01/06/2021
LE CHEF-D’ŒUVRE DE BLANQUER
Presque 646.000 élèves sont scolarisés dans les lycées professionnels ; ils représentent plus d’un lycéen sur quatre.¹ En 2009, une réforme a transformé le cursus conduisant au baccalauréat professionnel en le réduisant de quatre à trois ans.² Une réforme au nom de l’équité officiellement : préparer le baccalauréat professionnel comme les autres baccalauréats en trois ans après le collège. En réalité, conformément à la révision générale des politiques publiques, plus connue sous son acronyme RGPP, lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy, l’objectif était la réduction des dépenses par l’économie d’une année de formation. Surnommé le « ministre bis » (alors directeur général de l'enseignement scolaire de Luc Chatel), Jean-Michel Blanquer est celui qui a conduit l’essentiel des réformes du quinquennat Sarkozy, organisant notamment la suppression de 80 000 postes d’enseignants entre 2007 et 2012. Véritable fil conducteur de la politique éducative du sarkozysme, Jean-Michel Blanquer poursuit son travail de sape sous Emmanuel Macron. Dix ans après la réforme de Xavier Darcos, Jean-Michel Blanquer a lancé une nouvelle transformation de la voie professionnelle, dont l’une des mesures emblématiques est la réalisation d’un « chef-d’œuvre » par tous les élèves en CAP et en baccalauréat professionnel. Jean-Michel Blanquer se veut aussi offensif sur la question de la citoyenneté. Mais le discours politique n’est qu’une façade, un pâle décor de théâtre qui cache une triste réalité : les heures des enseignements généraux et professionnels sont rabotées au fil des années. Un arrêté du 21 novembre 2018 donne ainsi le détail³ : 450 heures d’enseignements professionnels en seconde, 420 en première et 390 en terminale, année du fameux « chef-d’œuvre ». Les enseignements généraux (français, maths, etc.) suivent la même dégringolade : respectivement 360 en seconde professionnelle, 336 en première et 299 heures pour l’année du baccalauréat. Deux exemples : les élèves de seconde professionnelle ont une heure d’histoire-géographie par semaine contre trois pour ceux de seconde générale. Les bacheliers professionnels auront désormais un bloc annuel de 78 heures comprenant à la fois le français, l’histoire-géographie et l’éducation morale et civique… Voilà le chef-d’œuvre de Jean-Michel Blanquer : la fabrique de l’ignorance !
¹ Les chiffres clés du système éducatif
https://www.education.gouv.fr/les-chiffres-cles-du-system...
² Laurent Opsomer, L’enseignement professionnel sacrifié ?, Double Neuf, 6 avril 2017.
http://doubleneuf.nordblogs.com/archive/2017/04/06/l-ense...
³ Arrêté du 21 novembre 2018 relatif aux enseignements dispensés dans les formations sous statut scolaire préparant au baccalauréat professionnel
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT0000378332...
20:52 Publié dans Education, Perso, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : école, enseignement professionnel, lycée professionnel, baccalauréat professionnel, jean-michel blanquer, lrem, la république en marche, emmanuel macron, nicolas sarkozy, éducation nationale, chef-d'oeuvre, macronie
25/10/2017
UN SIMPLE PROF…
J’enseigne depuis 20 ans. Récemment, profitant que j’écrivais au tableau, un de mes élèves a asséné un coup de règle particulièrement sonore sur la nuque d’un de ses camarades pour le motif (futile) qu’il aurait griffonné son dessin. Sanction immédiate : expulsion du cours. Las, celui-ci a quitté l’établissement en fin de journée avant que je puisse le sermonner vertement pour son comportement violent en classe. Je le retrouve, cependant, à la gare où je le réprimande brièvement, insistant sur le caractère intolérable de son geste et le menaçant d’un conseil de discipline en cas de récidive. Réaction virulente des parents qui ne contestent pas l’expulsion (d’autant qu’il n’y a pas eu d’autres sanctions) mais la remontrance adressée à leur fils à la gare. Selon eux, je n’avais pas le droit d’houspiller ce dernier en dehors de l’enceinte scolaire car je ne suis pas « son père, ni son oncle ou un policier mais un simple prof… »
11:45 Publié dans Education, Perso | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : école, lycée, collège, éducation nationale, professeur, professeurs, violence, respect, autorité, enseignant, enseignants, élèves, school, teacher
06/04/2017
L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL SACRIFIÉ ?
Des filières peu ou pas attractives, voire cul-de-sac, un logiciel d’affectation concentrant les élèves les plus faibles dans les filières les moins demandées, d’où une orientation par défaut, donc subie plus que choisie, avec son corollaire d’absentéisme, de désintérêt et d’indiscipline, une absence de mixité sociale et une mobilité géographique réduite, un nombre d’enseignants contractuels ou vacataires bien supérieur à la moyenne (mais corvéables à merci)… Tous les ingrédients sont réunis pour transformer des lycées professionnels en ghettos scolaires. [1] Ajoutez à ces maux les réformes successives du baccalauréat professionnel depuis sa création en 1985, qui n’ont cessé d’alléger les exigences pédagogiques, sacrifiant délibérément la qualité à la quantité. Un égalitarisme effréné et une gestion purement comptable ont entraîné, depuis 2009, une dévalorisation des diplômes. Ainsi, le BEP, diplôme autrefois reconnu par les professionnels, aujourd’hui certification intermédiaire, n’a plus désormais que la valeur du papier sur lequel il est imprimé. De même, le contrôle en cours de formation (CCF) en BAC PRO permet de compenser l’échec de nombre d’élèves aux épreuves terminales puisqu’il compte pour 50 % de la note finale ; le CCF représente les deux tiers, voire les trois quarts des épreuves selon les filières. L’épreuve orale de contrôle est aussi une astuce destinée à repêcher un maximum de candidats tout comme le rattrapage sur dossier en cas d’échec à celle-ci. Le baccalauréat professionnel est également dévoyé par un discours dorénavant centré sur la poursuite d’études et non plus sur l’accès au marché de l’emploi, l’insertion professionnelle, sa finalité initiale. Les bacheliers professionnels paient d’ailleurs au prix fort cette digression : un tiers poursuit des études supérieures mais seuls 10 % obtiennent un diplôme de niveau Bac + 2 (1 % à partir du Bac + 3). [2]
[1] Bérangère Barret, « Pourquoi nos lycées pro sont mal classés » in Nord-Eclair, 29 mars 2017.
http://www.nordeclair.fr/48073/article/2017-03-29/pourquo...
Marie Piquemal, « Bac pro : toujours plus d'élèves, mais très peu de débouchés » in Libération, 8 juin 2016.
http://www.liberation.fr/france/2016/06/08/bac-pro-toujou...
« L’absentéisme est plus important en lycée professionnel » in Le Figaro, 16 février 2015.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/02/16/01016-...
« Un fort taux d'absentéisme se maintient en lycée professionnel » in Le Café pédagogique, mardi 17 février 2015.
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/02/17...
« En 2015-2016, l'absentéisme touche en moyenne 4,5 % des élèves du second degré public » in Note d’information n°6 de mars 2017.
http://www.education.gouv.fr/cid56912/l-absenteisme-des-e...
« Les enseignants non titulaires du second degré public : 7,5 % de l'ensemble des effectifs en 2013 » in Note d’information n°17 de mai 2015.
http://www.education.gouv.fr/cid87304/les-enseignants-non...
« Enseignement professionnel : Le Cnesco veut en finir avec les lycées ghettos » in Le Café pédagogique, mercredi 8 juin 2016.
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/06/08...
[2] Agefa PME, Le BAC PRO en 3 ans, bilan commenté de la réforme, février 2016.
http://www.agefa.org/agefa-pme/wp-content/uploads/sites/2...
« La grande illusion du bac professionnel » in Le Figaro, 14 juillet 2016.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/07/14/01016-...
« Le bac pro cherche encore sa place » in Les Echos, 15 juin 2016.
https://www.lesechos.fr/15/06/2016/LesEchos/22213-019-ECH...
19:40 Publié dans Education, Perso | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enseignement professionnel, lycée professionnel, baccalauréat professionnel, bac pro, bep