05/12/2012
SAINT-ARNOULT-EN-YVELINES : L’EXPLOITATION ÉHONTÉE D’UN DRAME PRIVÉ
Des enquêteurs sur les lieux où a été tué le chef de la police municipale à Saint-Arnoult-en-Yvelines,
le 30 novembre 2012 (AFP, Kenzo Tribouillard)
« Le chef de la police municipale de Saint-Arnoult-en-Yvelines (Yvelines) a été égorgé dans son bureau vendredi par l'ex-mari de sa compagne, qui s'est rendu à la gendarmerie après ce crime passionnel ». La dépêche de l’AFP glace le sang. Pourtant, celui de Jean-Patrick Grumberg ne fait qu’un tour ! Ce dernier se présente sur son site comme journaliste et photographe de rue. Des caniveaux devrait-il préciser car cet énergumène, visiblement enclin à l’islamophobie, exploite cette tragédie en évoquant un « égorgement rituel », le tout accompagné d’une photo montrant le sacrifice de deux boucs dans le cadre de l’Aïd. [1] Une écœurante manipulation à des fins de propagande raciste qui permet aux xénophobes de vomir leur haine avec des commentaires particulièrement nauséabonds. La plume brandie bien haut, il poste rapidement un autre billet sur ce sujet, tout aussi tendancieux : « Le policier de St-Arnould a-t-il été égorgé par un musulman ? » mais il l’a vite supprimé car diffamatoire et mensonger. Hélas pour lui, la Toile conserve tout en mémoire.
La dépêche de l’AFP précise que « Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'est entretenu avec le maire de Saint-Arnoult Jean-Claude Husson, et a fait savoir, dans un communiqué, que même si ce crime "a pour origine des motifs privés", il "a tenu à soutenir les policiers municipaux fortement choqués par ce drame". » En effet, ce n’était pas le policier qui était visé, mais l’homme sous l’uniforme, celui perçu comme un rival amoureux. Cependant, les cinq policiers municipaux de la commune n’étant pas équipés d'armes à feu (ils disposent d'un armement de 6e catégorie), Frédéric Foncel, secrétaire général du Syndicat national des policiers municipaux (SNPM-FO), assène que « S'il avait été armé, il aurait pu se défendre et neutraliser son agresseur. » [2]Cette assertion est révélatrice de la vision qu’a cette organisation syndicale de l’agent de police municipale : un shérif qui ne se sépare jamais de sa quincaillerie sécuritaire, prêt à la dégainer à tout instant. C’est une vision d’assiégé avec une perception négative de l’environnement du policier municipal, un monde évidemment menaçant, d’où une course à l’armement. Finalement, c’est une vision surannée qui rappelle fortement l’antagonisme récurrent de la guerre froide, une vision particulièrement manichéenne, presque infantile, où les « bleus » sont toujours les gentils et tous les autres forcément des méchants : vous êtes invariablement un bandit en puissance puisque vous constituez une hypothétique menace potentielle. De cette perception schizophrène naît le sentiment que l’altérité est un danger. Une position très éloignée au final de la proximité revendiquée par les partisans des polices municipales.
C’est aussi une revendication erronée dans le cas présent : imagine-t-on sincèrement la victime arborant constamment un Colt à la ceinture ou recevant ses visiteurs le revolver posé sur son bureau ? L’argument est d’autant moins pertinent que même s’il eût été armé, ce fonctionnaire territorial, en bon professionnel, aurait rangé son arme de poing dans le coffre ou l’armoire forte du poste de police municipale. [3]
En outre, une arme à feu ne préserve nullement des agressions. Ainsi, en octobre 2011, à Argelès-sur-Mer, un agent de police municipale « a été violemment agressé par un individu armé d'un couteau, qui aurait tenté de lui porter un coup à la gorge et de s'emparer de son arme de service ». Il a dû son salut non pas à son arme de service mais grâce à l’intervention impromptue d’un témoin. [4]
Enfin, suivant la logique de Frédéric Foncel, pourquoi ne pas généraliser l’armement à l’ensemble de la population ? En effet, le même jour que le drame de Saint-Arnoult-en-Yvelines, une avocate marseillaise était égorgée dans son cabinet, meurtre précédé quarante-huit heures auparavant d’un autre égorgement dans le quartier de Châteaucreux à Saint-Etienne : un détenu récemment libéré et trucidé à l’arme blanche. [5] Dès lors, adoptons le deuxième amendement de la Constitution américaine qui garantit pour tout citoyen le droit de porter des armes. Notre sécurité sera-t-elle pour autant améliorée ? On peut en douter au vu de la violence de la société américaine - on y estime le nombre de morts par armes à feu à 34 000 par an ! – dont la justice est pourtant peu suspecte d’angélisme (puisqu’éminemment répressive). [6]
[1] Jean-Patrick Grumberg, « Egorgement rituel : le chef de la police municipale de Saint-Arnoult en Yvelines égorgé dans son bureau » in Dreuz-info, 30 novembre 2012.
Jean-Patrick Grumberg, « Le policier de St-Arnould a-t-il été égorgé par un musulman ? » in Dreuz.info, 3 décembre 2012.
http://www.dreuz.info/2012/12/le-policier-de-st-arnoud-a-t-il-ete-egorge-par-un-musulman/
[2] « Saint-Arnould-en-Yvelines : le chef de la police municipale tué dans son bureau » in L’Express avec AFP, 30 novembre 2012.
Réaction sur le site de L’Express de Philippe Marc, ex-responsable de la communication du SNPM : « Il est vraiment indécent de profiter de ce drame tragique pour que le SNPM-FO en fasse une récupération pour relancer le débat sur l'armement des Policiers Municipaux. Il s'agit malheureusement d'un drame d'ordre privé et non lié aux fonctions de notre collègue mortellement agressé. Tout citoyen victime d'une telle agression d'ordre privé n'aurait pas été armé. Sincères condoléances à la famille et aux collègues de la victime. »
[3] Le décret n°2000-276 du 24 mars 200 impose des obligations particulières de conservation des armes détenues par les communes pour leur service de police municipale. Ces obligations sont énoncées à l’article 10 : « Sauf lorsqu'elles sont portées en service par les agents de police municipale ou transportées pour les séances de formation prévues par l'article 5-1, les armes et munitions de la 4e et de la 7e catégorie et les armes de la 6e catégorie doivent être déposées, munitions à part, dans un coffre-fort ou une armoire forte, scellés au mur ou au sol d'une pièce sécurisée du poste de police municipale. »
[4] La. M., « Il tente de poignarder un policier municipal » in L’Indépendant du Midi, 13 octobre 2011.
http://www.lindependant.fr/2011/10/13/il-tente-de-poignar...
[5] « Marseille : une avocate égorgée dans son cabinet » in Le Figaro avec agences, 30 novembre 2012.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/30/01016-...
J-Y.M., « Saint-Etienne. L’homme égorgé dans sa voiture sortait tout juste de prison » in Le Progrès, vendredi 30 novembre 2012.
http://www.leprogres.fr/loire/2012/11/30/l-homme-egorge-d...
[6] « 34 000 : le nombre d’Américains tués chaque année par armes à feu » in Atlantico.fr, 24 juillet 2012.
http://www.atlantico.fr/decryptage/34-000-nombre-americains-tues-chaque-annee-armes-feu-430043.html
Stéphanie Hancq, « Les armes à feu aux Etats-Unis en quelques chiffres » in Le Nouvel Observateur, 29 juin 2010.
22:03 Publié dans Perso, Sécurité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : saint-arnoult-en-yvelines, police municipale, meurtre, crime, égorgement, assassinat, yvelines, xénophobie, islamophobie, racisme, extrême droite, jean-patrick grumberg, manipulation, propagande, diffamation, désinformation, intoxication, frédéric foncel, snpm-fo, syndicat national des policiers municipaux, armement
Commentaires
bonjour,
J'ai été moi-même très choqué par cet article trouvé sur le net. Quelle honte de voir ce drame personnel instrumentalisé tant par ce journaliste que par certains syndicalistes.
Écrit par : richard | 07/12/2012
Il parait nécessaire d'apporter une réponse à l'article de Monsieur Opsomer,
Concernant les circonstances tragiques du décès de Cédric Josso, policier municipal assassiné dans son poste : un individu est rentré armé dans un poste de police, a commis un crime et est reparti sans problème, peu importe les raisons de cet acte, il s'agit d'un policier municipal en service et dans un poste de police qui a été égorgé, Monsieur Opsomer !
Peut-on imaginer, un seul instant qu'il se serait passé la même chose dans un commissariat de Police Nationale ou dans une brigade Territoriale de Gendarmerie ?...
La question de doter les policiers municipaux de moyens de protection et de défense semble déplaire à monsieur Opsomer argumentant d'une façon ironique qu'il faudrait armer tous les citoyens, en prenant l'exemple d'une avocate marseillaise égorgée, elle aussi, dans son cabinet.
Les policiers municipaux ont pour mission d'assurer la sécurité publique, à l'inverse des citoyens et des gens de robe que nous respectons et qu'à ce titre, nous nous devons de protéger selon l'article L 2212-2 du Code Général des collectivités Territoriales, je ne suis pas sûr également qu'un agent doté d'une arme à feu l'aurait laissée dans un coffre alors qu'il était seul au poste.
Nous n'avons jamais soutenu l'armement de tous les citoyens, il est parfois bon de réfléchir avant d'écrire...
A travers les circonstances de ce drame c'est la sécurité des agents de police municipale qui est remis en question, car on peut également imaginer qu'un contrevenant mécontent en veuille à un policier au point d'aller dans le poste de police afin d'en découdre avec celui-ci.
Cet agent de police municipale de Redon, assurant la sécurité aux abords d'une école, sans arme et abattu d'une balle dans la tête en est la preuve, le contrevenant n’avait pas apprécié qu'il ait fait son travail.
Quant-à cette personne en détresse qui aurait l'intention de se réfugier dans un poste de police municipale, peut-elle être sûre d'y trouver refuge puisque même les agents y sont abattus !
Il n'y a donc, dans ces circonstances aucune récupération mais plutôt une sonnette d'alarme tirée, face à l'insécurité grandissante, les membres des forces de l'ordre, dont font partie les policiers municipaux doivent avoir les moyens de protection et de défense appropriés à leur environnement professionnel et s'ils doivent réellement assurer la sécurité d'autrui, cette mesure est indispensable !
Nous n'avons pas attendu ce drame pour revendiquer un armement systématique des policiers municipaux, ces propos tout comme la loi de 1999 ne tiennent pas compte de la réalité quotidienne des fonctionaires de police municipale.
Je reste persuadé qu'en cas de problème Monsieur Opsomer sera ravi d'être protégé par un policier municipal doté de moyens pour le faire...
Écrit par : usppm | 10/12/2012
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