26/01/2014

HOLLANDE : UN PACTE D’IRRESPONSABILITÉ ?

La porte du bonheur est une porte étroite

On m'affirme aujourd'hui que c'est la porte à droite

Qu'il ne faut plus rêver et qu'il est opportun

D'oublier nos folies d'avant quatre-vingt-un

 

Qui se souvient de cette chanson de Jean Ferrat, La porte à droite ? (1) 

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En 2012, le candidat François Hollande promettait le changement. Aujourd’hui, le président François Hollande fait sa révolution... en consolidant l’œuvre de son prédécesseur « mais avec une ambition immense : réussir là où Nicolas Sarkozy a échoué. ll veut stopper la gangrène du chômage et aussi redresser le pays, lui rendre sa fierté, lui redonner toute sa place dans les affaires du monde. Il se prend pour de Gaulle. » (2) Cependant, nos compatriotes ne s’y trompent pas. Le récent sondage Ifop réalisé pour Sud-Ouest Dimanche indique que 74 % des Français ne font pas confiance à François Hollande et à son gouvernement pour réaliser des économies importantes sur les dépenses publiques et que la même proportion, 73 %, n’a pas confiance dans les entreprises pour créer plusieurs centaines de milliers d’emplois en échange de cette baisse de leurs charges. (3) Une tendance confirmée par Le Parisien qui a posé, le 21 janvier dernier, à ses lecteurs la question suivante : « Croyez-vous à l’efficacité de la baisse des charges pour créer des emplois ? » Avec 11 310 votants, la réponse est négative à 75,6 % ! (4)

 

Face à la défiance populaire, François Hollande a prévenu qu'il exigerait des contreparties « mesurables » aux allègements de charges promis aux entreprises, sans toutefois chiffrer les créations d'emploi attendues. Le président de la République s'est en vérité contenté d'un discours de principes à propos des fameuses contreparties, laissant aux partenaires sociaux le soin de les arrêter dans le détail. Bref, il veut des contreparties « précises » mais sans les préciser... (5) 

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L'estimation de 50 milliards est pour 2015 à 2017, soit 3 ans. Le Point souligne les propos présidentiels : « Entre 2015 et 2017, nous devrons dégager au moins 50 milliards de plus d'économies, a fait valoir François Hollande dans son discours introductif, avant de préciser que ces économies atteindraient 18 milliards en 2015 ainsi qu'en 2016, puis 17 milliards en 2017. Mais depuis, l'Élysée a reconnu que le président s'est trompé dans les chiffres. Et précise que l'effort se un peu moins important la dernière année, soit 50 milliards au total. » (6)

 

Notons également que les suppressions de cotisations familiales pour les entreprises seront reconduites chaque année. Par conséquent, les 10 milliards qu'elles représenteront seront bien annuels, et non sur la durée de vie de l'emploi ! Pour le CICE, la somme de 20 milliards annoncée est aussi annuelle, même si le dispositif est censé prendre fin en 2015 ; des discussions avec les partenaires sociaux permettront - ou pas - de le renouveler. En cas de renouvellement du CICE, il y aura donc bien un allègement de 30 milliards annuels (20 milliards imputables au crédit d'impôt, plus 10 milliards de cotisations) ! (7)

 

La baisse de 5,4 % des cotisations familiales entraîne une baisse d'environ 1 à 2 % des coûts totaux supportés par une entreprise. Il est évident que cela ne peut être suffisant pour les inciter à embaucher, surtout si la croissance reste faible (0,6 % en 2014 d'après les prévisions). Or, une entreprise n'embauche que si elle veut augmenter sa production pour vendre plus. Si la production n'augmente que de 0,6 %, elle n'embauchera évidemment pas et n'investira pas. Dès lors, où ira ce cadeau fiscal ? Dans les poches des actionnaires ou autres propriétaires des entreprises...

 

C'est pourquoi le Medef jubile ! Même l'UMP n'était pas allé aussi loin dans les cadeaux au patronat ! En plus, le coût est supporté par les ménages : hausse de la TVA et réduction des dépenses de l'Etat, donc des services publics. Ainsi, ne s’interroge-t-on pas déjà sur l’assurance-chômage ? (8) Ceci n’empêche pourtant pas le Medef de surenchérir puisqu’il réclame dorénavant 100 milliards ! (9)

 

Le coût est donc bien exorbitant pour une réussite bien incertaine ; aucune garantie d'embauche n’a été prise par le patronat. Si le patron du Medef, Pierre Gattaz,  se targue d'avoir largement contribué à l'annonce de François Hollande concernant le pacte de responsabilité, il a par ailleurs refusé de s’engager sur la création d’un million d’emplois en cinq ans dans le cadre de ce même pacte de responsabilité. (9) Même son de cloche de la part de Jean Roubaud, le président de la CGPME, qui souligne que « Malheureusement, il n'y a pas de relation directe entre la baisse de charges et la création d'emplois ». (11)

En résumé, le patronat est d’accord pour les 50 milliards, mais sans contrepartie. Au moins, on est déjà prévenu ! Finalement, ce pacte de responsabilité ne serait-il pas en réalité un pacte d’irresponsabilité ?

 

 

(1) Jean Ferrat, La porte à droite.

http://www.youtube.com/watch?v=VEFe6XB3zHM

 

(2) Françoise Fressoz, « Hollande a fait sa révolution », 14 janvier 2014.

http://fressoz.blog.lemonde.fr/2014/01/14/la-revolution-de-francois-hollande/

 

(3) « Les Français et le pacte de responsabilité » in Sud-Ouest avec Ifop, 20 janvier 2014.

http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=2469

 

(4) « Croyez-vous à l’efficacité de la baisse des charges pour créer de l’emploi ? » in Le Parisien, 21 janvier 2014.

http://www.leparisien.fr/economie/croyez-vous-a-l-efficacite-de-la-baisse-des-charges-pour-creer-de-l-emploi-21-01-2014-3512701.php

 

(5) « Pacte de responsabilité : Hollande précise les contreparties des entreprises » in Le Point avec AFP, 21 janvier 2014.

http://www.lepoint.fr/economie/pacte-de-responsabilite-et-maintenant-les-details-21-01-2014-1782575_28.php

 

(6) « Le financement très flou du "pacte de responsabilité" de Hollande" in Le Point, 15 janvier 2014.

http://www.lepoint.fr/economie/le-financement-tres-flou-du-pacte-de-responsabilite-de-hollande-15-01-2014-1780672_28.php

 

(7) Laurent Grzybowski,  « Suppression des cotisations familiales, qu'est-ce que ça change ? » in La Vie, 16 janvier 2014.

http://www.lavie.fr/actualite/economie/suppression-des-cotisations-familiales-qu-est-ce-que-ca-change-16-01-2014-48766_6.php

 

(8) Jean-Baptiste Chastand, « Assurance-chômage : les droits des chômeurs vont-ils diminuer ? » in Le Monde, 16 janvier 2014.

http://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/01/16/assurance-chomage-les-trois-enjeux-d-une-negociation-sensible_4349036_1698637.html

 

(9) Patrick Coquidé, « Gattaz réclame 100 milliards de baisse de prélèvements » in BFM-TV,

http://www.bfmtv.com/economie/gattaz-reclame-100-milliards-baisse-prelevements-677788.html

 

Marc Vignaud, « Pacte de responsabilité : le Medef met la pression sur l’exécutif » in Le Point, 13 janvier 2014.

http://www.lepoint.fr/economie/pacte-de-responsabilite-le-medef-met-la-pression-sur-l-executif-13-01-2014-1779834_28.php

 

(10) « Pacte de responsabilité : le Medef ne s’engage pas sur le million d’emplois » in L’Entreprise avec AFP, 17 janvier 2014).

http://lentreprise.lexpress.fr/impots-taxes-entreprise/pacte-de-responsabilite-le-medef-ne-s-engagera-pas-sur-le-million-d-emploi_45366.html

 

(11) « Pacte de responsabilité : le patronat partagé, les syndicats aussi... » in Le Parisien, 21 janvier 2014.

http://www.leparisien.fr/politique/pacte-de-responsabilite-les-syndicats-partages-21-01-2014-3515313.php

18/01/2014

HOLLANDE : UN JEU DE DUPES ?

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Le président de la République multiplie les gestes en faveur des entreprises : aux 20 milliards engagés dans le cadre du CICE (financé par la hausse de la TVA) s’ajoutent maintenant les 30 milliards du pacte de responsabilité (pris sur la protection sociale), soit 50 milliards d’euros en échange de la promesse patronale de créer un million d’emplois dont on ignore tout (parle-t-on de créations nettes d’emplois, c’est-à-dire le solde entre créations et destructions d’emplois, ou de la création brute ? Temps plein/temps partiel ? Smic ou plus ?). Pourtant, un calcul s’impose : si l’on divise les cinquante milliards avancés par le million d’emplois promis, cela fait 50 000 euros par emploi ! À ce prix-là, n’est-ce pas un jeu de dupes ?

03/07/2013

LA FRANCE EN FAILLITE ? TOO BIG TO FAIL !

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« 2014 : un budget de rigueur historique », titre Le Monde dans son édition des dimanche 30 juin et lundi 1er juillet 2013. Ce budget est une réponse aux rappels à l’ordre de Bruxelles et de la Cour des comptes. « Je suis à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite », avait lancé, le 21 septembre 2007, François Fillon lors de son premier déplacement officiel en Corse en tant que Premier ministre. Un « Etat totalement en faillite », surenchérissait Michel Sapin, le ministre du Travail, le dimanche 27 janvier 2013 sur Radio J. Une saillie sous forme d’ironie, paraît-il. [1] Dans tous les cas, « la France est dans une situation terrifiante. La récession va s’aggraver, donc le chômage va augmenter. Il y a le feu » (dixit Michel Rocard). [2] Il est vrai que la charge de la dette (c’est-à-dire ses intérêts) est devenu le premier poste budgétaire de la France en 2012 (donc sous la présidence de Nicolas Sarkozy), soit, à titre de comparaison, presque la totalité de l’impôt sur le revenu payé par les Français cette année-là ! [3] Dans la loi de finances 2013, elle s’élève à 56,14 milliards d’euros, soit 14,19 % du budget de l’État ! [4] Logiquement, « La charge de la dette grève les marges de manœuvre de l’action publique ». [5] Pourtant, ce n’est pas l’existence de la dette qui pose problème mais que celle-ci ne génère pas de croissance. On peut, en effet, toujours refinancer cette dernière, d’autant qu’elle fait vivre les marchés financiers pour lesquels c’est une véritable rente ! Dès lors, ceux-ci n’ont aucun intérêt à tuer la poule aux œufs d’or. D’ailleurs, imagine-t-on sérieusement à Paris ou à Bruxelles que notre pays, deuxième puissance européenne et cinquième mondiale, fasse vraiment défaut un jour ? La chute de la France ferait passer la faillite de Lehman Brother [6] pour une douce rigolade puisqu’un tel naufrage aspirerait toute la zone euro, qui sombrerait alors dans les abîmes en entraînant à son tour l’économie mondiale dans un infernal et dévastateur maelström. Ce serait l’an zéro de la mondialisation ! Cette apocalypse financière aux conséquences incalculables effraie assurément les citoyens mais s’apparente en réalité aux contes de Grimm, des contes d’autant plus populaires qu’ils étaient en vérité au service de la morale puritaine et patriarcale.

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[1] « Pour Sapin, la France "totalement en faillite", et l’ironie » in Libération avec AFP, 27 janvier 2013.

http://www.liberation.fr/politiques/2013/01/27/pour-sapin-la-france-est-totalement-en-faillite_877114

 

[2] Nicolas Prissette, « Rocard : "Travailler jusqu’à 65 ans" » in Le Journal du dimanche, samedi 26 janvier 2013

http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Michel-Rocard-propose-de-travailler-jusqu-a-65-ans-588196

 

[3] « La charge de la dette devient le premier poste budgétaire de la France » in France Info, mercredi 28 septembre 2011.

http://www.franceinfo.fr/france-politique-2011-09-28-la-charge-de-la-dette-devient-le-premier-poste-budgetaire-de-la-565089-9-10.html

 

[5] Marie de Vergès, « La charge de la dette grève les marges de manœuvre de l’action publique » in Le Monde, 15 mai 2013.

http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/05/15/la-charge-de-la-dette-greve-les-marges-de-man-uvre_3230341_3234.html

 

[6] Caroline Talbot, « Le jour où… Lehman Brothers a fait faillite » in Libération, 14 septembre 2009.

http://www.liberation.fr/economie/0101590674-le-jour-ou-lehman-brothers-a-fait-faillite

 

Alexandra Le Chaffotec et Thomas Porcher, enseignants-chercheurs à l'ESG Management School, « De la faillite de Lehman Brothers à la crise grecque » in La Tribune, 3 octobre 2011.

http://www.latribune.fr/opinions/20111003trib000653630/de-la-faillite-de-lehman-brothers-a-la-crise-grecque.html

 

Grégory Raymond, « Chute de Lehman Brothers : tout ce que vous devez savoir sur ce qu’il s’est passé depuis » in Le Huffington Post, 15 septembre 2012.

http://www.huffingtonpost.fr/2012/09/14/lehman-brothers-crise-subprimes-grece-fed-bce-euro_n_1884756.html