01/08/2011
AU NOM DE QUELLE IDÉOLOGIE…
« Au nom de quelle idéologie peut-on ignorer le sort des victimes pour ne s’intéresser, encore et toujours qu’aux délinquants, objets d’études, objets d’explication, objets d’excuse sociologique ou sociale et de compassion ? », s’offusquait en 2003 le ministre de l’Intérieur [1]. Pourquoi, en effet, s’interroger sur la personnalité d’Anders Behring Breivik, nouveau symbole du terrorisme d’extrême droite, alors que simultanément tout a été fait ces dernières années pour banaliser l’extrême droite, désormais pudiquement qualifiée de droite extrême, nationaliste ou populiste (populaire ?), au mieux d’ultra-droite ? Or, comme le rappelle le magazine Marianne, « Oui, l’extrême droite TUE » (n°745 du 30 juillet au 5 août 2011). En 2003, Nicolas Sarkozy affirmait que « Le premier risque est évident, il concerne le terrorisme ». Mais dans son discours, l’ennemi est invariablement et uniquement l’étranger, l’immigré ; aujourd’hui comme hier, il ne considère pas l’extrême droite comme un danger pour la sécurité mais un enjeu électoral, d’où sa perpétuelle fuite en avant [2]. Cependant, comme le remarque Patrick Apel-Muller, « Les discours de haine raciste enfièvrent aisément les esprits faibles qui rêvent de pouvoirs forts » (L’Humanité, 25/07). Ainsi, qui se souvient de l’attentat raté de Maxime Brunerie contre Jacques Chirac le 14 juillet 2002 ? Par conséquent, est-il inconcevable de craindre à l’avenir un Breivik français ? Au vu de certaines réactions anonymes ou politiques [3] suite à la tragédie norvégienne, c’est une hypothèse impossible à exclure, d’autant que « Le tueur [d’Oslo] était un habitué des forums d’ultradroite sur lesquels son crime est aujourd’hui analysé, justifié, voire appelé à se reproduire » [4]. Dès lors, il faut vraisemblablement rappeler à l’ancien ministre de l’Intérieur, désormais président de la République, sa conclusion d’alors : « La menace existe. Il serait irresponsable de ne pas en tenir compte »… ou de l’attiser.
[1] 14.01.2003 - Projet de Loi Pour la Sécurité Intérieure (LPSI)
[2] « Il s’agit, on le sait, de phagocyter les idées du FN en espérant "siphonner" ses électeurs. Mais cette tactique, si elle ramène quelques frontistes à l’UMP, lui fait perdre autant ou plus de modérés. Et elle a pour effet pervers de valoriser les idées en question aux yeux d’un électorat qui, par dépit ou par protestation, hésitait à voter pour le Front. Tout cela contribue bien sûr à accréditer l’idée selon laquelle, en revêtant des habits neufs et en refaisant les peintures, le FN version Marine Le Pen aurait changé de nature » (Erik Emptaz, « Les dégâts de la Marine » in Les dossiers du Canard enchaîné n°120 de juillet 2011).
[3] Samuel Laurent, « Attentats en Norvège : la "fachosphère" française entre colère et admiration » in lemonde.fr, 26 juillet 2011.
« Attentats d’Oslo : un membre du FN suspendu pour apologie de Breivik » in lemonde.fr avec AFP, 26 juillet 2011.
Caroline Monnot, « Jean-Marie Le Pen juge la "naïveté" de la Norvège plus grave que la tuerie d’Oslo » in Le Monde, 31 juillet 2011.
« Attentats d’Oslo : Marine Le Pen refuse de condamner les propos de son père » in lemonde.fr avec AFP, 31 juillet 2011.
[4] Estelle Gross et Céline Lussato, « Plongée dans la fachosphère » in Le Nouvel Observateur n°2438 du 28 juillet au 3 août 2011.
23:22 Publié dans Actualités, Perso, Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : terrorisme, extrême droite, nicolas sarkozy, fn, ump, norvège, oslo, attentats, anders behring breivik