26/04/2013

STAKHANOVISME À L’ASSEMBLÉE

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Comment démontrer son activité parlementaire et justifier par la même occasion ses émoluments ? En multipliant les questions écrites, par exemple. Le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi, avait montré l’exemple par le passé. [1] Toutefois, un jeune loup de la Sarkozie, Guillaume Larrivé, député UMP de l’Yonne, a peut-être battu un record en la matière en posant 109 fois la même question (n°14956 à 15065) !

 

M. Guillaume Larrivé appelle l'attention de M. le ministre de l'Intérieur sur l'évolution de la délinquance dans le canton de Charny (département de l'Yonne). Il le prie de lui indiquer les statistiques disponibles, pour l'année 2011 (premier et second semestres) et pour l'année 2012 (premier et second semestres), permettant de rendre compte de l'évolution du nombre de faits constatés. Il lui serait reconnaissant de distinguer quatre éléments : le nombre total de faits constatés de délinquance, sous toutes ses formes ; le nombre d'atteintes aux biens ; le nombre d'atteintes volontaires à l'intégrité physique ; le nombre d'escroqueries et infractions économiques et financières. [2]

 

Le texte est identique pour chaque question, seul le canton change : Aillant-sur-Tholon Bléneau, Coulanges-la-Vineuse, Toucy… ainsi que la circonscription de sécurité publique d’Auxerre (n°15064). Mais Guillaume Larrivé ne s’intéresse pas seulement à l'évolution de la délinquance dans son département (n°15045) puisqu’il étend son questionnement à l’ensemble des départements métropolitains et ultramarins, les mots de l’interrogation restant rigoureusement les mêmes que précédemment. [3]

 

Face à ce copier-coller parlementaire, la réponse ministérielle est invariable :

 

Les chiffres figurant dans les tableaux ci-dessous reprennent, pour chaque département, les trois indicateurs permanents utilisés par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Le « chiffre unique » de la délinquance a été abandonné par l'ONDRP depuis plusieurs années et, par conséquent, le ministère de l'intérieur n'a pas vocation à en faire communication. De surcroît, le ministre de l'intérieur a donné pour instruction à ses services de ne plus confectionner ce « chiffre unique » dont la composition hétérogène en enlève toute signification. Plus généralement, le ministre de l'intérieur souhaite procéder à la refonte de la méthodologie de recueil et d'élaboration de la statistique de la délinquance, afin de mettre en place un nouveau format de présentation et de publication des chiffres, plus exhaustif et plus fiable, parfaitement transparent et indépendant. Il s'agit de rendre plus fidèlement compte de la réalité diverse de la délinquance, et d'éviter les dérives induites par la politique du chiffre. Les statistiques doivent avoir pour seul objectif de garantir la transparence du débat public et de constituer un outil de pilotage des forces de sécurité. Des travaux ont donc été engagés au sein du ministère de l'Intérieur depuis plusieurs mois avec les acteurs concernés (INSEE, ONDRP, etc.) pour mettre en place un nouvel outil. Ce nouveau système sera fondé sur une présentation renouvelée des statistiques, les actuels indicateurs étant trop globaux et trop hétérogènes pour rendre compte de certaines réalités (cybercriminalité, violences intrafamiliales...), ainsi que sur la modernisation des indicateurs de suivi de l'efficacité des services. Enfin, l'indépendance et l'autorité en matière statistique de l'ONDRP vont être renforcées. Ceci étant dit, il ne s'agit nullement d'occulter les tendances défavorables. Il est essentiel d'assumer la délinquance, dans sa complexité et son ampleur, pour la combattre plus efficacement. Ainsi depuis plusieurs années, les chiffres des atteintes volontaires à l'intégrité physique témoignent, sur le plan national, d'une tendance persistante à l'augmentation. Les actions déjà engagées pour mieux lutter contre cette délinquance vont monter en puissance (présence accrue des forces de l'ordre sur la voie publique, lutte contre les vols d'or, etc.). Pour mieux lutter contre les cambriolages qui connaissent également une évolution défavorable depuis 2008, des modes d'actions renouvelés vont être mis en place. Le recours systématique à la police technique et scientifique, le renforcement des moyens de prévention situationnelle, ou encore la poursuite des efforts engagés dans les CAC (cellules anti-cambriolages), sont autant de leviers d'actions pertinents. Il y a lieu, en revanche, de souligner la baisse des vols à main armée (- 7,1 %) dont sont notamment victimes les commerçants. Les chiffres des incendies de biens publics et de biens privés sont également encourageants, avec des diminutions respectives de 14,1 % et de 6,1 %. Dans ces domaines comme dans les autres, le ministre de l'intérieur mène une politique ferme et déterminée, avec pour objectif d'obtenir des résultats concrets et durables pour renforcer au quotidien la sécurité des Français. La montée en puissance en 2013 des réformes amorcées depuis près de neuf mois y contribuera (augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, optimisation de l'organisation territoriale des forces de l'ordre, zones de sécurité prioritaires...).

 

La démarche du député de l’Yonne est d’autant plus surprenante qu’il ne peut ignorer l’existence de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), ni ses missions, encore moins ses publications ! [4] D’abord, parce que l’ONDRP a été créé en 2004 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, sur la base d'un rapport qu’avait confié Lionel Jospin, Premier ministre pendant la troisième cohabitation (1997-2002), à Christophe Caresche (député PS de Paris) et Robert Pandraud (député UMP de Seine-Saint-Denis). Or, Guillaume Larrivé est l’un des séides de l’ancien président de la République. [5] Ensuite, sa consœur icaunaise, Marie-Louise Fort, également députée de l’Yonne (3ème circonscription) et, depuis février 2013, secrétaire adjointe de l’UMP dans le cadre de la direction « partagée » entre Jean-François Copé et François Fillon, est vice-présidente de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (du 17 août 2005 au 15 octobre 2008 et depuis le 6 mai 2010) ; à ce titre, elle siège au Conseil d’orientation de cette institution aux côtés de François-Noël Buffet, sénateur UMP de Rhône-Alpes, et Alain Bauer, le conseiller sécurité de Nicolas Sarkozy (et de Manuel Valls ?). [6] En outre, l’ONDRP est dirigé depuis sa création par un proche de ce dernier, Christophe Soullez, avec lequel il a cosigné plusieurs ouvrages ; le chef de l’ONDRP est l’un des fondateurs de GayLib, une association proche de l’UMP jusqu’à la rupture au début de cette année en raison de son opposition au mariage pour tous. Enfin, le libellé de ces questions parlementaires est calqué sur la grille de lecture des faits constatés des crimes et délits non routiers proposée par l’ONDRP en 2004 et validée par son Conseil d’orientation l’année suivante. Celle-ci « est constituée de trois indicateurs indépendants se rapportant à différents phénomènes de délinquance : atteintes aux biens(vols et destructions, dégradations), atteintes volontaires à l’intégrité physique(violences ou menaces), et les escroqueries et infractions économiques et financières », exactement les critères posés par Guillaume Larrivé dans ses questions, hormis celui relatif au nombre total des faits constatés de délinquance. Une absence que justifie ce mois-ci l’ONDRP dans son dernier bulletin mensuel :

 

Les statistiques sur la délinquance enregistrée ne peuvent pas être interprétées de façon simple car elles ne sont pas, à elles seules, des indicateurs d’évolution de la fréquence des phénomènes de délinquance.

La disponibilité et l’apparente facilité d’usage du nombre total des faits constatés de crimes et délits non routiers enregistrés par la police ou la gendarmerie ont été, et sont encore parfois aujourd’hui, à l’origine de présentations erronées.

L’expression servant à désigner cette somme, la « délinquance générale », masque sa nature de statistique d’activité des services et donne l’illusion qu’un « chiffre unique » pourrait permettre d’établir un bilan de la délinquance.

Dans leur rapport de janvier 2002, « Sur la création d’un Observatoire de la délinquance », les députés Christophe Caresche et Robert Pandraud expliquaient déjà que « la publication annuelle des chiffres met en avant l’agrégation de tous les faits constatés et donne l’évolution générale de ce chiffre d’une année sur l’autre. Cette communication focalise l’attention autour d’un chiffre censé résumer une année d’enregistrement. Elle est très contestable scientifiquement et risquée en termes de présentation, car elle se prête aux extrapolations médiatiques ou aux interprétations. C’est pourquoi, il conviendrait de privilégier l’analyse et le commentaire des chiffres par grandes infractions, sans recourir à une addition ». [7]

 

D’après le président du Conseil d’orientation de l’ONDRP, « L’abandon du total des faits constatés comme élément principal d’évaluation est un acquis récent, encore fragile, mais qui révèle un réel progrès. » D’ailleurs, « Un quatrième indicateur, les infractions révélées par l’action des services,a été défini selon un autre critère d’agrégation, le mode de constatation. Ainsi, la grille de lecture de l’ONDRP distingue "les faits qui sont portés directement à la connaissance des services par les victimes de ceux qui résultent de l’action d’initiative" comme l’avait recommandé la mission Caresche-Pandraud. »

 

Finalement, la litanie de questions du député UMP de l’Yonne apparaît d’autant plus incongrue qu’il lui sera difficile d’exploiter la réponse ministérielle, sauf à contester les conclusions d’un organisme largement infiltré par la droite… même si le pouvoir actuel tente progressivement – mais péniblement – de s’imposer comme le laisse supposer la récente nomination de Stéfan Lollivier à la tête du Conseil d’orientation de l’ONDRP par arrêté du Premier ministre du 16 janvier 2013. L’élu bourguignon le souhaite-t-il d’ailleurs ? Guillaume Larrivé a, en effet, été nommé, le 23 janvier, co-rapporteur « du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral » (sic) dont le rapporteur est Pascal Popelin, député socialiste de la Seine-Saint-Denis. Le parlementaire icaunais est de ce fait le principal orateur de l’opposition à l’Assemblée contre « ces projets de loi de régression ». [8] 

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http://www.larrive.com/



[1] Jacky Mestries, « M. Estrosi rafale… de questions le gouvernement !!! » in La Grogne dans la Gendarmerie, 6 décembre 2011.

https://sites.google.com/site/lagrognegend/1/mestrosirafa...

 

[2] Question n°15059 de M. Guillaume Larrivé, député UMP de l’Yonne, 1er janvier 2013.

http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-15059QE.htm

 

[3] Ain (question n°14956), Aisne (n°14957), Allier (n°14958), Alpes-de-Haute-Provence (n°14959), Hautes-Alpes (n°14960), Alpes-Maritimes (n°14961), Ardèche (n°14962), Ardennes (n°15963), Ariège (n°14964), Aube (n°14965), Aude (n°14966), Aveyron (n°14967), Bouches-du-Rhône (n°14968), Calvados (n°14969), Cantal (n°14970), Charente (n°14971), Charente-Maritime (n°14972), Cher (n°14973), Corrèze (n°14974), Corse du Sud (n°14975), Haute-Corse (n°14976), Côte-d’Or (n°14977), Côtes-d’Armor (n°14978), Creuse (n°14979), Dordogne (n°14980), Doubs (n°14981), Drôme (n°14982), Eure (n°14983), Eure-et-Loir (n°14984), Finistère (n°14985), Gard (n°14986), Haute-Garonne (n°14987), Gers (n°14988), Gironde (n°14989), Hérault (n°14990), Ille-et-Vilaine (n°14991), Indre (n°14992), Indre-et-Loire (n°14993), Isère (n°14994), Jura (n°14995), Landes (n°14996), Loir-et-Cher (n°14997), Loire (n°14998), Haute-Loire (n°14999), Loire-Atlantique (n°15000), Loiret (n°15001), Lot (n°15002), Lot-et-Garonne (n°15003), Lozère (n°15004), Maine-et-Loire (n°15005), Manche (n°15006), Marne (n°15007), Haute-Marne (n°15008), Mayenne (n°15009), Meurthe-et-Moselle (n°15010), Meuse (n°15011), Morbihan (n°15012), Moselle (n°15013), Nièvre (n°15014), Nord (n°15015), Oise (n°15016), Orne (n°15017), Pas-de-Calais (n°15018), Puy-de-Dôme (n°15019), Pyrénées-Atlantiques (n°15020), Hautes-Pyrénées (n°15021), Pyrénées-Orientales (n°15022), Bas-Rhin (n°15023), Haut-Rhin (n°15024), Rhône (n°15025), Haute-Saône (n°15026), Saône-et-Loire (n°15027), Sarthe (n°15028), Savoie (n°15029), Haute-Savoie (n°15030), Paris (n°15031), Seine-Maritime (n°15032), Seine-et-Marne (n°15033), Yvelines (n°15034), Deux-Sèvres (n°15035), Somme (n°15036), Tarn (n°15037), Tarn-et-Garonne (n°15038), Var (n°15039), Vaucluse (n°15040), Vendée (n°15041), Vienne (n°15042), Haute-Vienne (n°15043), Vosges (n°15044), Territoire-de-Belfort (n°15046), Essonne (n°15047), Hauts-de-Seine (n°15048), Seine-Saint-Denis (n°15049), Val-de-Marne (n°15050), Val d’Oise (n°15051), Guadeloupe (n°15052), Martinique (n°15053), Guyane (n°15054), La Réunion (n°15055) et Mayotte (question n°15056).

 

[4] Présentation de l’ONDRP sur le site de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).

http://www.inhesj.fr/fr/page/ondrp/presentation

 

[5] Laurent Opsomer, « Apocalypse ou auto-flagellation névrotique ? » in Double Neuf, 16 mars 2013.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2013/03/16/apocal...

 

[6] Nathalie Segaunes, « Le sarkoboy qui chuchote à l’oreille de Valls » in Le Parisien, 19 octobre 2012.

http://www.leparisien.fr/politique/le-sarkoboy-qui-chucho...

 

[7] « Criminalité et délinquance enregistrées en mars 2013 » in Bulletin mensuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, avril 2013.

http://www.inhesj.fr/sites/default/files/bm_2013-04.pdf

 

[8] « Guillaume Larrivé aux députés socialistes : "Vous vous trompez ! Ouvrez les yeux !" », 2 avril 2013.

http://guillaumelarrive.blogs.com/guillaume_larriv/2013/04/guillaume-larriv%C3%A9-aux-d%C3%A9put%C3%A9s-socialistes-vous-vous-trompez-ouvrez-les-yeux-.html

16/03/2013

APOCALYPSE OU AUTO-FLAGELLATION NÉVROTIQUE ?

guillaume larrivé,ump,guerre civile,valeurs actuelles,union pour un mouvement populaire,immigration,sécurité,nicolas sarkozy,droite forteguillaume larrivé,ump,guerre civile,valeurs actuelles,union pour un mouvement populaire,immigration,sécurité,nicolas sarkozy,droite forteGuillaume Larrivé, jeune député UMP de l’Yonne, s’épanche régulièrement dans les colonnes du magazine Valeurs actuelles, référence de la presse écrite de droite (et même au-delà). Selon cet énarque (un de plus), François Hollande « pêche par excès d’optimisme, il n’a pas compris que l’histoire est tragique. » [1] Il est vrai que cet ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy a une vision particulièrement sombre de l’avenir depuis la chute de son mentor aux dernières élections présidentielles. Cet épigone de la Droite forte s’est ainsi fendu d’une tribune sinistrement intitulée « Demain, la guerre civile ? » [2] Ce cassandre de la droite dure y dénonce « l’impuissance d’une classe politique perdue dans des querelles subalternes » (est-ce une allusion aux dissensions qui minent l’UMP ?), agitant le spectre de désordres sociaux, pis de débordements incontrôlés qui menaceraient l’Etat, donc in fine la République et notre démocratie ; reconnaissons que l’on trouve la même sinistrose sous la plume de Julien Dray, député socialiste de l’Essonne. [3] Pour ce jeune loup de la Sarkozie, « la France souffre de trois maux d’une extrême gravité. Première menace : l’appauvrissement des Français. […] Le deuxième mal français, c’est la radicalisation communautariste. […] Le troisième des maux dont souffre la France est le plus préoccupant : l’impuissance publique gangrène tous les pouvoirs, de la base au sommet. » Le parlementaire de l’Yonne complète ce tableau tragique :

 

Mais il y a pire que ces flottements, ces hésitations, ces renoncements. Dans son cœur régalien, le pouvoir est veule. L’allure pragmatique du ministre de l’Intérieur ne masque pas la mollesse des pouvoirs publics face aux criminels et aux délinquants. La mobilisation des policiers et des gendarmes se heurte à tant d’obstacles. L’autorité judiciaire ne parvient pas à réprimer et à dissuader les atteintes aux personnes, qui augmentent continûment. Le code pénal est un sabre de bois. Et l’Éducation nationale fait, malgré elle, le lit de la délinquance, lorsqu’elle échoue à donner à des centaines de milliers de jeunes gens une formation utile à leur insertion professionnelle. […] Qui parcourt la France, dans les villes, les banlieues comme les campagnes, perçoit les ferments de la défiance. Ce ressentiment est le terreau d’une nouvelle violence, qui ne serait plus la paix civile et qui dessine, peut-être, une sorte de guerre civile opposant des bandes et des désespérés. 

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Cette diatribe sonne comme une condamnation sans appel du résultat d’années d’impéritie politique. Or, la passation de pouvoir entre François Hollande et Nicolas Sarkozy a eu lieu le 15 mai 2012. Dès lors, cet impitoyable réquisitoire s’apparente à une critique acide de la décennie écoulée… celle où la droite a régné de manière absolue de 2002 à 2012 au cours des quinquennats de Jacques Chirac et… Nicolas Sarkozy. Ce dénigrement relève même de l’auto-flagellation puisque Guillaume Larrivé a fait ses armes au ministère de l’Intérieur :

 

En 2002, il frappe à la porte d'Emmanuelle Mignon, conseillère d'Etat, ancienne élève de l'Essec [grande école de commerce dont les droits d’inscription annuels s’élèvent - au niveau master - à 15.000 euros] comme lui. La sherpa du futur président repère son potentiel et l'intègre à l'équipe de Nicolas Sarkozy.

En 2005, il est nommé conseiller juridique au ministère de l'Intérieur. Au sein du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, il participe au noyau dur autour de Patrick Stefanini, qui conçoit le ministère de l'identité nationale doté de pouvoirs étendus. Celui qui échoit à Brice Hortefeux, après la victoire présidentielle de 2007. M. Larrivé devient directeur adjoint de son cabinet jusqu'en 2011. Place Beauvau, il est le superviseur juridique des reconduites à la frontière, la bête noire des associations de défense des sans-papiers. […] En mars 2011, il rejoint l’Elysée, en charge des affaires juridiques et institutionnelles. [4]

 

Ce dernier poste lui a visiblement été profitable puisque « Ce dandy de droite, féru de Drieu la Rochelle, » a déposé une audacieuse proposition de loi constitutionnelle le 22 janvier dernier [5], un texte non dénué d’intérêt, d’autant qu’« ils ne sont pas si nombreux les députés qui se penchent sur le berceau des institutions. Force est de reconnaître qu'il est plus facile de "faire du buzz" avec le Nutella [ou l’immigration] qu'avec la Ve République! » [6]

 

Néanmoins, Guillaume Larrivée demeure « un pur produit du sarkozysme, spécialisé dans les questions de sécurité et d’immigration ». [7] D’ailleurs, en juin 2012, il a remporté l’élection législative dans la première circonscription Auxerre-Puisaye grâce à ses positions sur ces questions, succédant ainsi au « duc de Bourgogne », Jean-Pierre Soisson, dont il était le suppléant depuis 2002. En effet, au mépris de la ligne nationale adoptée par son parti, le candidat local du Front national, Richard Jacob, a appelé à voter pour l’UMP afin de faire barrage au maire socialiste d’Auxerre, Guy Ferez, qui devançait Guillaume Larrivée de 600 voix au premier tour.

 

« Après avoir prôné un rassemblement bleu Marine de toutes les droites au premier tour, il faut montrer que nous pouvons nous organiser pour battre la gauche, et envoyer un signal fort à l'électorat UMP qui nous a soutenus », insiste Richard Jacob, qui a dû batailler pour que sa position soit validée par les instances du FN. Dans les autres circonscriptions, où les candidats frontistes ont obtenu 16 et 19,26 %, aucune consigne de vote n'a été passée, même si les lignes pourraient bouger dans la deuxième.

S'il ne parle pas encore de « mariage », Richard Jacob, élu au conseil municipal d'Auxerre [comme Guillaume Larrivé], force le destin en proposant un « pacs » entre l'UMP et le FN. « L'appareillage de l'UMP est déconnecté. Mais ses électeurs attendent une alliance. Il y a un coup politique à jouer, et j'espère que cette circonscription sera pilote. »

En attendant, « sans nous, Guillaume était certain de perdre. Avec nous, il a une chance de conserver ce territoire à droite », sourit Richard Jacob, soucieux de gommer l'étiquette d'extrême droite de son parti, pour imposer l'idée d'une « droite populaire ».

Parallèlement, conscient de devoir compter avec les électeurs frontistes pour l'emporter, Guillaume Larrivé, ancien directeur de cabinet adjoint de Brice Hortefeux, a encore droitisé son discours depuis la présidentielle. Ce que confirme le patron du FN en Bourgogne Édouard Ferrand. « Guillaume défend des thèmes sur l'immigration et la sécurité qui nous sont chers, contrairement aux candidats UMP des deux autres circonscriptions », explique-t-il, estimant que « le peuple souhaite une union de toutes les droites ». [8]

 

« Trop vite oubliées, les émeutes de l’automne 2005 peuvent en être le premier acte. Un poison menace de s’y ajouter : l’importation d’une ultraviolence terroriste, par de nouveaux Merah entraînés à nos portes », écrit aujourd’hui l’élu auxerrois. L’ennemi est désigné… [9] Pas un instant n’est évoqué un Breivik à la française ; ce dernier aurait inspiré le tueur de Newtown aux Etats-Unis. [10] Pourtant, Jean-Jacques Bernard, juif interné, n’a-t-il pas écrit dans son ouvrage-témoignage, Le camp de la mort lente (Compiègne 1941-1942), publié aux éditions Albin Michel en 1944 : « Victime de la haine, je demeure convaincu qu’on ne peut rien construire sur la haine » ?

 

Si des explosions sociales sont prévisibles au regard de la situation économique non seulement dans notre pays mais en Europe, la révolution n’est, cependant, pas pour demain ou après-demain. Malgré ses convulsions, la Grèce n’a pas sombré dans la guerre civile. Pourquoi la France, deuxième puissance économique européenne, devrait-elle alors basculer dans le chaos ? Si la France chute, c’est toute la zone euro qui coule et, derrière elle, l’économie mondiale ! Les scénarios catastrophes sont d’autant plus improbables que les désordres sociaux sont jugulés avec fermeté comme l’a démontré l’exemple de Goodyear ; Manuel Valls est le digne héritier du « Tigre » (Georges Clémenceau) et de Jules Moch. [11] D’ailleurs, en janvier 2011, Michèle Alliot-Marie, alors ministres des Affaires étrangères, ne vantait-elle pas l’expérience exceptionnelle de notre pays dans le domaine du maintien de l’ordre, soulignant « le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier »… à l’aube du Printemps arabe ? En outre, un nouveau Mai 68 est désormais exclu en raison du délitement social – lié à la montée des égoïsmes, au renforcement des comportements individualistes et au faible taux de syndicalisation. Enfin, « l’amortisseur social » garantit la paix sociale ; quel que soit leur sensibilité, les politiciens ont compris que garantir un minimum vital permet d’éviter le désespoir populaire, donc de préserver la tranquillité publique… et les inégalités.

 

Même si les marchands de peur, les va-t-en-guerre et autres prophètes de malheur pullulent et dominent la criée avec leurs propos tonitruants, on ne fait pas une politique à coup de faits divers et de discours martiaux, en lançant des anathèmes, en stigmatisant une communauté, en dressant les Français les uns contre les autres. Nos élus doivent, au contraire, œuvrer pour le bien commun, le vivre ensemble et le bien-être collectif. [12] Dans le deuxième volume des Mémoires de Guerre – sous-titré L'UnitéCharles de Gaulle rappelait ce qu'était son objectif, objectif qui devrait être celui de tous les présidents de la République, objectif que chaque élu de la République devrait partager : « Voilà ma tâche ! Regrouper la France dans la guerre ; lui épargner la subversion ; lui remettre un destin qui ne dépende que d'elle-même. Hier, il suffisait de l'action d'une poignée de Français sur les champs de bataille pour se camper devant les événements. Demain, tout sera commandé par la question d'un pouvoir central que le pays acclame et suive. Pour moi, dans cette phase capitale, il ne s'agira plus de jeter au combat quelques troupes, de rallier ici et là des lambeaux de territoire, de chanter à la nation la romance de sa grandeur. C'est le peuple entier, tel qu'il est, qu'il me faudra rassembler. Contre l'ennemi, malgré les alliés, en dépit d'affreuses divisions, j'aurai à faire autour de moi l'unité de la France déchirée. » Aussi peut-on légitimement s’inquiéter du mortifère fatalisme politique ambiant qui s’apparente davantage à un pitoyable aveu d’échec et d’impuissance que l’on peut mettre en musique sur les paroles de Nino Ferrer (Le Sud) :

 

Un jour ou l´autre il faudra qu´il y ait la guerre

On le sait bien

On n´aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire

On dit c´est le destin 

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[1] Paul Wermus, « G. LARRIVE : ‘‘Hollande est un optimiste qui n’a pas compris que l’histoire est tragique’’ » in VSD, 23 janvier 2013.

http://www.vsd.fr/contenu-editorial/ca-fait-debat/le-duel/224-g-larrive-hollande-est-un-optimiste-qui-napas-compris-que-lhistoire-est-tragique

 

[2] Guillaume Larrivé, « Demain, la guerre civile ? » in Valeurs actuelles, 14 mars 2013.

http://www.valeursactuelles.com/demain-guerre-civile20130312.html

 

[3] Julien Dray, « Austérité : au-dessus d’un volcan… » in Le Huffington Post, 12 mars 2013.

http://www.huffingtonpost.fr/julien-dray/julien-dray-aust...

« La crise se déploie. Elle s'insinue partout, casse, déstabilise, brise, broie nos économies... Elle ronge la structure politique des nations européennes. Il faut désormais être aveugle pour ne pas voir ce qui couve. Bientôt, si l'on n'y prend garde, nos pays ne connaitront que les affres des colères populaires ou des flambées populistes... »

 

[4] Béatrice Jérôme, « Nouveaux députés : Guillaume Larrivé, un sarkozyste "décomplexé" » in Le Monde, 19 juillet 2012.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/07/19/nouveaux-deputes-guillaume-larrive-un-sarkozyste-decomplexe_1735739_823448.html

 

[5] Proposition de loi n°632 tendant à améliorer l’efficacité de la Ve République, 22 janvier 2013

http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion063...

 

[6] Patrick Roger, « A Larrivée, la Constitution reconnaissante » in Chambres à part, 31 janvier 2013.

http://parlement.blog.lemonde.fr/2013/01/31/a-larrive-la-...

 

[7] Arnaud Morel, « Guillaume Larrivé, un bébé Sarkozy pour succéder à Jean-Pierre Soisson » in Le Point, 30 janvier 2012.

http://www.lepoint.fr/politique/guillaume-larrive-un-bebe-sarkozy-pour-succeder-a-jean-pierre-soisson-30-01-2012-1425297_20.php

 

[8] Willem van de Kraats, « Le candidat frontiste de la première circonscription Richard Jacob se range derrière l’UMP » in L’Yonne républicaine, 14 juin 2012.

http://www.lyonne.fr/yonne/actualite/2012/06/14/le-candidat-frontiste-de-la-premiere-circonscription-richard-jacob-se-range-derriere-lump-1193765.html

 

[9] Laurent Opsomer, « Au nom de quelle idéologie… » in Double Neuf, 1er août 2011.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/08/01/au-nom-de-quelle-ideologie.html

 

Laurent Opsomer, « La terreur n’a pas de couleur » in Double Neuf, 15 décembre 2011.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/12/15/la-terreur-n-a-pas-de-couleur.html

 

[10] Constance Jamet, « Breivik aurait inspiré le tueur de Newtown » in Le Figaro, 19 février 2013.

http://www.lefigaro.fr/international/2013/02/19/01003-20130219ARTFIG00400-breivik-aurait-inspire-le-tueur-de-newtown.php

 

[11] Laurent Opsomer, « Amnistie sociale : fâcheuse coïncidence » in Double Neuf, 12 mars 2013.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2013/03/12/amnistie-sociale-facheuse-coincidence.html

 

[12] L’urgence de l’Yonne, par exemple, n’est pas l’immigration mais la désertification médicale. Pour lutter contre les déserts médicaux, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a lancé, en décembre 2012, le Pacte territoire-santé, mis en place par les régions. Conseiller régional de Bourgogne et député du cru, Guillaume Larrivé est donc doublement concerné. En outre, Pierre Morel-A-L'Huissier, député UMP de la Lozère, a déposé le 13 mars 2013 la proposition de loi n°810 tendant à prévoir une année de stage obligatoire des étudiants en médecine dans les « zones à sous densité médicale ». Guillaume Larrivé a-t-il signé la proposition de loi de son collègue ?

http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion081...