25/09/2011

BEAUVAIS : DE L’AGRESSION AUX QUESTIONS

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Rappel des faits : « Ce soir du 11 septembre 2010, un groupe de jeunes joue au ballon agression,agent de police municipale,policier municipal,police municipale,frédéric foncel,beauvais,oise,snpm,snpm-cftc,syndicat national des policiers municipaux,jean-louis del pistoia,usppm,union syndicale professionnelle des policiers municipaux,voiture,automobile,amiens,justice,caroline cayeux,avocat,gilbert collard,hubert delarue,fo,force ouvrière,missions,compétences,abus de pouvoir,bavure,marion rambier,hervé malassis,mathieu volant,contrôle d’identité,relevé d’identité,contrôle routier,code de la route,code de procédure pénale,doctrine d’emploi,armementdans le quartier Bellevue à Beauvais. Une patrouille de police municipale intervient après une plainte de riverains. Les agents demandent leurs papiers d’identité aux jeunes. Certains refusent. La situation dégénère. Et quand son cousin tient tête à un policier, Christopher s’interpose. Il prendra un coup de matraque sur l’arcade. Blessé, il monte dans la Mercedes de son beau-père, stationnée quelques mètres plus loin et fonce. Il renverse deux des agents, blessant l’un à la tête et l’autre au poignet. Il prendra la fuite avant de se rendre quelques heures plus tard. L’affaire fait alors le tour des médias nationaux. Les syndicats [de police municipale] en profitent pour relancer le débat sur l’armement des policiers municipaux. » [3]

 

« C’est l’uniforme qui était visé », clame aussitôt la maire de Beauvais, Caroline Cayeux [4], qui dénonce « cette violence gratuite faite aux agents dépositaires de la force publique » [5]. « Les policiers municipaux ont joué aux cow-boys », rétorquent les habitants [6]. Le jeune homme est maintenu en détention jusqu’à son jugement par le tribunal correctionnel de Beauvais le 28 septembre 2010. À l’époque, la presse annonce un choc de titans lors du procès, celui de deux ténors du barreau [7] : Me Hubert Delarue pour la défense [8], tandis que Frédéric Foncel avise les journalistes de la venue du très médiatique Me Gilbert Collard en tant d’avocat de la partie civile [9] : « On a saisi Me Collard pour la défense des victimes, via la protection fonctionnelle. Il nous fallait un ténor du barreau car c'est une affaire grave. » [10] Finalement, ce fut une benjamine, Me Marion Rambier, représentante du cabinet de Me Collard. Le truculent Marseillais, désormais président du comité de soutien de Marine Le Pen, se serait-il dégonflé ? En dépit des apparences, le dossier n’était-il pas aussi solide malgré le battage médiatique ? Vraisemblablement sinon comment expliquer la mansuétude de la Cour d’appel d’Amiens ?

 

LAXISME JUDICIAIRE ?

 

Celle-ci a-t-elle fait preuve de laxisme ? Cette interrogation est d’autant plus lancinante que la justice fait rarement preuve d’indulgence en la matière. Ainsi, au mois de septembre 2011, le tribunal correctionnel de Mulhouse a condamné un jeune homme à trois mois de prison pour avoir crevé le pneu d’une voiture de la police municipale d’Altkirch [11]. Au même moment, à Béziers, un Agathois de 21 ans écopait d’un an d’emprisonnement avec maintien en détention pour avoir foncé sur des fonctionnaires de police à qui il devra régler 1 000 € de dommages et intérêts pour leur préjudice moral, plus 1 000 € pour les frais de justice [12]. Il est vrai qu’à la différence de Beauvais, ces prévenus étaient défavorablement connus des services de police. Néanmoins, la clémence de la Cour d’appel d’Amiens n’en demeure pas moins surprenante, voire suspecte, suscitant l’ire des organisations syndicales de police municipale, l’USPPM poussant l’audace à rappeler dans son communiqué la législation en matière de coups et blessures. Nul n’est censé, en effet, ignorer la loi. Me Delarue s’est d’ailleurs emparé de cet adage lors de sa plaidoirie, assénant que « les policiers municipaux ne doivent pas méconnaître le code de procédure pénale » [13] « Le côté singulier de ce dossier, c'est que rien n'indique, ni de près ni de loin, qu'un délit était en train de se préparer », note l’homme de loi, qui conclue que l’interpellation du jeune homme a été effectuée après une demande de contrôle d’identité, donc un abus de pouvoir des agents beauvaisiens.

 

DU CONTRÔLE AU RECUEIL D’IDENTITÉ

 

Dans cette affaire, ces derniers interviennent pour des nuisances sonores, conformément aux articles L2212-2 et L2212-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), puis réclament l'identité des différents protagonistes. C’est là que le bât blesse : est-ce un relevé d’identité comme l’affirme la partie civile ou un contrôle d’identité comme le souligne la défense ? En première instance fut reconnue l’illégalité du contrôle d’identité [14]. En effet, malgré leur homonymie, un gardien de police municipale n’est pas un gardien de la paix. Un agent de police municipale (APM) est agent de police judiciaire adjoint (APJA) selon l’article 21 du Code de procédure pénale (CPP). A ce titre, il ne peut réaliser de contrôles d’identité [15]. Si l’article 78-1 du CPP spécifie que « Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d'identité […] », l’article 78-2 précise, toutefois, que seuls « Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité […] ». Les APM, cités à l’article 21-2°, sont donc exclus [16]. Dès lors, ceux-ci ne bénéficient que de l’article 78-6, qui leur permet de « relever l'identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux concernant des contraventions aux arrêtés de police du maire, des contraventions au code de la route que la loi et les règlements les autorisent à verbaliser ou des contraventions qu'ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse. » Une infraction préalable est donc impérative à son application. Il ajoute que « Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant. A défaut de cet ordre, l'agent de police judiciaire adjoint mentionné au premier alinéa ne peut retenir le contrevenant. » Le relevé d’identité est donc clairement fixé par les textes. Cette réalité n’a pas empêché Mathieu Volant, délégué national du SNPM, de déclarer avec amertume : On n'a toujours pas obtenu une définition claire du relevé d'identité [ce qui est faux au vu des articles susvisés]. Comment peut-on travailler demain pour établir un procès verbal pour tapage sans demander l'identité ? [l’article 78-6 démontre l’inanité de cet argument] Notre statut est décidément un statut bâtard ». [17] Cela dit, en appel, la Cour d'Amiens a infirmé l’illégalité du contrôle d’identité prononcée en première instance au motif « que l’intervention des policiers municipaux ne s’analysait pas en un simple contrôle d’identité, pour lequel ils ne sont légalement habilités ; au contraire, constatant que des infractions venaient d’être commises, notamment une violation de domicile, par suite de l’escalade de la clôture [pour récupérer un ballon de football tombé dans le jardin] fermant la propriété des époux P. et des outrages à personne dépositaire de l’autorité publique, lesquels agissements susceptibles de caractériser un délit pénal, venaient d’être commis, lesdits agents de police municipale ont, dans le cadre de la flagrance, tenté d’identifier leurs auteurs, à la faveur d’un recueil d’identité ». En résumé, ce n’est pas un contrôle d’identité, ni un relevé d’identité mais un recueil d’identité, une manière astucieuse de ménager la chèvre et le chou ! En effet, si la procédure du contrôle d’identité est interdite aux agents de police municipale, celle du relevé d’identité ne peut se dérouler qu'en cas de constatation d'une infraction. En dehors de ce cas, seul un recueil d'identité peut être mis en œuvre, qui consiste à demander à la personne de décliner son identité, mais sans pouvoir exiger d’elle la présentation d’un document justifiant de celle-ci, ni, en cas de refus, faire usage de moyens coercitifs, à la différence des deux précédentes procédures [18]. L’action des agents beauvaisiens a, néanmoins, dégénéré suite au refus de jeunes gens de se soumettre à ce « recueil d’identité » et tout a dérapé avec une brusque bousculade et des coups pour aboutir à l’inacceptable, même sous le coup de l’émotion : foncer sur une personne avec une voiture.

 

PRÉMÉDITATION ?

 

Coups et blessures volontaires, clamaient les policiers municipaux. Panique et acte non prémédité, rétorquait la défense. Finalement, « Les juges ont retenu le fait que l'action de Christopher, ce 11 septembre 2010, n'était pas préméditée. […] Pour la défense, l'action des policiers municipaux était disproportionnée par rapport à la situation. Christopher, qui était inconnu de la justice, aurait agi par peur. Il aurait perdu son sang-froid. » [19]

Les chroniqueurs judiciaires soulignent que la défense s’est appuyée sur un argument qui a dû peser lourd auprès des juges : pour Me Hubert Delarue, son client « n’a pas foncé délibérément avec cette voiture sur les policiers, il ne voulait pas les blesser ou les tuer […]. Il s’est dirigé certes sur les policiers, mais aussi vers son père qui se trouvait au milieu d’eux. On ne peut imaginer qu’il ait voulu écraser son propre père ! D’ailleurs, ce dernier n’a pas été touché par la voiture uniquement parce qu’il a eu le réflexe de se jeter contre une camionnette ! Cet homme a d’ailleurs évité qu’une femme policière soit également renversée par la voiture, puisqu’il l’a tirée en arrière », explique l’avocat amiénois, qui conclue : « Au départ, c’est une histoire de gamins qui jouaient au ballon. Christopher a reçu un coup de tonfa sur la tête, il était en sang, il a paniqué ». [20] Ainsi n’y a-t-il eu, ce soir là, à aucun moment d’intention homicide.

 

UNE DOCTRINE D’EMPLOI

 

Au-delà du fait divers, ce procès a relancé le débat sur les fonctions et les compétences des agents municipaux. Déjà, Hervé Malassis, employé municipal d’Evreux et référent national FO de la police municipale, avait affirmé, lors de sa visite aux fonctionnaires blessés en septembre 2010, que « les policiers municipaux sont désormais confrontés aux mêmes risques que les autres forces de l’ordre. » [21] Un an après, le SNPM tient le même discours :

 

Une méconnaissance du statut de policier municipal, voilà ce qui ressort finalement de ce procès, selon [le président du SNPM]. Le même jour, Frédéric Foncel était justement reçu au ministère de l’Intérieur pour réclamer « une doctrine d’emploi ». « Il faut que nos missions soient clairement définies aux yeux des maires. On intervient de la même manière que les nationaux sans en avoir les moyens. » [22] Le débat sur l’armement et la reconnaissance du métier est de nouveau relancé. [23]

 

En la matière, ce sont les missions qui déterminent actuellement l’armement et non l’inverse [24]. D’ailleurs, la police municipale de Beauvais n’est nullement désarmée :

 

À Beauvais, les 50 agents sont déjà bien dotés « C’est à l’appréciation de chaque collectivité. Le maire en fait la demande et le préfet autorise. On a la chance d’avoir un maire qui nous écoute. » Les policiers ont un équipement personnel constitué d’un gilet par balle, une bombe lacrymogène, un tonfa et pour la brigade de nuit, un flash ball. L’an dernier, à travers la commission d’hygiène et de sécurité, la police municipale de Beauvais a obtenu des films protecteurs sur les vitres de leurs véhicules pour éviter les éclats de verre, ainsi qu’un casque et un bouclier de protection. [25]

 

Lanceur de balles de défense (LBD) de type Flash-Ball, casque, bouclier… donc du matériel de maintien de l’ordre alors que celui-ci est interdit aux polices municipales comme le rappelle une circulaire ministérielle en date du 20 juillet dernier. Autre lieu, autres mœurs : « Le maire de Franconville, dans le Val-d’Oise, veut pourchasser les dealers et pour cela il souhaite que sa police soit équipée de Flash-Ball. Cette volonté affichée d’empiéter sur le domaine de la police nationale amène à s’interroger sur les missions de la police municipale et sur son armement. » [26]

 

Si l’utilité sociale des polices municipales est indéniable (là où elles existent, soit dans moins de 10 % des communes), les conditions d’emploi des APM interpellent ! La sécurité n’est pas l’alpha et l’oméga des polices municipales, au contraire ! Comme le démontrent les articles L2212-2 et L2212-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), c’est l’une des missions des polices municipales et non LA MISSION de ces dernières. Il est donc erroné de se focaliser uniquement sur celle-ci tout en négligeant le large panel des compétences municipales ; « La grande diversité des polices municipales découle des choix réalisés localement par les élus et s’oppose ainsi à une refonte statutaire nationale », dixit l’Inspection générale de l’administration (page 35). Par conséquent, il est urgent de rappeler non seulement les bases de la profession mais aussi et surtout de définir un mode d’emploi [27] tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution.

 

J’ai souvent lu ou entendu qu’un gardien de police municipale ne doit pas apparaître comme la pâle copie d’un gardien de la paix, que ce n’est pas un policier au rabais ou qu’il faut élever les polices municipales au rang de troisième force de l’ordre en France, agissant localement aux côtés des douanes, de la police et de la gendarmerie nationales. Ce sont d’ailleurs des revendications récurrentes de la part de ces fonctionnaires territoriaux. Après tout, pourquoi pas ? Mais alors quel est l’intérêt pour les policiers municipaux de plagier délibérément la police nationale, de se référer continuellement à cette dernière, de revendiquer obstinément un alignement sur celle-ci, de ne voir que par elle et à travers elle pour, au final, apparaître comme une force supplétive de la police nationale, pis un succédané à son désengagement [28] ? Ces fonctionnaires territoriaux ne devraient-ils pas, au contraire, cultiver leur particularité faite de proximité et de diversité afin de se constituer une identité propre, surtout que leurs effectifs stagnent ces dernières années en raison de la crise financière qui frappe les collectivités ? Ces agents municipaux auraient tort de renier la prévention, fibre originelle de leur métier, pour une répression aveugle et de se couper ainsi de la population, perdant par la même occasion ce qui fait aujourd’hui leur légitimité, voire leur raison d’être, à savoir la proximité tant vantée, pour ne pas dire revendiquée, puisque plus rien ne les différencierait alors des forces étatiques. C’est d’ailleurs la conclusion unanime de ceux qui se sont penchés sur la réalité et l’avenir des polices municipales : le préfet feu Jean Ambroggiani, l’Inspection générale de l’administration (IGA), Virginie Malochet

 



[1] Pauline Conradsson, « Policiers renversés : peine allégée pour le conducteur » in Le Parisien, 8 septembre 2011.

http://www.leparisien.fr/oise-60/policiers-renverses-peine-allegee-pour-le-conducteur-08-09-2011-1597001.php

 

[2] USPPM, « Lamentable… » in Le Post.fr, 8 septembre 2011.

http://www.lepost.fr/article/2011/09/08/2585206_lamentabl...

 

[3] Pauline Conradsson, « Policiers renversés : peine allégée pour le conducteur » in Le Parisien, 8 septembre 2011.

 

[4] Membre de l’UMP, Caroline Cayeux a été élue présidente déléguée de la Fédération des maires des villes moyennes (20 000 à 100 000 habitants) en juin 2011. Fin 2010, la maire de Beauvais, proche de François Fillon, fut pressentie un temps pour intégrer son gouvernement lors du remaniement imposé par le départ d’Eric Woerth, ministre du Travail et maire de Chantilly, affaibli par l’affaire Bettencourt. Las pour l’édile, la rumeur ne s’est pas concrétisée.

 

[5] « Police municipale : un statut dérogatoire » in Le Courrier picard, mercredi 15 septembre 2011.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...

 

[6] « Un jeune renverse deux policiers municipaux » in Le Parisien, 13 septembre 2010.

http://www.leparisien.fr/oise-60/un-jeune-renverse-deux-policiers-municipaux-13-09-2010-1065503.php

 

[7] Khalid Garaa, « Beauvais : Christopher jugé ce mardi après-midi » in L’Observateur de Beauvais, 28 septembre 2010.

http://www.lobservateurdebeauvais.fr/28092010Beauvais--Christopher-juge-ce-mardi-apres-midi,6097.media?a=3620

 

[8] Florence Aubenas, « Marqué Outreau » in Libération, 17 février 2006.

http://www.liberation.fr/portrait/010139253-marque-outreau

 

[9] Khalid Garaa, « Beauvais : Me Collard assurera la défense de deux des policiers blessés. » in L’Observateur de Beauvais, 15 septembre 2010.

http://www.lobservateurdebeauvais.fr/15092010Beauvais--Me-Collard-assurera-la-defense-de-deux-des-policiers-blesses,6586.media?a=3567

 

[10] « Les syndicats mettent la pression sur les élus pour obtenir des armes » in Le Courrier picard, mercredi 15 septembre 2010.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Didier-Ils-voulaient-juste-tuer-du-flic/Les-syndicats-mettent-la-pression-sur-les-elus-pour-obtenir-des-armes

 

[11] « Pneu crevé, peine gonflée » in Les Dernières Nouvelles d’Alsace, mardi 6 septembre 2011.

http://sitemap.dna.fr/articles/201109/06/pneu-creve-peine...

 

[12] Annick Koscielniak, « Béziers. Un an ferme pour avoir foncé sur les fonctionnaires de police » in Le Midi libre, 6 septembre 2011.

http://www.midilibre.fr/2011/09/05/un-an-ferme-pour-avoir-fonce-sur-les-fonctionnaires-de-police,382429.php

 

[13] Mélanie Carnot et Gabriel Thierry, « BEAUVAIS Agression des policiers : 18 mois ferme requis » in Le Courrier picard, mercredi 29 septembre 2010.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...

 

[14] Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Policier municipal : "un statut bâtard" » in Le Courrier picard, jeudi 30 septembre 2010.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...

 

[15] Une astuce permet de contourner légalement cet obstacle juridique dans un cas précis, celui d’un contrôle routier. Les articles L.130-4 et R.130-2 du Code de la route permettent, en effet, aux agents de police municipale (APM) de constater par procès verbal l’ensemble des contraventions à l'exception de celles prévues aux articles R.121-1 à R.121-5, R.221-18, R.222-2, R.222-3, R.234-1, R.314-2, R.411-32, R.412-17, R.412-51, R.412-52, R.413-15. Or, en s’appuyant sur l’article R.233-1 du Code de la route, les APM peuvent ni plus ni moins procéder à un contrôle d’identité ; les informations inscrites sur le permis de conduire ne révèlent-elles pas notre identité ? Ainsi, ces fonctionnaires territoriaux ne sont-ils plus entravés par l’impératif d’une infraction préalable*, condition obligatoire au relevé d’identité. C’est une manière de contourner très habilement l’article 78-6 du Code de procédure pénale. Par contre, au vu des articles 78-2-2 à 78-2-4, les APM ne peuvent pas procéder à la visite des véhicules contrôlés.

* Voir la question n°43491 de Jean-Claude Perez, député socialiste de l’Aude, en 2004.

http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-43491QE.htm

 

[16] Le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositions relatives aux polices municipales dans la Loppsi 2 : les articles 91 et 92. Le premier prévoyait d’accorder le statut d’APJ (agent de police judiciaire) aux directeurs de police municipale, disposition que le Conseil a jugée contraire à l’article 66 de la Constitution, selon lequel la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. Le second autorisait les APM à participer à des contrôles d’identité, effectués sous l’autorité d’un OPJ (officier de police judiciaire). Selon les Sages, les policiers municipaux relevant des autorités communales ne peuvent être mis à disposition des OPJ. Par contre, ils ont validé l’article 93, qui stipule que les APM peuvent effectuer des contrôles d’alcoolémie dans le cadre de contrôles routiers à l’initiative d’un OPJ de la police ou gendarmerie nationales.

 

[17] Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Policier municipal : "un statut bâtard" » in Le Courrier picard, jeudi 30 septembre 2010.

 

[18] Question n°76155 d’Alain Bocquet, député communiste du Nord, du 18 octobre 2005 (12ème législature).

http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-76155QE.htm

 

[19] Gautier Lecardonnel, « Beauvais. Une simple amende pour avoir foncé sur les policiers » in Le Courrier Picard, jeudi 8 septembre 2011.

[20] Gautier Lecardonnel et Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Violences contre des policiers municipaux : "Il n’a pas voulu les blesser" » in Le Courrier picard, vendredi 9 septembre 2011.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...

 

[21] F.D., « BEAUVAIS Un délégué syndical FO au chevet des policiers blessés » in Le Courrier picard, vendredi 17 septembre 2010.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-re...

 

[22] Laurent Opsomer, « Polices municipales : mythes et réalités » in Double Neuf, 2 juin 2011.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/02/polices-municipales-mythes-et-realites.html

 

[23] Gautier Lecardonnel et Mélanie Carnot, « BEAUVAIS Violences contre des policiers municipaux : "Il n’a pas voulu les blesser" » in Le Courrier picard, vendredi 9 septembre 2011.

 

[24] Laurent Opsomer, « Faut-il armer les polices municipales ? » in Double Neuf, 16 juin 2011.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/16/faut-il-armer-les-polices-municipales.html

 

[25] F.D., « BEAUVAIS Un délégué syndical FO au chevet des policiers blessés » in Le Courrier picard, vendredi 17 septembre 2010.

 

[26] Georges Moréas, « L’essor de la police municipale » in Police et cetera, 17 juin 2009.

http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/06/17/lessor-de-la-police-municipale/

 

[27] Georges Moréas, « Police municipale : à quand un mode d’emploi ? » in Police et cetera, 30 novembre 2009.

http://moreas.blog.lemonde.fr/2009/11/30/police-municipale-a-quand-un-mode-demploi/

 

[28] APVF, « Etude sur les polices municipales des petites villes de France : Quelle police municipale pour demain ? », 26 janvier 2011.

http://www.apvf.asso.fr/files/notes-techniques/Resultats-questionnaire-police-municipale.pdf

Selon l’Association des petites villes de France (APVF), « les résultats démontrent une forte corrélation entre la réduction des effectifs de sécurité de l’Etat et le recrutement des policiers municipaux. Il s’agit là d’un nouvel exemple de transfert de charges insidieux de l’Etat vers les communes, alors même que les attentes de la population en matière de sécurité n’ont pas diminué. Dans ces conditions, l’APVF appelle une nouvelle fois l’Etat à ne pas se défausser de ses compétences régaliennes sur les collectivités en matière de sécurité. Elle demande à l’Etat de mieux assurer l’intégralité des missions que la loi lui confie dans ce domaine. La "coproduction" souhaitable et nécessaire en matière de lutte contre la délinquance et l’insécurité ne doit pas aboutir à la confusion des moyens sur le terrain. »

16/06/2011

FAUT-IL ARMER LES POLICES MUNICIPALES ?

La question de l’armement des polices municipales est une polémique ancienne et récurrente. Ainsi, les débats qui ont précédé l’adoption de la loi du 15 avril 1999 ont-ils été houleux, pour ne pas dire violents à ce propos.

 

Qui se souvient des slogans du millier de policiers municipaux manifestant dans les rues de Paris au mois d’avril 1998 ? « Chevènement, ami des truands »… ; en cas de doute, je vous invite à feuilleter Le Télégramme de Brest en date du 29 avril 1998. Dans le même article, on pouvait également lire que « les orateurs de droite se sont attachés à affirmer que le texte visait à "humilier" les policiers en les désarmant, ce qui constitue selon eux une "mutilation". […]  Selon le député-maire de Nice, Jacques Peyrat, "désarmer (les policiers municipaux) serait décrédibiliser le policier et mettre à mal son autorité. Ce serait aussi se substituer au pouvoir de police du maire qui est le mieux à même de décider s'il arme ou non ses policiers" ». Autre exemple : l’intervention de Christian Demuynck, sénateur-maire de Neuilly-Plaisance en Seine-Saint-Denis, qui lança à l’époque un appel titré « Désarmez les délinquants, pas les policiers ! » (La Croix, 5 janvier 1998).

 

Face à cette dramatisation, admirablement orchestrée par l’opposition du moment et certains syndicats de police municipale, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, précisa avec justesse que « 37% des policiers municipaux en moyenne sont armés, mais les disparités sont grandes : 80% le sont en Provence-Alpes-Côte d'Azur, seulement 20% en banlieue parisienne. »

 

Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, citons une étude de l’IAU (Institut d’aménagement et d’urbanisme) d’Île-de-France consacrée aux polices municipales en Île-de-France et publiée au mois d’avril 2009 [1] : « En Île-de-France, 34 % des polices municipales ne sont pas armées. [46 % à l’échelle nationale, soit presque la moitié] Comparativement, les polices municipales franciliennes seraient donc plus fortement armées. Des différences notables existent entre départements qui ne correspondent pas au découpage petite couronne/grande couronne. Ainsi, les deux départements où la proportion des polices municipales armées est la plus importante sont l’Essonne et les Hauts-de-Seine. […] Un autre département se singularise par le très faible armement de ces polices municipales, il s’agit du Val d’Oise. Ici, la politique du Conseil général du Val d’Oise qui finance les polices municipales (équipement et une partie des salaires) sous condition que les policiers municipaux ne soient pas armés joue vraisemblablement un rôle. Notons pour finir que l’équipement en flash-ball est marginal. Seules 5 % des polices municipales d’Île-de-France en sont équipées. Un département se distingue, les Hauts-de-Seine, dont 16 % des polices municipales sont armées d’un flash-ball. » Une précision majeure est ajoutée : « 15 % des polices municipales franciliennes sont dotées d’une arme de catégorie 4, elles ne sont que 6,5 % sur l’ensemble du territoire français. » Preuve que les polices municipales dotées d’une arme à feu sont minoritaires, très minoritaires que ce soit en Île-de-France (15 %) ou sur l’ensemble du territoire nationale (6,5 %). Seule exception à la règle : la région Provence Alpes Côte-d’Azur (PACA) où 80 % des PM sont armées. D’ailleurs, l’IGA (Inspection générale de l’administration) remarque avec prudence dans son Rapport sur le rôle et le positionnement des polices municipales [2] que « Si les visites de la mission montrent à l’évidence qu’il y a une qu’il y a une augmentation du taux d’équipement en armes à feu de 4ème catégorie […], on ne peut parler pour autant de généralisation des armes à feu au sein des polices municipales » (page 13). 

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Source : IAU Île-de-France, Les polices municipales en Île-de-France, avril 2009, page 30.

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L’IAU d’Île-de-France souligne à bon escient que « Leur taille et leurs missions sont extrêmement hétérogènes et dépendent des orientations données par le « patron » de ces polices locales : le maire » (page 8), ajoutant opportunément quelques lignes plus bas : « seules 9% des communes françaises sont équipées d'une police municipale ». De son côté, l’IGA observe que « Ces dernières années ont été marquées par un développement des polices municipales, particulièrement dans le Sud-Est de la France, en Rhône-Alpes, et en région parisienne, avec en corolaire une professionnalisation accentuée. Néanmoins, cette montée en puissance n’est pas uniforme et […] reflète une réalité très diversifiée qui conduit à parler "des" polices municipales plutôt que de "la" police municipale. » Les inspecteurs généraux ajoutent dans leur rapport : « Il est donc apparu à la mission une réelle disparité en fonction des lieux visités, certaines villes à dimension et problématiques similaires n’étant pas dotées de polices municipales semblables. […]Pour autant, il semble que, dans certaines communes, on voit émerger une tendance à la répartition géographique des compétences : les forces de police municipale occupant le centre ville, les forces de l’Etat étant accaparées par la périphérie où se situent fréquemment les quartiers sensibles (cf. Nice). » Enfin, l’IGA note que « 80 % des polices municipales ont moins de cinq agents ». Il serait possible de poursuivre cette discussion en évoquant les villes qui ne veulent pas de police municipale à l’image du Mans, de Brest ou d’Issy-les-Moulineaux [3], ou en précisant que la Fonction publique territoriale représente un tiers des emplois publics (Bulletin d’informations statistiques de la DGCL n°63 d’octobre 2008) mais que la filière police municipale représente seulement 1,3 % de cet ensemble [4]. Cependant, ce n’est pas le débat de ce jour qui est lié à l’armement des polices municipales. D’ailleurs, cette polémique a été relancée à plusieurs reprises ces dernières années, notamment suite à l’autorisation du pistolet à impulsions électriques (PIE), plus communément appelé Taser, aux polices municipales et, surtout, au meurtre d’Aurélie Fouquet, agent de police municipale de la ville de Villiers-sur-Marne abattue le 20 mai 2010.

 

Le décret n°2000-276 du 24 mars 2000 [5] prévoit dans son article 2 l’armement autorisé pour les agents de police municipale et précise les armes de 6e catégorie autorisées telles que les matraques de type « bâton de défense » ou « tonfa », armement que l'agent doit porter de façon continue et apparente (ce qui exclue les matraques télescopiques). Nous revenons un peu plus loin sur le détail.

 

La décision d’armer ou non les gardiens de police municipale est l’apanage du maire, sous réserve du consentement du préfet puisque soumise à conditions. De plus, l’armement doit être en relation avec les missions de la police municipale. Par conséquent, pas de revolver 357 magnum ou de fusil à pompe ! Un pistolet automatique de 7,65 mm ou, plus simplement, une arme de 6ème catégorie (c’est-à-dire matraque et/ou bombe lacrymogène) suffit amplement. N’oublions pas que cet armement n’a qu’un caractère dissuasif ; les policiers municipaux ne sont nullement destinés à faire la chasse aux gangsters surarmés !

 

Face à cette évidence, certains opposeront le drame de Villiers-sur-Marne, s’en serviront même pour plaider leur cause. Il est vrai que ce sanglant fait divers est une tragédie aux conséquences incalculables et irréversibles pour les victimes et leurs proches, mais celle-ci n'en demeure pas moins (heureusement) exceptionnelle (comme l'a démontré Laurent Mucchielli [6]), donc à relativiser (et non à oublier). D’ailleurs, la France n'est pas le Mexique, ni la Colombie, le Nigeria ou l'Afrique du Sud, pays où la violence est endémique. En outre, la douleur et l'émotion ne doivent pas cacher une autre réalité : un gardien de police municipale n'est pas un gardien de la paix, mais la confusion demeure en raison de leur homonymie et de leurs conditions d'emploi dans certaines localités. Enfin, on peut dénoncer la tentation bien réelle du gouvernement actuel, qui supprime des fonctionnaires de police nationale et des militaires de gendarmerie, de transformer les agents de police municipale en supplétifs dans une perspective répressive et de compenser par la même occasion ses insuffisances en la matière tout en faisant payer l'addition aux collectivités territoriales. [7]

 

Mais revenons au cœur de notre sujet : l’armement des polices municipales. Ce dernier est soumis au fameux décret n°2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L.412-51 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et relatif à l'armement des agents de police municipale. « Fameux » parce que ce décret a fait l’objet de violentes attaques de la part de syndicats de police municipale, notamment le SNPM (Syndicat national de la police municipale), soutenus dans leur offensive par nombre d’élus locaux. Lesdites organisations syndicales et des communes, comme Marcq-en-Baroeul dans le Nord, ont, par exemple, déposé – sans succès [8] - un recours d’annulation à son encontre au nom d’une rupture d’égalité face aux risques professionnels – tel était le principal argument du SNPM. C’est d’ailleurs au nom de ce même motif - creux - que ce dernier réclame l’armement automatique des fonctionnaires territoriaux que sont les gardiens de police municipale.

 

La dramatisation est le leitmotiv des tenants de l’armement des gardiens de police municipale. C’est même le credo favori du SNPM (Syndicat national de la police municipale) ! Ainsi, dénonçait-il déjà « la rupture d’égalité face aux risques professionnels » dans un article paru le 5 juin 2000 dans le numéro 1553 de La Gazette des Communes.

En 2003, une pétition adressée à messieurs Sarkozy et Delevoye, alors respectivement ministres de l’Intérieur et de la Fonction publique, posait une terrible question : « Comment se fait-il monsieur le Ministre que la vie de certains policiers municipaux soit encore entre les mains d’un élu, qui décide ou pas d’armer un agent ? Selon vous, monsieur le Ministre, un voyou est différent lorsqu’il passe d’une commune à une autre ? Fait-il la différence entre un policier municipal, un policier national ou un gendarme quand celui-ci vient de commettre un acte répréhensible à la loi Républicaine ? Pensez-vous qu’il va sortir son arme en fonction de l’étiquette descriptive de 10 cm sur 2 cm qui est apposée sur la poitrine de l’agent ? Permettez-nous d’en douter.» Formidable remise en cause de l’autorité des élus !

Dans la même veine, en février 2004, dans une lettre adressée aux députés, l’intersyndicale de la police municipale réclamait, entre autre, « la mise en place de véritables moyens permettant aux policiers municipaux et gardes-champêtres d’exercer leurs missions avec un maximum de sécurité » - une manière voilée d’exiger l’armement automatique.

 

La réglementation est pourtant fort précise. L’armement de gardiens de police municipale est subordonné à un préalable impérieux, à savoir : la signature d’une convention de coordination [9] avec les services de la police nationale et/ou de la gendarmerie– dont le modèle est fixé par le décret précité. L’armement des policiers municipaux n’est donc ni un droit, ni automatique, encore moins obligatoire. En outre, les armes restent la propriété de la commune.

 

Pour comprendre cette réglementation, rappelons quelles sont les missions assignées par la loi aux polices municipales.

 

L’article L.2212-2 du Code générale des collectivités territoriales (CGCT) énonce les buts de la police municipale, à savoir : le bon ordre (et non le maintien de l’ordre), la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. L’article 21 du Code de procédure pénale fixe pour sa part les conditions d’exercice de l’Agent de police judiciaire adjoint ou APJA21 (à ne pas confondre avec l’APJ20 ou l’OPJ). Mais c’est le décret n°2000-276 du 24 mars 2000 qui formalise les conditions d’armement des polices municipales ; la circulaire NOR/INT/D/0000072/C datée du 6 avril 2000 résume à merveille ledit décret.

 

Types d’interventions. Selon ce dernier, trois missions peuvent justifier qu'un agent de police municipale soit armé :

 

- 1° la surveillance générale des voies publiques, des voies privées ouvertes au public et des lieux ouverts au public (par exemple, les galeries marchandes) ;

- 2° la surveillance dans les services de transports publics de personnes ;

- 3° les gardes statiques des bâtiments communaux.

 

Pour la mission de surveillance énoncée au 1° point, la condition tient à l'existence de personnes et de biens exposés à un risque identifié de nature à compromettre leur sécurité. Cette condition s'apprécie en référence à la délinquance de voie publique constatée dans la commune par les services de la police ou la gendarmerie nationales.

 

Pour la mission de surveillance dans les transports énoncée au 2° alinéa, la condition tient à l'existence d'une demande adressée au maire par l'exploitant du service.

 

Pour la mission de surveillance énoncée au 3°, la garde statique d'un bâtiment communal, la condition requise est que le bâtiment abrite des services ou des biens exposés à des risques particuliers d'insécurité. D’ailleurs, la circulaire susnommée précise : « Vous pourrez donc, par exemple, autoriser le port d'armes pour des agents de police municipale chargés de garder des locaux communaux ouverts au public et dans lesquels le personnel de guichet est exposé à des risques d'agression physique. Vous pourrez aussi, par exemple, l'autoriser pour des agents de police municipale chargés de garder des locaux communaux dans lesquels le public n'est pas reçu, mais qui abritent des véhicules ou des matériels susceptibles d'être dérobés. »

 

Deux types d'interventions peuvent justifier le port d'arme des agents de police municipale, en vertu du III et du IV de l'article 3 du décret susvisé :

 

- les interventions, sur appel d'un tiers (personne en détresse, victime, témoin, etc.) ou à la demande des services de la police ou de la gendarmerie nationales, sur les lieux où se produisent des troubles à la tranquillité publique ;

- les interventions pour la capture des animaux dangereux ou errants. L'arme appropriée est un projecteur hypodermique, lequel sert à l'injection à distance d'un liquide anesthésique.

 

De jour ou de nuit. Il est important de savoir si les missions doivent être accomplies le jour ou la nuit. Ces circonstances de temps - travail de jour, travail de nuit - doivent être précisées, car elles ont une incidence sur le régime du port d'arme.

 

Si l'agent travaille la nuit, c'est-à-dire entre 23 heures et 6 heures du matin, cette circonstance suffit en elle-même, selon le II de l'article 3, pour autoriser le port d'une arme de service. Si l'agent travaille de jour, c'est-à-dire entre 6 heures et 23 heures, le I de l'article 3 ajoute à cette circonstance des conditions particulières, qui sont précisées par type de missions.

 

Par contre, l'article 3 du décret ne permet pas d'autoriser le port de projecteurs hypodermiques au cours des missions de surveillance ou des interventions sur les lieux de troubles à la tranquillité publique. Ces projecteurs seront transportés dans le véhicule du service de police municipale pour servir, en tant que de besoin, à la téléanesthésie d'un animal dangereux ou errant qui serait découvert au cours de la mission de surveillance. Mais il va de soi que les interventions sur appel, pour la capture de ces animaux, autorisent le port de projecteurs hypodermiques.

 

Les demandes [de port d’armes des agents de police municipale] sont faites par le maire auprès du préfet. A ce titre, le port d'armes de 6e catégorie pour les agents de police municipale est soumis à autorisation préfectorale, à l'instar du port d'une arme à feu de 4e catégorie.

La délivrance d'une autorisation de port d'arme, qu'il s'agisse d'une 4ème, 6ème ou 7ème catégorie, n'est pas un droit pour les agents de police municipale, qui, à la différence des gardes champêtres, ne peuvent prétendre au bénéfice du décret n°95-589 du 6 mai 1995. En outre, la circulaire ministérielle spécifie aux préfets : « Vous n'êtes pas dans une situation de compétence liée, au regard de la demande du maire et de la qualité de l'agent, ainsi que cela ressort de la rédaction des articles 3 et 4 du décret. Vous tiendrez donc compte, à la fois, des risques invoqués par le maire et de la personnalité de l'agent, notamment de son aptitude à porter une arme de service. »

Par conséquent, la demande du maire doit être « motivée ». Cette exigence résulte des termes mêmes de l'article L.412-51 du Code des communes et se trouve rappelée à l'article 4 du décret. Il ne suffit pas au maire d’indiquer que le port d'une arme de la catégorie et du type visés à l'article 2 est nécessaire à l'accomplissement du service de tel ou tel agent de police municipale, nommément désigné. La demande du maire doit être circonstanciée. Elle doit permettre d'apprécier la réalité des risques encourus par l'agent en fonction des missions qui lui sont effectivement confiées. Elle doit préciser s'il est demandé, pour cet agent, une arme de poing de 4ème catégorie et/ou une arme de 6ème catégorie, ainsi que le type de ces armes. Cependant, aujourd’hui comme hier, le décret n'exclut nullement qu'un agent de police municipale puisse porter à la fois une arme de 4ème catégorie, une autre arme de 6ème catégorie et une dernière de 7ème catégorie.

Les autorisations individuelles de port d'armes sont données sous forme d'arrêtés préfectoraux. Pour un meilleur suivi des autorisations, l'arrêté n'est pas collectif. Il est établi au nom de l'agent et notifié au maire de la commune.

 

Quelles armes ? Armes de défense ou armes pour le maintien de l’ordre ? La réponse est sans ambiguïté : les policiers municipaux ne peuvent en aucun cas exercer des missions de l’ordre [10]. Par conséquent, ils ne devraient pas avoir accès à ce genre d’armes. Or, depuis le décret n°2010-544 du 26 mai 2010, les policiers municipaux peuvent désormais vous électrocuter avec un Taser… Ajoutez-y le flash-ball, le tonfa, le gaz lacrymogène et autre gel poivre, et le policier municipal dispose dorénavant de la panoplie complète du parfait policier anti-émeute ! D’ailleurs, l’IGA relève dans son rapport l’usage de « matériel de type M.O. [Maintien de l’ordre] utilisé à des fins défensives » (sic). Certains syndicats tirent pourtant la sonnette d’alarme à ce sujet [11]. Ainsi, le 19 octobre 2010, Le Midi libre faisait écho à une lettre de la Fédération autonome de la Fonction publique territoriale (FA-FPT) adressée au maire de Lunel (Hérault), Claude Arnaud, au sujet des manifestations de lycéens à travers la ville. Celle-ci s'étonnait de la présence de policiers municipaux dans l'encadrement des cortèges, son secrétaire général, Pierre Padilla, écrivant précisément : « En tant que représentant syndical, je ne peux que déplorer cette présence au côté des forces de l'Etat, ce qui renforce une fois de plus le désengagement de l'Etat à votre charge. En effet, le maintien de l'ordre ne fait pas partie des prérogatives dévolues aux polices municipales ». Ce sont notamment les poursuites potentielles en cas d'incidents qui inquiètent le syndicaliste, qui termine en demandant au maire « d'interdire la présence des collègues en renfort des forces de l'Etat ».

 

Voici pour l’aspect réglementaire dont le simple exposé éteint le débat qui va s’engager ce jeudi 16 juin 2011, à Nice.

 



[1] IAU Île-de-France, Les polices municipales en Île-de-France, avril 2009.

Les polices municipales en Île-de-France étude avril 2009.pdf

 

[2] IGA, Rapport sur le rôle et le positionnement des polices municipales, décembre 2010.

Rapport PM sur le rôle et le positionnement des polices municipales IGA.pdf

 

[3] « Les polices municipales ont le vent en poupe. […] Dans ce contexte, pourtant, deux villes font figure d’exception : Le Mans (146 000 hab., Sarthe) et Brest (148 500 hab., Finistère). A ce jour, elles sont en effet les deux seules villes de plus de 100 000 habitants à ne pas être dotées d’un service de police municipale. Une singularité qui attire d’autant plus l’attention que, selon un classement établi au printemps dernier par l’hebdomadaire « Le Point », à partie de statistiques officielles, la capitale sarthoise se placerait au premier rang des villes les plus sûres de France. De son côté, Brest décrocherait la sixième place du palmarès, loin devant Orléans (70e), Lyon (93e) ou Cannes (100e et dernière), souvent citées en exemple pour l’ampleur et la performance de leur police municipale. »

Hervé Jouanneau, « Ces villes qui ne veulent pas de police municipale » in La Gazette des communes, 8 septembre 2008.

Villes sans police municipale.pdf

 

[4] Laurent Opsomer, « Polices municipales : mythes et réalités », 2 juin 2011.

http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2011/06/02/polices-municipales-mythes-et-realites.html

 

[5] Décret n°2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L.412-51 du code des communes et relatif à l'armement des agents de police municipale

[6] Laurent Mucchielli, « Des métiers à risque, mais (heureusement) de moins en moins meurtriers » in Délinquance, justice et autres questions de société, 18 mars 2010.

http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2010/03/18/Des-m%C3%A9tiers-%C3%A0-risque%2C-mais-%28heureusement%29-moins-meurtriers

 

[7] Gilbert Roger, « Polices municipales, drame de Villiers S/Marne : quels enseignements ? », 24 mai 2010

http://www.gilbert-roger.fr/gilbert_roger/2010/05/polices-municipales-drame-de-villiers-smarne-quels-enseignements.html

 

[8] Conseil d’Etat, 19 juin 2002, n°221 500 à 221 506, n°221 589, Commune de Marcq-en-Baroeul et autres.

 

[9] Conformément à l'article L.2212-6 du CGCT, dans les communes comptant au moins cinq agents de police municipale, même si ceux-ci ne sont pas armés, le préfet et le maire doivent édicter en commun, après avis du procureur de la République, un règlement de coordination. Celui-ci définit le cadre dans lequel les policiers municipaux peuvent intervenir et les modalités de leur coordination avec l'action de la police ou de la gendarmerie nationales. Cela dit, une convention de coordination peut être conclue, à la demande du maire, lorsque le service de police municipale compte moins de 5 emplois. En effet, dans les communes employant moins de 5 agents, la convention est facultative. Elle est, toutefois, nécessaire si l’édile souhaite que ses employés puissent être armés et/ou de nuit. En effet, à défaut de convention, les missions de police municipale ne peuvent s'exercer qu'entre 6 heures et 23 heures, à l'exception des gardes statiques des bâtiments communaux et de la surveillance des cérémonies, fêtes et réjouissances organisées par la commune ou par l'établissement public de coopération intercommunale.

 

[10] Virginie Malochet, « De la "surveillance du bon ordre" au "maintien de l’ordre" », in Délinquance, justice et autres questions de société, 8 novembre 2010.

http://www.laurent-mucchielli.org/public/De_la_surveillance_du_bon_ordre_au_maintien_de_l__ordre.pdf

 

[11] Syndicat indépendant de la police municipale (SIPM), « Police municipale et maintien de l’ordre », 22 octobre 2010.

http://sipm.fpip.over-blog.org/article-police-municipale-et-maintien-de-l-ordre-59421874.html

 

Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM), « Assurer le bon ordre et non pas maintien de l'ordre ! » in Zinfos974, 25 octobre 2010

http://www.zinfos974.com/Assurer-le-bon-ordre-et-non-pas-maintien-de-l-ordre-_a22401.html