12/12/2012
USPPM : "IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN"
Jean-Louis Del Pistoia nous répond à nouveau mais sans publicité cette fois-ci et surtout sans nous permettre de lui apporter la contradiction sur son site, les commentaires étant fermés. [1] Une curieuse conception de la communication. Néanmoins, celui-ci montre que l’USPPM (Union syndicale professionnelle des policiers municipaux) est assurément une alliée indéfectible. Force est, en effet, de constater qu’il s’érige en fervent défenseur des propos malheureux d’autrui : il n’y a nulle tentative d’exploitation selon lui, pas même une erreur de communication, encore moins une foucade. C’est pourtant le sentiment qui découle de tels propos. Mais après tout, un rapprochement syndical vaut bien une grandiloquente plaidoirie. [2] Cela dit, intéressons-nous à sa prose.
Après avoir lu avec la plus grande attention la réponse de Monsieur Opsomer, sur son blog, force est de constater que celui-ci semble méconaitre ou occulte certaines choses :
Il n’y a ni méconnaissance, ni occultation, simplement l’indignation face à une lamentable tentative d’exploitation. Il ne serait nullement honteux de reconnaître que lier la tragédie de Saint-Arnoult-en-Yvelines et le débat sur l’armement des agents de police municipale était au mieux maladroit sinon particulièrement inappropriée et inopportun. Dans le cas présent, il y a eu confusion entre rapidité et précipitation. D’ailleurs, seul le SNPM-FO a exploité de cette manière ce drame privé, les autres organisations syndicales, conscientes de cette réalité, se sont abstenues de toute déclaration similaire, même celles qui défendent pourtant l’armement systématique.
-Un policier municipal, à partir du moment où il est en tenue et dans son poste est en service, qu'il soit en pause ou pas il n'en demeure pas moins qu'il exerce ses fonctions inscrites dans le Code Général des Collectivités territoriales
Il est vrai que l’article L412-52 du Code des communes spécifie que « Le port de la carte professionnelle et celui de la tenue sont obligatoires pendant le service ». Or, la victime n’est pas en service comme l’affirme Jean-Louis Del Pistoia mais en pause : le poste de police municipale est fermé au public, elle n’assure pas une permanence de service et elle n’est pas non plus en position d’astreinte. C’est tout simplement la pause-déjeuner ! Le Code du travail dispose qu'« Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes » (article L3121-33). En outre, nous ne sommes pas dans le cadre des articles L3121-1 et L3121-2 du Code du travail. La pause-déjeuner n'est donc pas considérée comme du temps de travail effectif. Le salarié est alors parfaitement libre de vaquer à ses occupations personnelles sans avoir à en rendre compte à son employeur. Dans le cas présent, la victime a pris sa pause-déjeuner sur son lieu de travail, prenant l’initiative d’avancer dans son travail comme n’importe quel employé qui peut avaler un sandwich sur un coin de son bureau tout en étant libre de son temps à ce moment. [3] L’assertion de Jean-Louis Del Pistoia est donc d’autant plus surprenante qu’elle met à mal les principes définis par le Code du travail en matière de durée de travail.
(puisque M. Opsomer insiste sur la totalité de ces missions) le BON ORDRE, la SALUBRITE, la SURETE, la SECURITE et la TRANQUILLITE PUBLIQUES.
Il faut citer l’intégralité de l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales et non se limiter à la première phrase :
La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :
1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ;
2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;
3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ;
4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente ;
5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;
6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ;
7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ;
8° Le soin de réglementer la fermeture annuelle des boulangeries, lorsque cette fermeture est rendue nécessaire pour l'application de la législation sur les congés payés, après consultation des organisations patronales et ouvrières, de manière à assurer le ravitaillement de la population.
Lors de missions réputées non dangereuses, les agents de police municipale sont confrontés à la violence, cette année 85 d'entre eux ont été blessés en service, un grand nombre ne disposaient pas de moyens de protection, ni de défense adaptés à leur environnement professionnel.
Les polices municipales se caractérisent par la diversité de leurs effectifs, de leurs matériels, de leurs missions… La diversité est le propre des polices municipales : c’est à la fois leur force et leur faiblesse. Cependant, sans nier la réalité des violences, force est de constater que notre société n’est pas plus violente que par le passé, au contraire ! Par contre, la sensibilité sociétale vis-à-vis de la violence est devenue plus aiguë, d’autant que le moindre fait divers est aussitôt médiatisé, abondamment commenté, voire exploité à des fins partisanes, d’où le sentiment d’une violence croissante. Nous avons cité précédemment Laurent Mucchieli pour étayer nos dires, nous invitons aujourd’hui à lire cet article d’un autre spécialiste des questions de sécurité, Sebastian Roché : « Policier en France : un métier dont la dangerosité décroît ». [4]
-Il s'agit d'un drame, peu importe les raisons évoquées, il s'est déroulé dans un poste de police et la victime est un policier municipal en service, puisqu'en tenue et affairé à des tâches administratives.
Nous complétons notre exposé à ce sujet en faisant référence à un autre drame qui a endeuillé les Yvelines en mars 2007 : le meurtre du chef de la police municipale de Chambourcy tué à coups de couteau à son domicile. [5] Un crime non élucidé à ce jour (« l'enquête n'a pas permis d'identifier les coupables, ni même de déterminer le mobile ») mais dont le scénario macabre aurait pu se reproduire à Saint-Arnoult-en-Yvelines.
Nous ajoutons que l’an dernier, La Voix du Nord a fait écho à une affaire comparable qui illustre le dépit amoureux :
Entre le 1er avril et le 8 novembre 2010, la victime, agent de police municipale, a fait l'objet de menaces de mort réitérées ainsi que d'outrages. Des menaces de mort envoyées par téléphone ou sur la boîte mail de la victime, qui stipulent : « Je vais te flinguer, je vais te saigner, je vais te tuer. » Ces phrases sont accompagnées d'outrages après que le prévenu se soit présenté sur le lieu de travail de la victime pour y prononcer quelques paroles désobligeantes. Interpellé, N. L., 31 ans, s'explique sur les faits qui lui sont reprochés lors de son audition : « J'étais en ménage lorsque celui qui se considère comme victime a commencé à draguer ma compagne. Quelque temps plus tard, elle est partie avec lui, et je reconnais que j'ai perdu la tête. Je n'acceptais pas cette situation et je reconnais les messages ainsi que les insultes. Depuis, j'ai refait ma vie et tout va bien. » Pour cette crise de jalousie intempestive, le prévenu est condamné à 15 jours amende à 20 euros. [6]
Dans ce cas comme celui de Saint-Arnoult-en-Yvelines, c’est le procès de la jalousie et la profession n’a eu aucune influence au vu du jugement : le prévenu n’a pas menacé l’agent de police municipale en raison de sa fonction mais bel et bien à cause d’un différend amoureux. Comme dit le dicton, le cœur a ses raisons que la raison ignore...
-Un policier municipal n'est pas uniquement chargé du stationnement ou de missions liées à l'environnement et si on lit attentivement l'article L2212-2 du CGCT, les lois spéciales; et le rôle des Agents de Police Judiciaire Adjoints, il est démontré qu'il fait partie de la 3e force de l'ordre en France.
Jean-Louis Del Pistoia est visiblement sensible à la flagornerie : la 3e force de l’ordre. Les politiciens serinent ce compliment depuis des années alors que les policiers municipaux sont au mieux considérés comme une force d’appoint, au pire cantonnés dans le rôle de supplétifs qui ne coûtent rien à l’Etat (les débats dans le cadre de la Loppsi 2 ont été révélateurs à ce propos). Une 3e force en petite forme, sommes-nous tentés d’ajouter, puisqu’elle ne représente à ce jour que 10 % des effectifs en tenue des forces étatiques et que les effectifs de policiers municipaux stagnent ces dernières années autour de 18 000 agents. [7] En outre, les gardiens de police municipale ont-ils les mêmes prérogatives que les gardiens de la paix ? La réponse est actuellement non. Pis, ils ont moins de pouvoirs que les gardes champêtres ! Enfin, c’est une troisième force désormais concurrencée par la sécurité privée dont la montée en puissance, particulièrement inquiétante, est fulgurante ces dernières années ; est-ce la conséquence d’une volonté politique délibérée ? [8] Nous avouons ici préférer voir des agents de police municipale plutôt que des vigiles sur la voie publique.
Bref, ces propos sont emprunts d'idéologies politiques d'un autre âge et ne tiennent pas compte de la réalité du terrain.
Je retourne le compliment, regrettant qu’un policier municipale, syndicaliste de surcroît, ne soit pas capable de prendre plus de hauteur sur les sujets qu'il aborde plutôt que de se contenter d'une vision parcellaire et partisane basée sur des faits divers ou des pratiques appliquées sur l’île de La Réunion. Il est d’ailleurs curieux pour un directeur de la communication de rédiger des communiqués à foison tout en interdisant le débat puisque les commentaires sont fermés. Ainsi, comment Philippe Marc du SDPM (Syndicat de défense des policiers municipaux) peut-il répondre au dernier billet rédigé sous forme de libelle ? [9] Ceci n’est guère fair-play. Enfin, est-il inconvenant de s’interroger sur la finalité des polices municipales ? Le Syndicat indépendant de la police municipale (SIPM) s’est pourtant prononcé en faveur de « la disparition de la Police Municipale telle qu’elle existe actuellement » [10] tandis que la CFTC Police municipale s’interrogeait récemment en ces termes : « La Police Municipale, absurdité ou nécessité ? » [11]Ce sont autant de preuves que c’est un débat d’actualité où il n’y a aucune idéologie d’un autre âge, mais des opinions diverses et variées, qui peuvent s’opposer.
Je persiste et signe, il ne s'agit aucunement d'une "exploitation à des fins partisanes d'un drame privé" puisque la victime était policier municipal en service et sur son milieu de travail.
Celle-ci n’ayant pas été agressée en raison de ses fonctions, mais pour des raisons amoureuses, il y a donc eu exploitation de ce drame privé. Dans le cas contraire, c’est au mieux une bourde personnelle, une maladresse syndicale, une parole malvenue… bref une erreur de communication dont l’USPPM n’est nullement responsable à notre connaissance, même si elle essaie paradoxalement de la justifier a posteriori.
Cédric, paix à ton âme, la profession ne t'oubliera pas, nous ne t'oublierons pas...
N’oublions pas la famille car la douleur est le lot des vivants. D’ailleurs, nous nous joignons avec sincérité aux condoléances présentées à la famille mais rien ne sera retiré de nos écrits car nul n’a le droit d’exploiter le malheur d’autrui.
[1] Jean-Louis Del Pistoia, « Réponse du berger à la bergère ? » in USPPM, 11 décembre 2012.
http://usppm.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/12/11/reponse-du-berger-a-la-bergere.html
[2] Laurent Opsomer, « SNPM : un séisme syndical ? » in Double Neuf, 5 février 2012.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2012/02/05/snpm-un-seisme-syndical.html
[3] « Sauter sa pause-déjeuner, c’est travailler 16 jours gratuits » in L’Express, 13 juillet 2012.
« Un salarié zélé, adepte du sandwich avalé devant l'écran en guise de pause déjeuner, offre à son employeur 128 heures de travail non rémunéré, ont calculé des chercheurs britanniques. »
[4] Sebastian Roché, « Policier en France : un métier dont la dangerosité décroît », 30 décembre 2011.
[5] « Le chef de la police municipale de Chambourcy tué à coups de couteau » in Le Monde avec AFP et Reuters, 22 mars 2007.
« L’assassinat du chef de la police municipale reste une énigme » in Le Parisien, 21 mars 2010.
[6] « La jalousie le conduit au tribunal » in La Voix du Nord, édition de Boulogne-sur-Mer, jeudi 21 avril 2011.
[7] Laurent Opsomer, « Polices municipales : mythes et réalités » in Double Neuf, 2 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/02/polices-municipales-mythes-et-realites.html
[8] Cf. la préface de Nicolas Sarkozy, président de la République, du Livre blanc de l’Institut national des hautes études de sécurité (INHES) et de la Confédération des services de sécurité européens (CoESS), « La participation de la sécurité privée à la sécurité générale en Europe » (décembre 2008).
[9] Jean-Louis Del Pistoia, « Lorsqu’on ne maîtrise pas suffisamment un sujet on s’abstient » in USPPM, 12 décembre 2012.
http://usppm.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/12/12/declarations-farfelues.html
[10] SIPM-FPIP, « L’avenir de la Police Municipale passe par sa disparition », pas de date.
http://www.euro-sipm.eu/pages/Lavenir_de_la_Police_Municipale_passe_par_sa_disparition_-5039743.html
[11] CFTC Police municipale, « La Police Municipale, absurdité ou nécessité ? », 23 octobre 2012.
http://cftcpolicemunicipale.unblog.fr/2012/10/23/la-police-municipale-absurdite-ou-necessite/
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10/12/2012
DU BERGER À LA BERGÈRE : RÉPONSE À L’USPPM
Jean-Louis Del Pistoia, directeur national de la communication de l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM), a estimé « nécessaire d'apporter une réponse » à notre article évoquant la lamentable exploitation du drame de Saint-Arnoult-en-Yvelines, réaction publiée à la fois sur ce blog et sur celui de l’USPPM. [1] Une démarche syndicale d’autant plus nécessaire que l’USPPM a publié un communiqué conjoint avec le SNPM-FO à ce sujet. [2] Nous reprendrons donc point par point ses allégations.
« Concernant les circonstances tragiques du décès de Cédric Josso, policier municipal assassiné dans son poste : un individu est rentré armé dans un poste de police, a commis un crime et est reparti sans problème, peu importe les raisons de cet acte, il s'agit d'un policier municipal en service et dans un poste de police qui a été égorgé, Monsieur Opsomer !». Nous nous permettons de nuancer ses propos en citant un extrait du Parisien :
Quand les sapeurs-pompiers et les forces de l’ordre se rendent dans ce petit poste de police, ils découvrent, dans son bureau, le fonctionnaire mort, baignant dans son sang. « Il a visiblement été frappé plusieurs fois au visage et à la gorge, précise une source proche de l’affaire. Deux coups très violents, donnés avec une arme blanche, probablement un cutter. » Selon les premières constatations, Cédric était seul dans son bureau à l’heure du déjeuner. « Il profitait de sa pause pour accomplir des tâches administratives, explique le procureur de Versailles, Vincent Lesclous. Il a de toute évidence ouvert à son agresseur, car la porte est munie d’un système de verrouillage automatique. » [3]
Conclusion : le poste de police municipale était habituellement fermé au public à l’heure du déjeuner, donc la victime n’était pas en service et a ouvert à son meurtrier qui l’a mortellement agressée, apparemment avec un cutter. Nous sommes confrontés dans le cas présent à un drame passionnel imprévisible. Nous répétons à nouveau que ce n’était pas le policier qui était visé, mais l’homme sous l’uniforme, celui perçu comme un rival amoureux. D’ailleurs, l’assassin s’est rendu aux gendarmes avant d’être interné en psychiatrie. [4]
« Peut-on imaginer, un seul instant qu'il se serait passé la même chose dans un commissariat de Police Nationale ou dans une brigade Territoriale de Gendarmerie ? » Fonctionnaires de police et gendarmes connaissent d’autres tragédies telles que celles de collègues se suicidant avec leur arme de service sur leur lieu de travail comme à Strasbourg ou à Caen.
« La question de doter les policiers municipaux de moyens de protection et de défense semble déplaire à monsieur Opsomer argumentant d'une façon ironique qu'il faudrait armer tous les citoyens, en prenant l'exemple d'une avocate marseillaise égorgée, elle aussi, dans son cabinet. » Nous constatons qu’à Marseille, les agents de police municipale manifestent non pas pour l’armement mais… contre le travail le week-end. [5]
« Les policiers municipaux ont pour mission d'assurer la sécurité publique, à l'inverse des citoyens et des gens de robe que nous respectons et qu'à ce titre, nous nous devons de protéger selon l'article L 2212-2 du Code Général des collectivités Territoriales, je ne suis pas sûr également qu'un agent doté d'une arme à feu l'aurait laissée dans un coffre alors qu'il était seul au poste. » M. Del Pistoia, votre raisonnement est particulièrement spécieux. D’abord, il faut citer l’intégralité de l’article L2212-2 car les missions de la police municipale ne se limitent pas à la sécurité, qui n’est ni l’alpha ni l’oméga de votre profession. D’ailleurs, en cas de flagrant délit, les agents de police municipaux interviennent comme tout citoyen dans le cadre de l’article 73 du Code de procédure pénale. Ensuite, quelle réaction auriez-vous eu si la victime s’était suicidée avec son arme de service sur son lieu de travail ? Une telle tragédie a eu lieu cette année dans le Rhône où un agent d’Irigny a retourné son arme contre lui dans les locaux de la police municipale : « L’agent a profité d’être seul pour diriger son arme de service contre lui et mettre fin à ses jours ». [6] Enfin, nous faisons écho aux propos d’Alain Vollaro, secrétaire-adjoint FO des territoriaux, majoritaire à Marseille. Lors de la manifestation des policiers municipaux le 4 décembre dernier, ce dernier a souligné que « le travail de la police municipale n'est pas d'assumer les problèmes actuels de la délinquance à Marseille ». [7]
« Nous n'avons jamais soutenu l'armement de tous les citoyens, il est parfois bon de réfléchir avant d'écrire... » Avons-nous écrit cela ? Nous avons simplement poussé la logique du secrétaire général du SNPM-FO jusqu’à l’absurde, même si une telle revendication pourrait paraître légitime puisque, comme l’a souligné Philippe Marc du SDPM, c’est un drame d'ordre privé et non lié aux fonctions. Aussi, nous nous permettons de vous retourner votre conseil : il est parfois bon de réfléchir avant d’écrire…
« A travers les circonstances de ce drame c'est la sécurité des agents de police municipale qui est remis en question, car on peut également imaginer qu'un contrevenant mécontent en veuille à un policier au point d'aller dans le poste de police afin d'en découdre avec celui-ci. » On peut tout imaginer, même le pire ! On peut dramatiser à l’extrême et exploiter délibérément le moindre fait divers, hémoglobine à l’appui. Reconnaissez, cependant, qu’un policier municipal dégaine plus souvent un carnet de contredanses pour un conducteur en faute ou une voiture mal stationnée qu’une arme à feu.
« Cet agent de police municipale de Redon, assurant la sécurité aux abords d'une école, sans arme et abattu d'une balle dans la tête en est la preuve, le contrevenant n’avait pas apprécié qu'il ait fait son travail. » Non seulement le drame de Redon est vieux de vingt ans mais vous déformez les faits !
Redon - le 17 octobre 1992. Vers midi, Michel Macé brigadier de la police municipale règle la circulation au carrefour de l’avenue de la Gare et de la rue des douves. Soudain il entend un employé de la Banque de Bretagne qu’il connaît bien crier : « C’est un hold up ! ». Le policier lance un appel radio puis se lance à la poursuite du braqueur. Arrivé à sa hauteur, il tente de le ceinturer. Mais le malfaiteur se retourne et braque son pistolet sur lui. Michel Macé tente de maîtriser son agresseur en saisissant le poignet du bras armé. Après une bousculade de quelques secondes, six coups de feu partent. Le policier est atteint d’une balle en pleine poitrine. Il s’écroule face contre terre. Le tueur lui tire une dernière fois dans le dos. Les deux balles qui ont atteint Michel Macé sont mortelles. Quand ses collègues arrivent, Michel Macé 39 ans et père de deux enfants, est mourant son assassin a disparu. [8]
En outre, les six agents de police municipale de cette localité sont armés : tonfa, bombe lacrymogène et même arme de poing avec cette nuance apportée par les fonctionnaires municipaux eux-mêmes [9] : « On a aussi un revolver, mais on ne le porte pas en permanence. » (sic)
« Quant-à cette personne en détresse qui aurait l'intention de se réfugier dans un poste de police municipale, peut-elle être sûre d'y trouver refuge puisque même les agents y sont abattus ! » C’est Terminator ? Fort Alamo ? Vous confondez avec aplomb un meurtre à l’arme blanche et une fantasmatique attaque d’un poste de police municipale à l’arme automatique ! Vous mélangez délibérément tout pour justifier l’injustifiable : l’exploitation éhontée d’un drame privé pour relancer le débat sur l’armement des policiers municipaux. Néanmoins, comme le montre l’exemple de Sainte-Maxime dans le Var, nous vous accordons qu’un poste de police municipale n’est visiblement pas toujours un bon refuge. [10]
« Il n'y a donc, dans ces circonstances aucune récupération mais plutôt une sonnette d'alarme tirée, face à l'insécurité grandissante, les membres des forces de l'ordre, dont font partie les policiers municipaux doivent avoir les moyens de protection et de défense appropriés à leur environnement professionnel et s'ils doivent réellement assurer la sécurité d'autrui, cette mesure est indispensable ! » La dramatisation est le leitmotiv des tenants de l’armement des gardiens de police municipale. Aussi, nous vous invitons à lire cette étude de mars 2010 du sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherches au CNRS (Cesdip) et spécialiste des questions de sécurité :
Les métiers de policier, de gendarme mais aussi de pompiers sont des métiers à risque, nul ne songerait le nier ni même à le relativiser. Mais ceci ne devrait pas autoriser, même en campagne électorale, à dramatiser la réalité jusqu’à susciter dans le débat public des contrevérités. Ainsi l’idée selon laquelle ces métiers sont de plus en plus dangereux et occasionnent de plus en plus de morts est une idée fausse. [11]
« Nous n'avons pas attendu ce drame pour revendiquer un armement systématique des policiers municipaux, ces propos tout comme la loi de 1999 ne tiennent pas compte de la réalité quotidienne des fonctionnaires de police municipale. » La question de l’armement des polices municipales est, en effet, une polémique ancienne et récurrente. Cependant, à ce jour, l’armement des policiers municipaux n’est ni un droit, ni automatique, encore moins obligatoire. [12] Que vous vous battiez pour défendre vos convictions, pour faire avancer vos revendications est une démarche légitime pour une organisation syndicale. Ce qui l’est moins est l’exploitation à des fins partisanes d’un drame privé qui n’a aucun lien avec vos exigences professionnelles.
« Je reste persuadé qu'en cas de problème Monsieur Opsomer sera ravi d'être protégé par un policier municipal doté de moyens pour le faire... » Dans des circonstances similaires, nous composerons immédiatement le 17… si notre agresseur nous en laisse le temps. Par contre, si un voisin brûle ses déchets ou tond un dimanche, face à un animal errant ou un problème de déjections canines, nous solliciterons, bien évidemment, l’agent de police municipale de notre commune conformément à l'article L2212-2 susmentionné.
[1] Laurent Opsomer, « Saint-Arnoult-en-Yvelines : l’exploitation éhontée d’un drame privée » in Double Neuf, 5 décembre 2012.
USPPM, « Réponse à monsieur Opsomer », 7 décembre 2012.
http://usppm.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/12/07/repon...
[2] USPPM et SNPM-FO, « On nous abandonne à notre sort », communiqué du vendredi 7 décembre 2012.
http://usppm.fr/index.php/26-actualites/actualites-syndic...
« Face à ce constat, Frédéric Foncel et Raphael Gutierrez, Secrétaires Généraux du SNPM-FO (Syndicat National des Policiers Municipaux FO) et Bernard Vellutini, Président de l'USPPM (Union Syndicale Professionnelle des Policiers Municipaux), ont décidé de s'exprimer conjointement et de faire front commun sur la question de l'attribution obligatoire de l'armement en arme à feu et de moyens de protection adaptés pour tous les policiers municipaux. »
[3] Julien Constant, « Le chef de la police municipale de Saint-Arnoult égorgé » in Le Parisien, 1er décembre 2012.
http://www.leparisien.fr/rambouillet-78120/le-chef-de-la-...
[4] « Policier municipal égorgé : le suspect interné en psychiatrie » in Libération avec AFP, 1er décembre 2012.
http://www.liberation.fr/depeches/2012/12/01/policier-mun...
[5] S.T., « Marseille : 150 policiers municipaux manifestent contre le travail le week-end » in BFMTV avec AFP, 4 décembre 2012.
http://www.bfmtv.com/societe/marseille-150-policiers-muni...
[6] A.D., « Un policier municipal d’Irigny se suicide avec son arme de service » in Le Progrès, 14 juin 2012.
http://www.leprogres.fr/rhone/2012/06/14/un-policier-muni...
[7] « Marseille : des policiers municipaux manifestent contre le travail le week-end » in Francetv info avec AFP, 4 décembre 2012.
http://www.francetvinfo.fr/marseille-des-policiers-munici...
[8] « Hommage à nos collègues morts en service » in Centerblog, 29 mars 2011.
http://infospolicemun.centerblog.net/37-hommage-a-nos-col...
Trois policiers municipaux morts par arme à feu… depuis 1991.
[9] Yann-Armel Huet, « Redon. Policiers, ils travaillent à côté de chez vous » in Ouest-France, jeudi 18 décembre 2008.
http://www.redon.maville.com/actu/actudet_-Policiers-ils-...
[10] G.D., « Un automobiliste frappé par un policier municipal de Ste-Maxime » in Var Matin, 23 septembre 2011.
http://www.varmatin.com/article/saint-tropez/un-automobil...
[11] Laurent Mucchielli, « Des métiers à risque, mais (heureusement) de moins en moins meurtriers » in Délinquance, justice et autres questions de société, 18 mars 2010.
[12] Laurent Opsomer, « Faut-il armer les polices municipales » in Double Neuf, 16 juin 2011.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/16/faut-il-armer-les-polices-municipales.html
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05/12/2012
SAINT-ARNOULT-EN-YVELINES : L’EXPLOITATION ÉHONTÉE D’UN DRAME PRIVÉ
Des enquêteurs sur les lieux où a été tué le chef de la police municipale à Saint-Arnoult-en-Yvelines,
le 30 novembre 2012 (AFP, Kenzo Tribouillard)
« Le chef de la police municipale de Saint-Arnoult-en-Yvelines (Yvelines) a été égorgé dans son bureau vendredi par l'ex-mari de sa compagne, qui s'est rendu à la gendarmerie après ce crime passionnel ». La dépêche de l’AFP glace le sang. Pourtant, celui de Jean-Patrick Grumberg ne fait qu’un tour ! Ce dernier se présente sur son site comme journaliste et photographe de rue. Des caniveaux devrait-il préciser car cet énergumène, visiblement enclin à l’islamophobie, exploite cette tragédie en évoquant un « égorgement rituel », le tout accompagné d’une photo montrant le sacrifice de deux boucs dans le cadre de l’Aïd. [1] Une écœurante manipulation à des fins de propagande raciste qui permet aux xénophobes de vomir leur haine avec des commentaires particulièrement nauséabonds. La plume brandie bien haut, il poste rapidement un autre billet sur ce sujet, tout aussi tendancieux : « Le policier de St-Arnould a-t-il été égorgé par un musulman ? » mais il l’a vite supprimé car diffamatoire et mensonger. Hélas pour lui, la Toile conserve tout en mémoire.
La dépêche de l’AFP précise que « Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'est entretenu avec le maire de Saint-Arnoult Jean-Claude Husson, et a fait savoir, dans un communiqué, que même si ce crime "a pour origine des motifs privés", il "a tenu à soutenir les policiers municipaux fortement choqués par ce drame". » En effet, ce n’était pas le policier qui était visé, mais l’homme sous l’uniforme, celui perçu comme un rival amoureux. Cependant, les cinq policiers municipaux de la commune n’étant pas équipés d'armes à feu (ils disposent d'un armement de 6e catégorie), Frédéric Foncel, secrétaire général du Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-FO), assène que « S'il avait été armé, il aurait pu se défendre et neutraliser son agresseur. » [2]Cette assertion est révélatrice de la vision qu’a cette organisation syndicale de l’agent de police municipale : un shérif qui ne se sépare jamais de sa quincaillerie sécuritaire, prêt à la dégainer à tout instant. C’est une vision d’assiégé avec une perception négative de l’environnement du policier municipal, un monde évidemment menaçant, d’où une course à l’armement. Finalement, c’est une vision surannée qui rappelle fortement l’antagonisme récurrent de la guerre froide, une vision particulièrement manichéenne, presque infantile, où les « bleus » sont toujours les gentils et tous les autres forcément des méchants : vous êtes invariablement un bandit en puissance puisque vous constituez une hypothétique menace potentielle. De cette perception schizophrène naît le sentiment que l’altérité est un danger. Une position très éloignée au final de la proximité revendiquée par les partisans des polices municipales.
C’est aussi une revendication erronée dans le cas présent : imagine-t-on sincèrement la victime arborant constamment un Colt à la ceinture ou recevant ses visiteurs le revolver posé sur son bureau ? L’argument est d’autant moins pertinent que même s’il eût été armé, ce fonctionnaire territorial, en bon professionnel, aurait rangé son arme de poing dans le coffre ou l’armoire forte du poste de police municipale. [3]
En outre, une arme à feu ne préserve nullement des agressions. Ainsi, en octobre 2011, à Argelès-sur-Mer, un agent de police municipale « a été violemment agressé par un individu armé d'un couteau, qui aurait tenté de lui porter un coup à la gorge et de s'emparer de son arme de service ». Il a dû son salut non pas à son arme de service mais grâce à l’intervention impromptue d’un témoin. [4]
Enfin, suivant la logique de Frédéric Foncel, pourquoi ne pas généraliser l’armement à l’ensemble de la population ? En effet, le même jour que le drame de Saint-Arnoult-en-Yvelines, une avocate marseillaise était égorgée dans son cabinet, meurtre précédé quarante-huit heures auparavant d’un autre égorgement dans le quartier de Châteaucreux à Saint-Etienne : un détenu récemment libéré et trucidé à l’arme blanche. [5] Dès lors, adoptons le deuxième amendement de la Constitution américaine qui garantit pour tout citoyen le droit de porter des armes. Notre sécurité sera-t-elle pour autant améliorée ? On peut en douter au vu de la violence de la société américaine - on y estime le nombre de morts par armes à feu à 34 000 par an ! – dont la justice est pourtant peu suspecte d’angélisme (puisqu’éminemment répressive). [6]
[1] Jean-Patrick Grumberg, « Egorgement rituel : le chef de la police municipale de Saint-Arnoult en Yvelines égorgé dans son bureau » in Dreuz-info, 30 novembre 2012.
Jean-Patrick Grumberg, « Le policier de St-Arnould a-t-il été égorgé par un musulman ? » in Dreuz.info, 3 décembre 2012.
http://www.dreuz.info/2012/12/le-policier-de-st-arnoud-a-t-il-ete-egorge-par-un-musulman/
[2] « Saint-Arnould-en-Yvelines : le chef de la police municipale tué dans son bureau » in L’Express avec AFP, 30 novembre 2012.
Réaction sur le site de L’Express de Philippe Marc, ex-responsable de la communication du SNPM : « Il est vraiment indécent de profiter de ce drame tragique pour que le SNPM-FO en fasse une récupération pour relancer le débat sur l'armement des Policiers Municipaux. Il s'agit malheureusement d'un drame d'ordre privé et non lié aux fonctions de notre collègue mortellement agressé. Tout citoyen victime d'une telle agression d'ordre privé n'aurait pas été armé. Sincères condoléances à la famille et aux collègues de la victime. »
[3] Le décret n°2000-276 du 24 mars 200 impose des obligations particulières de conservation des armes détenues par les communes pour leur service de police municipale. Ces obligations sont énoncées à l’article 10 : « Sauf lorsqu'elles sont portées en service par les agents de police municipale ou transportées pour les séances de formation prévues par l'article 5-1, les armes et munitions de la 4e et de la 7e catégorie et les armes de la 6e catégorie doivent être déposées, munitions à part, dans un coffre-fort ou une armoire forte, scellés au mur ou au sol d'une pièce sécurisée du poste de police municipale. »
[4] La. M., « Il tente de poignarder un policier municipal » in L’Indépendant du Midi, 13 octobre 2011.
http://www.lindependant.fr/2011/10/13/il-tente-de-poignar...
[5] « Marseille : une avocate égorgée dans son cabinet » in Le Figaro avec agences, 30 novembre 2012.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/30/01016-...
J-Y.M., « Saint-Etienne. L’homme égorgé dans sa voiture sortait tout juste de prison » in Le Progrès, vendredi 30 novembre 2012.
http://www.leprogres.fr/loire/2012/11/30/l-homme-egorge-d...
[6] « 34 000 : le nombre d’Américains tués chaque année par armes à feu » in Atlantico.fr, 24 juillet 2012.
http://www.atlantico.fr/decryptage/34-000-nombre-americains-tues-chaque-annee-armes-feu-430043.html
Stéphanie Hancq, « Les armes à feu aux Etats-Unis en quelques chiffres » in Le Nouvel Observateur, 29 juin 2010.
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