné, n’a-t-il pas écrit dans son ouvrage-témoignage, Le camp de la mort lente (Compiègne 1941-1942), publié aux éditions Albin Michel en 1944 : « Victime de la haine, je demeure convaincu qu’on ne peut rien construire sur la haine » ?
Si des explosions sociales sont prévisibles au regard de la situation économique non seulement dans notre pays mais en Europe, la révolution n’est, cependant, pas pour demain ou après-demain. Malgré ses convulsions, la Grèce n’a pas sombré dans la guerre civile. Pourquoi la France, deuxième puissance économique européenne, devrait-elle alors basculer dans le chaos ? Si la France chute, c’est toute la zone euro qui coule et, derrière elle, l’économie mondiale ! Les scénarios catastrophes sont d’autant plus improbables que les désordres sociaux sont jugulés avec fermeté comme l’a démontré l’exemple de Goodyear ; Manuel Valls est le digne héritier du « Tigre » (Georges Clémenceau) et de Jules Moch. [11] D’ailleurs, en janvier 2011, Michèle Alliot-Marie, alors ministres des Affaires étrangères, ne vantait-elle pas l’expérience exceptionnelle de notre pays dans le domaine du maintien de l’ordre, soulignant « le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier »… à l’aube du Printemps arabe ? En outre, un nouveau Mai 68 est désormais exclu en raison du délitement social – lié à la montée des égoïsmes, au renforcement des comportements individualistes et au faible taux de syndicalisation. Enfin, « l’amortisseur social » garantit la paix sociale ; quel que soit leur sensibilité, les politiciens ont compris que garantir un minimum vital permet d’éviter le désespoir populaire, donc de préserver la tranquillité publique… et les inégalités.
Même si les marchands de peur, les va-t-en-guerre et autres prophètes de malheur pullulent et dominent la criée avec leurs propos tonitruants, on ne fait pas une politique à coup de faits divers et de discours martiaux, en lançant des anathèmes, en stigmatisant une communauté, en dressant les Français les uns contre les autres. Nos élus doivent, au contraire, œuvrer pour le bien commun, le vivre ensemble et le bien-être collectif. [12] Dans le deuxième volume des Mémoires de Guerre – sous-titré L'Unité – Charles de Gaulle rappelait ce qu'était son objectif, objectif qui devrait être celui de tous les présidents de la République, objectif que chaque élu de la République devrait partager : « Voilà ma tâche ! Regrouper la France dans la guerre ; lui épargner la subversion ; lui remettre un destin qui ne dépende que d'elle-même. Hier, il suffisait de l'action d'une poignée de Français sur les champs de bataille pour se camper devant les événements. Demain, tout sera commandé par la question d'un pouvoir central que le pays acclame et suive. Pour moi, dans cette phase capitale, il ne s'agira plus de jeter au combat quelques troupes, de rallier ici et là des lambeaux de territoire, de chanter à la nation la romance de sa grandeur. C'est le peuple entier, tel qu'il est, qu'il me faudra rassembler. Contre l'ennemi, malgré les alliés, en dépit d'affreuses divisions, j'aurai à faire autour de moi l'unité de la France déchirée. » Aussi peut-on légitimement s’inquiéter du mortifère fatalisme politique ambiant qui s’apparente davantage à un pitoyable aveu d’échec et d’impuissance que l’on peut mettre en musique sur les paroles de Nino Ferrer (Le Sud) :
Un jour ou l´autre il faudra qu´il y ait la guerre
On le sait bien
On n´aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire
On dit c´est le destin
[1] Paul Wermus, « G. LARRIVE : ‘‘Hollande est un optimiste qui n’a pas compris que l’histoire est tragique’’ » in VSD, 23 janvier 2013.
[2] Guillaume Larrivé, « Demain, la guerre civile ? » in Valeurs actuelles, 14 mars 2013.
http://www.valeursactuelles.com/demain-guerre-civile20130312.html
[3] Julien Dray, « Austérité : au-dessus d’un volcan… » in Le Huffington Post, 12 mars 2013.
http://www.huffingtonpost.fr/julien-dray/julien-dray-aust...
« La crise se déploie. Elle s'insinue partout, casse, déstabilise, brise, broie nos économies... Elle ronge la structure politique des nations européennes. Il faut désormais être aveugle pour ne pas voir ce qui couve. Bientôt, si l'on n'y prend garde, nos pays ne connaitront que les affres des colères populaires ou des flambées populistes... »
[4] Béatrice Jérôme, « Nouveaux députés : Guillaume Larrivé, un sarkozyste "décomplexé" » in Le Monde, 19 juillet 2012.
[5] Proposition de loi n°632 tendant à améliorer l’efficacité de la Ve République, 22 janvier 2013
http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion063...
[6] Patrick Roger, « A Larrivée, la Constitution reconnaissante » in Chambres à part, 31 janvier 2013.
http://parlement.blog.lemonde.fr/2013/01/31/a-larrive-la-...
[7] Arnaud Morel, « Guillaume Larrivé, un bébé Sarkozy pour succéder à Jean-Pierre Soisson » in Le Point, 30 janvier 2012.
[8] Willem van de Kraats, « Le candidat frontiste de la première circonscription Richard Jacob se range derrière l’UMP » in L’Yonne républicaine, 14 juin 2012.
[9] Laurent Opsomer, « Au nom de quelle idéologie… » in Double Neuf, 1er août 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/08/01/au-nom-de-quelle-ideologie.html
Laurent Opsomer, « La terreur n’a pas de couleur » in Double Neuf, 15 décembre 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/12/15/la-terreur-n-a-pas-de-couleur.html
[10] Constance Jamet, « Breivik aurait inspiré le tueur de Newtown » in Le Figaro, 19 février 2013.
[11] Laurent Opsomer, « Amnistie sociale : fâcheuse coïncidence » in Double Neuf, 12 mars 2013.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2013/03/12/amnistie-sociale-facheuse-coincidence.html
[12] L’urgence de l’Yonne, par exemple, n’est pas l’immigration mais la désertification médicale. Pour lutter contre les déserts médicaux, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a lancé, en décembre 2012, le Pacte territoire-santé, mis en place par les régions. Conseiller régional de Bourgogne et député du cru, Guillaume Larrivé est donc doublement concerné. En outre, Pierre Morel-A-L'Huissier, député UMP de la Lozère, a déposé le 13 mars 2013 la proposition de loi n°810 tendant à prévoir une année de stage obligatoire des étudiants en médecine dans les « zones à sous densité médicale ». Guillaume Larrivé a-t-il signé la proposition de loi de son collègue ?
http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion081...
15:43 Publié dans Perso, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillaume larrivé, ump, guerre civile, valeurs actuelles, union pour un mouvement populaire, immigration, sécurité, nicolas sarkozy, droite forte